Me rappelant de nos grands-pères africains- appelés tirailleurs sénégalais- ayant combattu aux côtés de la France pendant les deux guerres mondiales (1914-1918) et (1939-1945), j´ai inventé le mot „jouailleurs“ pour désigner leurs descendants qui jouent aujourd´hui pour la France.
Au Mondial de 1982 en Espagne l´équipe de France comptait seulement deux joueurs de couleur noire en son sein. Les plus jeunes d´entre nous ont le droit de savoir que ces deux joueurs noirs s´appelaient Marius Trésor (défense) d´origine guadéloupéenne et Jean Amadou Tigana (milieu de terrain) d´origine malienne. À l´époque c´était rare qu´un joueur de couleur joue dans une équipe nationale européenne. Je me rappelle encore comment, étudiants que nous étions, dans la salle de télé au bâtiment G3 au sein du lycée de Tokoin, nous admirions ces deux joueurs exotiques au sein de l´équipe de France. „Comment des noirs peuvent jouer pour un pays de blancs?“ , nous demandions-nous.
Aujourd´hui, 36 ans après, l´équipe nationale de football de la France est composée à 97% de joueurs noirs, la plupart d´origine africaine.
À voir la composition de l´équipe de France de football dominée depuis quelques décennies par des joueurs noirs, on aurait l´impression que la France est devenue ce paradis sur terre où les noirs sont totalement intégrés et acceptés dans la société française, et surtout où le racisme n´existe plus. Mais à lire et à voir le comportement et les commentaires des uns et des autres en France et ailleurs depuis quelques années et surtout avant et après le triomphe de l´équipe des "Bleus" au Mondial russe, on peut rapidement se rendre compte que la réalité parle un autre langage.
Je me suis amusé à rassembler quelques extraits émanant de la presse française, extraits pas forcément euphoriques quant à l´"exagération" noire au sein de l´équipe de France de football:
Marianne :
"...L'extrême droite a continué son petit bonhomme de chemin, appelant à soutenir la Croatie plutôt que l'équipe de France. Une équipe blanche et catholique face à une équipe composée de noirs, donc forcément africaine. Pas de scoop, on connait le refrain. Mais à ces voix tristement familières se joignent d'autres, nouvelles, multiples et colorées.
Et les articles se multiplient, des articles "frais et ouverts d'esprit" qui disent : "C'est génial, tu es né en France mais pour moi tu n'es pas français puisque tes parents sont africains, et j'adore !!". Des articles qui disent : "Tu as la double nationalité mais, en fait, c'est comme si tu n'en avais qu'une car tu ne seras jamais français puisque tu es noir et c'est super !!!" .Des articles qui disent : "Tu as choisi de jouer sous un maillot qui a du sens pour toi mais je m'en fous complètement, car tu es noir donc africain et c'est trop bien !!!!". Des articles qui disent : "Tu as cru que tu étais un être libre mais en fait, tu es un Noir avec une grande et belle majuscule qui fait de toi à vie mon Nègre"."
Médiapart:
Combien de futurs Mbappé et Kanté se sont noyés en Méditerranée ?"
France-Football:
Vague raciste en Pologne et en Italie après la victoire de l'équipe de France
„La victoire des Bleus lors de la finale de la Coupe du monde continue de faire des vagues. Les commentaires racistes se multiplient sur les réseaux sociaux, en Pologne et en Italie.
Les commentaires racistes se multiplient en Pologne. Une ONG antiraciste polonaise a déposé plusieurs dizaines de plaintes au parquet contre des tweets contenant des propos racistes et haineux. «Les commentaires insultent les joueurs français en raison de la couleur de leur peau (...) et utilisant des épithètes racistes extrémistes considérées comme criminelles en Pologne», a indiqué Konrad Dulkowski, directeur du Centre de surveillance du comportement raciste et xénophobe de Varsovie. Une vague de tweets haineux déclenchée par la victoire de l'équipe de France, mais qui serait surtout permise par l'arrivée au pouvoir des nationalistes de Droit et Justice (PIS) en 2015 selon l'ONG.
