« Nous avons une réforme politique qui est programmée et au cours de laquelle nous allons débattre de cette question. Les acteurs politiques ne peuvent pas à la fois définir les règles et en être des exécuteurs. C’est pourquoi, nous devons faire confiance aux universitaires et intellectuels africains et à la société civile pour un débat ouvert et sans tabou sur le sujet », a déclaré le Président Faure Gnassingbé au cours de sa visite officielle en Allemange du 08 au 14 juin dernier, reçu à la radio Deutsche Welle. Une telle déclaration a provoquée des remous dans la classe politique et interprétée à tors et à travers. La proposition du chef de l’Etat renforce-t-elle la conviction des uns et des autres sur une certitude probable de la réalisation des réformes politiques au Togo 10 ans après la signature de l’Accord Politique Global (APG)? « Je pense que c’est une réponse et une proposition de fuite de l’avant (…). L’APG n’est seulement pas caduc mais moisi, bon pour la poubelle », martèle M. Lawson Laurent, Acteur politique de la diaspora togolaise en Suède, membre de la sociale internationale, Premier Secrétaire du Parti Social Démocrate du Togo (PSDT) dans une interview accordée à la rédaction horizon news.
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Horizon news : Vous suivez l'actualité politique ces derniers jours au pays; un membre du parti au pouvoir déclare caduc l'APG. Quelle est votre appréciation sur cette affirmation ?
Lawson Laurent : Il y a malheureusement une certaine vérité dans les propos du ministre Florent MANGANAWOE. Il a dit tout haut et à visage découvert ce que disent les membres du parti UNIR tout bas et à visage couvert. Reste à savoir si ce n'est pas par erreur qu'il a prononcé ce mot CADUC en publique pour diaboliser l'APG. Cela ne m'étonnerait pas si des semaines après, on nous dit que ces propos tenus par Florent MANGANAWOE n'engagent que lui-même et lui-seul. Sinon, le contraire m'étonnerait.
Depuis longtemps, l'histoire de l'APG a été pour moi une histoire à dormir debout. Je n'ai jamais placé ma confiance en ce document comme d’ailleurs tous les autres signés entre l’opposition et le parti au pouvoir. Ceux qui avaient initié ce document avaient déjà leurs stratégies derrière la tête pour retarder la mise en œuvre du contenu ou même le rendre impossible.
L'ancien président déchu du Burkina Faso, le facilitateur Blaise Compaoré de l'APG, lui-même était dans une pire situation et, c'était à lui de faciliter la mise en place de cet accord pour l’avenir de tout un peuple. Pendant qu'il jouait le médiateur pour un règlement du problème du Togo, il avait lui-même des plans plus diaboliques pour son pays. Par exemple, le changement de la constitution pour rester à vie au pouvoir.
Le régime en place au Togo savait pertinemment qu'il lui serait impossible de respecter l'intégralité ou même une partie de l'APG. Mais ce même régime avait accepté la confection et la signature de ce document dans le but de gagner du temps, calmer les esprits par rapport aux atrocités survenues pendant et après les élections de 2005 et surtout le temps de mettre en place ses propres stratégies.
Posons-nous la question de savoir entre temps si tous les autres signataires de l’accord à part le RPT dont nous connaissons le jeu politique, ne sont pas aussi des catalyseurs de l’APG ? Car il y a des passages dans l’accord que d’autres signataires en dehors du RPT n’ont pas non plus respecté. Ceux qui ont posé des actes en vu d’en respecter certaines parties se sont vues rejeter par leurs confrères. Le respect ou non de ce même APG fait partie des sources de scission du Parti UFC, scission qui a affaibli l’UFC et créé de méfiance dans la population acquise au changement. Ceci a rendu certains représentants de l’opposition participant au Gouvernement d’Union Nationale, - l’une des dispositions finales de l’APG - impuissants et spectateurs ou même des figurants dans le gouvernement. Donc je vous dirai qu’à l’heure actuelle, ce document n’est seulement pas caduc, mais moisi, bon pour la poubelle.
Et je nous propose, retroussons nos manches pour reprendre la lutte autrement et sous des bannières idéologiques. Faure Gnassingbé retourne l’ascenseur des réformes politiques aux intellectuels et à la société civile, la classe politique serait-elle en mesure d'accepter des recommandations qui émanent de ces entités?
