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Exclusive/Agbéyomé Kodjo : 'Si nous ne nous entendons pas, tant pis pour nous'

Togo - Politique
Evasion fiscale impliquant le Premier ministre Komi Selom Klassou, les derniers développements de l'actualité sociopolitique dans le pays… Pour en parler, iciLome.com s’est invité chez M. Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée Nationale, ministre de la Sécurité et, actuellement, Président de l’Organisation pour Bâtir dans l’union un Togo Solidaire (OBUTS), parti politique de l’opposition. A travers une interview exclusive, Agbéyomé Kodjo livre sa lecture de certains sujets brûlants de l’actualité. Lecture !
Comment se porte votre parti OBUTS ? Quel bilan faites-vous depuis la naissance du parti et quelle relation entretenez-vous avec les autres partis de l’opposition ?

Je vous remercie de me donner l’occasion de parler de notre formation politique qui s’apprête à célébrer demain (Ndlr, aujourd'hui 2 août) 08 ans d’existence. Demain, Obuts soufflera sa huitième bougie. Pour le bilan, nous l’aurions aimé plus éclatant, plus brillant. Mais nous avons essuyé dans notre parcours, des vents contraires. Nous avons été à l’élection de 2010, et au lendemain de cette élection qui nous a placés en 3ème position, sur les 7 candidats.

Le parti a été abusivement dissout. Il a fallu des masses populaires appuyant des militants et militantes, pour que justice soit faite à OBUTS, pour que notre parti soit réhabilité.

Nous avons pris part également et de manière active, aux mouvements de revendications politiques et démocratiques. OBUTS s’est donc illustré comme une formation politique structurée, qui a des idées et une capacité d’organisation.

Nous avons également pris part aux élections législatives de 2013, mais nous n’avons aucun député à l’Assemblée Nationale. Mais je considère que cette situation relève d’une anomalie, d’un dysfonctionnement et traduit aussi l’antagonisme, le manque de pragmatisme et de solidarité que nous pouvons dénoncer au niveau de l’opposition.

En dépit de toutes ces épreuves, sans oublier le dossier des incendies des marchés de Lomé et de Kara, où les militants de l’OBUTS et les tout premiers hauts responsables ont été mêlés. Nous sommes heureux de rappeler que le président du parti a été innocenté, il reste le vice-président qui a été toujours mis en examen, mais nous prions Dieu que Justice soit faite pour que cette situation puisse être clarifiée.

Somme toute, OBUTS, malgré les épreuves, malgré les douleurs, est une formation politique qui est debout et avec qui il faut compter.

Quelle relation entretenez-vous avec le gouvernement en tant qu’ancien Premier ministre ; ensuite en tant que président d’un parti de l’opposition ?

Il y a eu de fortes incompréhensions entre le gouvernement et ma personne. Des incompréhensions liées au profil assez chargé et structuré d’expériences et de responsabilités assez imminentes que nous avions assumées. Je crois que c’est une question de méfiance. J’ai subi beaucoup de méthodes vexatoires, des comportements que nous pouvons qualifier d’anti-républicains.

Mais je pense que depuis un certain temps, le calme est revenu dans nos relations, la compréhension y est. Nous tous avons donc compris qu’il n’y a aucun intérêt pour nos populations de demeurer dans l’affrontement radical. Nous avons décidé depuis 2014 de procéder à une réorientation stratégique de notre formation politique, de notre ligne politique.

Ce qui fait qu’aujourd’hui que nous ne subissons plus les coups durs que nous avions essuyés dans le passé de la part du régime. Il nous souvient que de temps en temps, ma maison se trouve envahie par les forces de défense et de sécurité pour un oui ou un non, en tout cas mon garage en un moment fut transformé en un champ de tirs.

Mais Dieu faisant les choses, je crois quand même que la compréhension, de toutes les façons, est revenue.

Avez-vous droit à vos prérogatives d’ancien Premier ministre ?

Je crois que c’est une préoccupation également que le HCRRUN (Ndlr-Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale) a exprimée comme étant un facteur de paix sociale, de bonne entente entre ceux qui gouvernent aujourd’hui et ceux qui ont gouverné hier, et également pour faciliter l’alternance.