Un phénomène similaire a eu lieu en Italie. «Des singes avec un ballon», «la première victoire d'une équipe africaine», «champions du tiers-monde», a-t-on pu lire sur les réseaux sociaux. Le Corriere della Serra, l'un des principaux journaux italiens y est même allé de son commentaire sur les Bleus : «Une équipe pleine de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs». Face à ce déchaînement, Nicolas Batum, Barack Obama ou Benjamin Mendy ont tenu à rappeler que l'équipe de France était composée uniquement... de Français.“
Libération:
A l'étranger, polémiques racistes autour de la victoire de l'équipe de France
Espagne :
Un jour après la finale, le quotidien catalan Sport titre sobrement : «La merveilleuse impureté de la sélection française» L'«impureté» reprend ici un terme du refrain de la Marseillaise.
Dans son édito, le présentateur de la chaîne Catalane TV3, Ernest Folch exalte «une France revenue au sommet quand elle a eu de nouveau un sang merveilleusement impur et africain dans ses veines». Il place ainsi la génération 2018 dans le sillon des stars de 98.
Comme on le voit la présence de nombreux noirs au sein des „Bleus“ ne laisse pas tout le monde indifférent. Que ce soit en France ou ailleurs, certains trouvent que la France, ce pays européen, normalement habités par des hommes et des femmes de couleur blanche, exagère un peu en faisant jouer une équipe dominée par des noirs, la plupart d´origine africaine. Tout le monde peut avoir sa petite idée et faire son petit commentaire sur le sujet, mais une chose est sûre: en dehors du Front National avec hier Jean-Marie et aujourd´hui Marine Le Pen, qui a presque toujours critiqué la présence remarquée des noirs au sein de l´équipe de France de football, il y en a beaucoup dans le monde de la presse, dans le monde politique et dans la société française en général ceux qui pensent comme ou pire que le parti d´extrême droite sur le sujet.
Je crains qu´en France ceux qui ont le courage de dire qu´ils ne se reconnaissent pas en cette équipe nationale française, parce que trop africaine, soient moins nombreux que ceux qui ne s´expriment pas. Même si pour certains, c´est un sujet tabou, au risque de se faire traîter de raciste; le racisme est-il, comme par magie, éradiqué en France parce des centaines de milliers de français jubilent pour fêter la victoire remportée par des noirs à la France?
Qu´en est-il des joueurs noirs de l´équipe de France eux-mêmes? Que pensent-ils du problème et de la réaction raciste de certains en France et ailleurs contre la couleur de leur peau? Sont-ils vraiment et sincèrement heureux de jouer pour la France? Si nous étions français blancs, que penserions-nous de la composition de notre équipe nationale? Serions-nous contents et d´accord de supporter une équipe dominée par des joueurs de couleur? En félicitant le président Macron, que pensent en privé les chefs d´état étrangers comme Putin et tous les autres de l´espace européen sur la composition du nouveau champion du monde?
Il y a trop de questions sans réponse, et l´autre question c´est pourquoi beaucoup de ces joueurs d´origine africaine n´ont pas choisi de jouer pour le pays de naissance de leurs parents? Ce trop de contingents d´africains au sein de l´équipe de France n´est-il pas une preuve de l´échec de la politique sportive des gouvernements africains?
Quand on lit ça et là que certaines fédérations ou entraineurs nationaux africains réclament parfois de l´argent à des joueurs pour qu´ils soient sélectionnés en équipe nationale, on pourrait donner raison à ceux qui décident de jouer pour leur pays d´adoption la France. Et à ce rythme, au sein des bleus, la couleur noire risque d´avoir encore de beaux jours devant elle. Les adversaires en France et ailleurs de l´équipe de France trop noire risquent à chaque victoire des Bleus de rappeler aux dirigeants français l´origine de la plupart de leurs héros
Et surtout l´Afrique, l´éternelle victime d´une hypothétique conspiration de la FIFA, risque de continuer à faire de la figuration tous les quatre ans à la fête mondiale du football.
Samari Tchadjobo
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