Reportage/Démission passive des barons du pouvoir face aux dures réalités de leurs milieux : Kouméa, un bastion de l’UNIR abandonné dans la grande indigence
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Togo
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Politique
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Pour la majorité des Togolais qui n’ont jamais eu la chance de se rendre au Nord du Togo, le pouvoir clanique de Faure Gnassingbé aurait un peu de soucis au sujet des conditions de vie de ses frères de la même région. A priori, il ne peut en être autrement puisque la majorité des barons qui constituent le socle de la dynastie des Gnassingbé vient de la même région, mieux de la même préfecture que le président togolais.
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Un tour dans certaines agglomérations de la région septentrionale permet de se rendre compte que les multiples projets étiquetés Nord-Togo dans les annales du gouvernement n’ont rien changé du quotidien des populations qu’on feint de servir. Kouméa, chef-lieu du canton qui porte le même nom, est situé à environ 5 km de Pya, village natal de Faure Gnassingbé dans la préfecture de la Kozah. Un paysage luxuriant sur le flanc de la chaîne de montagne qui jouxte le village, des plantations de maïs des deux côtés de la voie en cours de bitumage qui le traverse dans le sens Nord-Sud. Quelques engins lourds apparemment en panne garés sur le trottoir après la succession de virages de la place publique, une petite colline à 100 mètres plus loin puis le centre médico-social du village.
Ce qui à première vue ressemble à un CMS normal n’est rien de plus qu’un objet de décoration dont les premières attributions sont abstraites dans ce contexte précis. Un véhicule d’évacuation d’urgence rempli d’objets de toutes sortes et immobilisé sur des briques en ciment depuis plusieurs années, accueille les patients sur la véranda. Le personnel désœuvré rencontré sur place évoque des difficultés énormes dans la prise en charge des patients. Et pour cause. L’inexistence de matériels de travail faisant partie des habitudes de la maison, les cas les plus simples à soigner aussi ne connaissent aucune véritable prise en charge adéquate. La salle d’hospitalisation située derrière le bâtiment principal est plutôt une sorte de magasin avec quelques lits défoncés et des morceaux de bois servant de tuteurs pour des bouteilles de sérum vides abandonnées. Les sanitaires situés au fond du couloir à côté de la maternité sont plutôt un nid de guêpes et de lézards. L’état de la douche à première vue ôte tout envie de s’en approcher. La pharmacie, si on peut encore l’appeler ainsi, est un bâtiment de l’ex-Togopharma dont la cour est transformée en un enclos d’élevage de petits ruminants. Quelques boîtes vides d’amoxiciline dispersées sur des étagères poussiéreuses le long du mur à l’intérieur de la pièce centrale indiquent clairement toute l’importance accordée à cette unité non négligeable de tout centre de soins.
Des informations recueillies sur place indiquent qu’elle n’existe que de nom dans la mesure où c’est la direction préfectorale de la santé de la Kozah basée à Kara qui se charge de passer les commandes des médicaments directement chez les fournisseurs avant de les transmettre aux USP et CMS dont les premiers responsables assurent la gestion. Et pour confirmer ces propos, les comprimés d’Efferalgan indisponibles à la pharmacie ont été plutôt obtenus dans un tiroir de la salle d’injection.
Or, le taux des maladies hydriques dont sont souvent victimes les habitants du village de Kouméa paraîtrait assez élevé à cause de la qualité de l’eau consommée dans le milieu. Certains villageois rencontrés sur place indiquent que les quelques points d’eau installés dans le coin sont trop éloignés des habitations. C’est la raison qui justifie le fait que la plupart d’entre eux préfèrent se ravitailler en eau dans un marécage non loin du CMS. Située à une centaine de mètres de là sous des arbres qui lui servent de protection, le marécage en bordure de la route connaît une affluence particulière en raison d’une facilité d’accès. Des groupes d’enfants s’y rendent joyeusement en ce début de matinée, y plongent les pieds, les seaux et les bassines puis les en ressortissent dégoulinants d’eau, chacun faisant l’effort de se charger tout seul par la suite. Cette eau d’une qualité douteuse est selon eux « désinfectée » avec du jus de citron puis utilisée comme eau de boisson dans les ménages mais aussi pour la préparation de la boisson de mil « Soloum », très prisée dans la toute la région.
Le premier constat frappant qui ne manquerait pas d’indigner tout visiteur de cette localité, c’est le bâtiment d’habitation érigé juste en face du CMS. Un domicile « trois étoiles », entièrement carrelé jusqu’aux murs de la clôture se dresse fièrement d’un air provocateur en face du centre de santé en délabrement. Des riverains indiquent qu’il est la propriété d’un baron du régime des Gnassingbé. Abstraction faite de la personnalité à qui il appartient, cet immeuble apparemment inhabité est une illustration de la manière dont ceux qui gouvernent le Togo se soucient très peu de leurs concitoyens, mieux de leurs frères.
Devant des besoins primaires et vitaux tels que la prise en charge de maladies bénignes qui fait défaut et l’eau impropre à la consommation que l’on est contraint de boire, ériger un domicile de cette envergure n’est rien de plus qu’une provocation ou un mépris vis-à-vis de ses concitoyens. Et il en est ainsi, un peu partout dans la région septentrionale du pays. Les besoins vitaux des Togolais sont relégués au second plan par les tenants du régime au pouvoir qui constituent derechef la minorité pilleuse des richesses nationales pour assouvir des désirs grandiloquents et en déphasage complet avec les réalités de leurs communautés. Lorsque la satisfaction d’un droit est présentée ou perçue comme une faveur provenant de la magnanimité du Chef de l’Etat, l’on ne peut que se poser des questions sur le vrai sens des discours dont on abreuve régulièrement le peuple togolais. Et il faut avoir mis pied dans ces coins reculés du pays pour comprendre qu’à la place d’un vrai militantisme, le port permanent d’un tricot ou d’un pagne aux couleurs du parti au pouvoir est une nécessité absolue pour certains Togolais faute d’avoir de meilleurs vêtements. Kouméa n’étant pas la seule localité dans cette situation lamentable, nous allons revenir sur d’autres cas dans nos prochaines parutions.
De notre envoyé spécial à Kouméa, Kossi Ekpé
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