Jusqu’au relèvement de l’ex-responsable par intérim du marché de Gbossimé, accusé d’avoir détourné 790.000 FCFA, des frais de tickets, de son poste, l’EPAM donnait l’impression de fonctionner en vase clos. Le personnel a toujours tu les malversations et des cas de licenciements au sein de la structure. Les quelques rares informations relayées par la presse concernent les réclamations des revendeurs et revendeuses des marchés. Mais, le 26 août 2016, suite à la décision de la Directrice générale de le licencier, le personnel rompt le silence et accuse.
Pour une partie du personnel, l’ex-responsable du marché de Gbossimé ne pouvait pas subir une telle humiliation. « Le camarade a été menotté. Il a ressenti cela comme la pire humiliation de sa vie. Il est psychologiquement atteint et il sera difficile pour lui de se remettre. C’est un homme totalement abattu que j’ai vu », confie une source. A l’en croire, ce dont on l’accuse pouvait arriver à tout le monde. « Il y a des numéros qui sont sautés sur le rouleau de 250 tickets. Si vous ne le constatez pas à temps pour le signaler à l’imprimerie, cela revient au responsable du marché de payer. A cela s’ajoutent les faux-billets constatés à la régie financière », ajoute-t-elle.
Aussi, le licenciement n’aurait-il pas respecté la procédure normale. « Sur la lettre de licenciement, il n’y a que la signature de la Directrice générale », fait remarquer le membre du personnel qui s’appuie sur l’arrêté municipal N°162/ML qui stipule en son article 5 : « Les actes de l’EPAM sont soumis au contrôle de la légalité du ministère de l’Intérieur ». Selon toujours notre interlocuteur, d’autres ont été également virés par la Directrice. Elle leur a notifié une rupture de contrat. A cela s’ajoutent les accusations portant sur les affectations punitives réservées à ceux qui refusent de rentrer dans le Syndicat national des administrations des collectivités locales (Synacol), un syndicat qui, selon les « frondeurs », serait créé pour fragiliser le Syntragessato, le 1er syndicat au sein de l’EPAM.
La Direction générale balaie d’un revers de la main ces accusations infondées à ses yeux. Elle se défend de n’avoir appliqué que les règlements liés à la Convention collective interprofessionnelle. « Conformément à la Convention collective interprofessionnelle du Togo, notamment en son article 58, les faits de malversation qui vous sont reprochés constituent une faute lourde d’ordre professionnel, passible d’un licenciement sans préavis ni indemnité », lit-on dans la lettre datée du 26 août 2016 de Mme Ayélégan Folly-Sessi et adressée à l’ex-agent de l’EPAM. Pour Mme Gnaku Namalo, Chef Division des Ressources humaines, l’EPAM a « toujours travaillé dans la transparence. Les responsables de l’EPAM ne peuvent pas déroger à cela et il n’y a jamais eu de licenciement abusif ». Et de préciser : « Les faits reprochés à Kodjo Nodo se sont avérés. Il y a des troublants sauts dans la numérotation des tickets. On ne peut pas les mettre sur le dos de l’imprimerie. Tout a été savamment planifié pour faire porter le chapeau au nouveau responsable ». Puisque selon elle, c’est au moment de la passation de service entre le responsable par intérim et le nouveau que le pot- aux-roses a été découvert.
La Direction générale assure passer toujours par les étapes avant de notifier les licenciements. C’est ainsi que dans l’affaire dans laquelle l’ex-responsable est impliquée, il y a des demandes d’explication dans lesquelles il a reconnu les faits et promis retourner l’argent. Ce qui fut fait. Mais pour Mme Gnaku Namalo, « la reconnaissance d’avoir utilisé l’argent n’enlève pas la faute de Kodjo Nodo. Et aussi il fallait dissuader les autres ».
Par rapport à la décision de licenciement qui n’aurait pas respecté la démarche préconisée dans l’arrêté, Koffi Afandolo du Secrétariat général fait savoir que la Directrice générale s’est appuyée sur le règlement intérieur de l’EPAM. « Le Directeur général nomme, note, sanctionne et révoque le personnel auxiliaire et contractuel de l’établissement public (…), il rend compte au Conseil d’administration lors de la réunion qui suit la prise de ces décisions, des engagements, nominations, révocations ou licenciements qu’il a eu à prononcer dans l’intérêt du service et dans le respect des crédits ouverts au budget », précise le règlement intérieur.
Parmi les accusations, le personnel qui déplore la gestion de Mme Ayélégan Folly-Sessi relève la création du Synacol qui, à l’en croire, est monté de toutes pièces pour saboter les actions du Syndicat national des travailleurs de l’administration et service assimilé du Togo (Syntragesato). « Avant, nous recevions des cadeaux en vivres pour les fêtes de fin d’année. Mais au fil des années et vu les bénéfices que réalise l’EPAM, les primes d’argent se sont substituées aux dons en vivres. De 20.000FCFA, on est allé à 35.000 FCFA. En 2000, nous avons réclamé 50.000 FCFA. La Directrice a refusé. Devant la fronde générale, elle s’est enfermée dans son bureau. Pascal Bodjona, alors ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, est intervenu et a débloqué la situation. Et c’est à partir de cette manifestation qu’elle a juré de se venger. Elle a considéré cela comme un affront », explique-t-il. Cette accusation est aussi battue en brèche par la Direction générale qui parle plutôt de la « dictature » du Syntragesato qui a conduit à la création du Synacol.
Le personnel (une partie) fait porter le chapeau à l’employeur sur le cas des licenciements et de la gestion des deux syndicats, mais la Direction n’a pas reconnu les accusations. Elle s’est dite outrée et parle d’une volonté de nuire. Sinon, plusieurs personnes impliquées dans les malversations seraient sous les verrous.
A l’EPAM, c’est à un ping-pong d’accusation que se livrent le personnel et son employeur. Cela est révélateur d’un malaise au sein de la boîte. A suivre.
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