Puisque quand un chef d’Etat doit quitter ses responsabilités, s’il pense qu’il y a un filet de sécurité qui pourrait l’accueillir, peut-être qu’il sera moins crispé, moins tendu pour aller vers cette perspective-là.

Donc, je crois qu’il y a un début à tout, un début de régularisation. Ce n’est pas entièrement réalisé, mais il y a un début de régularisation.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que dans l’ombre vous êtes de connivence avec le chef de l’Etat et sa famille politique ?

Vous savez, la faiblesse de l’opposition togolaise, c’est qu’il y a des suspicions. On suspecte celui-là ! Ah Edem Kodjo, c’est l’homme d’Eyadema, Agboyibo, c’est l’homme d’ici… c’est ce qu’ils ont fait jusque-là et la lutte n’a jamais prospéré. Quand on dit qu’une formation politique est de l’opposition, c’est parce que cette formation politique ne prend pas part aux activités politiques, économiques et sociales menées par le parti au pouvoir.

OBUTS n’a aucun représentant ni au niveau du pouvoir central, ni dans les structures déconcentrées. Alors comment peut-on dire que nous prétendons être dans l’opposition, mais on travaille pour le pouvoir ? Le pouvoir travaille pour qui ? Pour le peuple togolais. Si on demande mon avis sur ce sujet particulier, je réponds : ce qu’on dit là c’est un faux procès, nous luttons tous pour le bien-être de la population.

Mais quand vous allez fouiller derrière ces allégations, c’est ceux-là mêmes qui ont l’habitude d’être opposants le jour, et composants la nuit, c’est eux qui avancent les tares qu’ils portent sur eux, sur les autres, pour qu’on ne puisse pas regarder l’anomalie qu’ils traînent.

Qu’en-est-il de votre projet de rencontrer Jean Pierre Fabre ?

L’idée fait son chemin. J’ai encore rencontré Jean-Pierre Fabre hier, mais ce n’était pas sur les sujets communs dont j’avais parlé à un de vos confrères.
Nous allons dans les semaines à venir voir comment les choses vont évoluer au niveau des propositions que HCRRUN à envoyer au gouvernement. Je crois que là encore, nous aurons l’occasion de se retrouver, ou nos proches vont se retrouver et travailler ensemble pour la mise en place de ce qui aura été acté au niveau du HCRRUN.

Mais par-delà, j’aurai l’occasion de rencontrer Jean-Pierre Fabre pour discuter des problèmes sérieux de cette Nation et particulièrement de l’avenir de nos jeunes, parce que dans cette confrontation, deux positions diamétralement opposées, c’est les jeunes, les femmes et les enfants qui en font les frais.

Mais, est-ce que vous croyez en l’Unité de l’opposition, parce Jean-Pierre Fabre lui n’y crois pas.

Il faut le lui dire, à Jean-Pierre Fabre que tant qu’il n’y aura pas d’unité de l’opposition, ceux qui sont en face ont de très beaux, et de très longs séjours devant eux. Il n’y a que l’unité structurée de l’opposition ; sûrement pas l’unité qui se faisait avant et qui échouait. J’ai mes idées, qu’il me reçoive, qu’on s’assoie tous autour d’une table. Je vais développer cette stratégie et ils verront qu’elle est gagnante à tous les coups.

Que pensez-vous du drame qui frappe les employés de Wacem à Tabligbo

Je crois que le gouvernement par rapport aux supplicies de Wacem, ceux qui sont tombés dans le fuel à combien de degrés je ne sais pas, mais qui sont morts… je crois que le gouvernement a pris conscience des faiblesses des mesures de protection et de sécurisation au niveau de cette entreprise et ont envisagé des mesures globales pour tous les sites industriels.

Mais je considère que le gouvernement devrait davantage sévir parce que, par rapport aux employés de Wacem, le retour que nous avons de la manière dont ils sont traités après ce drame-là, ne nous rassure pas.

Je pense que Wacem fait suffisamment du chiffre d’affaires, produit suffisamment du clinker et du ciment, exporte donc davantage de ciment togolais sur beaucoup de sites industriels à travers toute la région et peut-être parfois au-delà de la sous-région, dispose davantage de ressources pour payer correctement les ouvriers qui font tourner cette entreprise et créer du pouvoir d’achat dans cette localité.

On parle d’évasion fiscale dans les entreprises (Panama papers), que pensez-vous du laxisme du gouvernement togolais ?

Il faut faire la part des choses. Les personnalités dont les noms ont été cités, pour le moment aucune enquête officielle n’est ouverte pour vérifier réellement si les accusations d’être actionnaire dans la société Wacem sont avérées.

La deuxième chose, si ces accusations sont avérées, ce que l’OTR aura à faire, c’est de vérifier si tous ces gens sont à jour par rapport au paiement de leurs impôts et taxes sur ce qu’ils ont touché.

Maintenant par rapport à WAcem, je crois que ce qu’on reproche à cette société, c’est d’être dans les dossiers de Panama papers. Et quand une entreprise installée sur un territoire, exploite les ressources du pays tout en se livrant à des pratiques frauduleuses vis-à-vis du fisc, il y un redressement à faire.

C’est donc de voir aujourd’hui si Wacem est en posture et en règle avec l’administration fiscale. Mais le fait même qu’on soit impliqué dans le panama papers traduit que quelque part on veut échapper au fisc.
Donc qu’on vérifie, et s’il y a des années où on n’a pas payé d’impôts, ou insuffisamment rempli ses responsabilités fiscales, qu’on puisse faire un redressement.

Mais en ce qui concerne ces personnalités-là, je présume qu’elles ne sont pas dans les fichiers de panama papers. Ce qu’on leur reprocherait, c’est d’être en relation avec une entreprise qui ne respecte pas la fiscalité locale et qui se trouve dans un paradis fiscal. Je crois quand même que par rapport à cela, il y a un problème. Cela peut être lié également à une insuffisance d’informations.

Peut-être que ceux qui y étaient (Ndlr les actionnaires, autorités politiques citées dans le dossier), y étaient de bonne foi. Ils ne savaient pas que l’entreprise surfacturait des choses ou dissimulait ses résultats pour pouvoir échapper au fisc.

Votre mot de fin en tant que président National de l’Obuts à l’endroit de l’opposition et des populations

Je crois que si j’ai un message, ce sera à l’endroit du gouvernement ; d’œuvrer à ce que nous puissions réfléchir collectivement sur les voies et moyens d’amener l’offre d’emploi aux jeunes, de réduire la précarité, surtout en milieu rural.

De veiller à ce que les poches où la gouvernance souffre d’insuffisance de contrôle, que ces poches-là puissent être reprises en main afin d’éviter pas seulement l’évasion fiscale, mais l’évasion d’une partie de nos ressources qui auraient pu servir à améliorer les conditions de vie de nos populations.

Par rapport à l’opposition, si nous ne nous entendons, tant pis pour nous. Ce que nous cherchons, nous ne l’aurons pas.

La réussite de toute entreprise réside dans l’Union. Au-delà de l’union de l’opposition, c’est l’union et la compréhension de l’ensemble de la classe politique sur les véritables enjeux, les véritables défis à relever ; car le monde a changé, complètement changé. Nous avons un acteur majeur qui est invisible, qui est opportuniste, qui frappe où il veut et quand il veut.

Mais quand vous réfléchissez beaucoup, c’est l’échec de la doctrine néo libérale ; la doctrine a échoué parce que nous n’arrivons pas à répartir suffisamment et correctement les fruits de la croissance. Les richesses sont mal réparties et nous assistons de toutes les façons à un accroissement exponentiel des pauvres, des démunis par rapport à la concentration de ceux qui en ont, de ceux qui possèdent et qui en ont davantage.

Il faut inventer un autre modèle, et je pense quand même que l’humanité va prendre ce chemin. La doctrine néolibérale qui a triomphé il y a quelques années montre ses signes de faiblesse et ne peut plus réguler la situation.

Merci Excellence pour votre disponibilité

C’est moi qui vous remercie.


Réalisée par A.L