Tout ceci à mon avis n’est qu’un jeu. Vous savez, la proposition en soit n’est pas mauvaise car c’est ainsi que cela doit se faire. Ceci démontre surtout l’amateurisme en politique chez nous au Togo. Pour toute réforme, il faut mettre sur pied des commissions autonomes composées d’experts en la matière, et de représentants de la société civile. Ces commissions travailleront d’après des termes de référence définis par le gouvernement et soumettront des rapports. Ces rapports seront remis à des instances différentes qui devront apporter leurs points de vue. Mais on ne l’a jamais ainsi fait. Ils me diront qu’il faudrait commencer un jour. Je m’interroge sur ceux qu’il nomme des intellectuels. Ceux qui ont signé l’APG ne sont-ils pas de ces intellectuels togolais ? Ceux qui sont dans le gouvernement ne sont-ils pas des intellectuels qui assument des fonctions pour la nation ? Ce grand parti politique RPT/UNIR n’est-il pas rempli d’intellectuels ? Pourquoi est-ce que M. le Président choisit de faire cette proposition maintenant ? Pour tout reprendre à zéro, n’est-ce pas ? Nous avons au Togo un Président de la République qui accorde des interviews quand il est à l’extérieur du pays et pas à l’intérieur. Je vous l’avais déjà dit, c’est le non respect des électeurs.
Parlant de la société civile, qui pourra nous compter les propositions que cette société civile a envoyées au gouvernement, combien de revendications formulées, combien de fois et d’années la société civile n’est sortie dans les rues pour revendiquer de réformes constitutionnelles et institutionnelles qui sont toujours restées lettres mortes. Entre la classe politique et la société civile, qui est mieux placée pour trouver une solution aux réformes dans un pays? La société civile est avant tout la totalité des citoyens d'une commune, d'une région et d'un État-nation. Toutefois, dans la pratique, ceux-ci n'agissent pas individuellement mais dans un cadre associatif. Une telle association peut être considérée représentative à condition qu'elle ait été constituée sur la base de la volonté et des intérêts propres des citoyens se déclarant formellement et juridiquement membres desdites associations.
Un parti politique est une organisation politique qui cherche à influencer une politique gouvernementale, en nommant ses propres candidats et en tentant d'obtenir des mandats politiques pour gouverner au niveau local, régional et national.
Plus généralement, la notion de parti politique a deux définitions. La première, d'ordre idéologique, est presque synonyme de faction : il s'agit, pour reprendre les termes de Benjamin Constant, d'une « réunion d'hommes qui professent la même doctrine politique ». La seconde, d'ordre institutionnel, le tient pour un élément essentiel du jeu démocratique : « elle consiste à saisir le parti politique en tant que forme politique, structure d'organisation de la démocratie ».
Selon les deux définitions (association et politique), il apparaît clairement pour moi que la société civile qui regroupe en son sein les citoyens d’une Nation, est plus indiquée pour les recherches de solutions nationales.
C’est vrai que ce travail doit se faire plus dans le cadre politique. Le gouvernement doit proposer les réformes et les termes qui seront débattus à l’Assemblée Nationale. Je suis vraiment désolé que le Président de la République rejette ceci sur la société civile. La question est de savoir depuis quand le régime togolais a commencé à être à l’écoute de la société civile ? Combien de fois la société civile n’a pas interpelé le régime et son président ? Je pense que c’est une réponse et une proposition de fuite en avant. Selom Klassou à la tête de la Primature après un an, que peut-on retenir de sa mission? Je suis désolé, car je ne me retrouve plus du tout dans le programme social du gouvernement qu’il nous a fait avaler. En tant que Social Démocrate convaincu, je voudrais ici rappeler à monsieur le Premier Ministre mon attachement inconditionnel et de celui du Parti Social Démocrate du Togo au projet social inscrit dans son Discours de politique générale du 29 juin 2015 devant les honorables députés de la Nation. Les rapports qui nous parviennent du terrain malheureusement ne sont pas trop rassurant. La mortalité infantile dans le pays est toujours trop élevée, la qualité de vie du commun des togolais est encore trop basse, l’accès aux soins de santé est encore trop inégal, et la liste est longue. A quand l’éducation pour tous pour qu’à terme, aucun enfant ne parcours plus de 2km pour s’instruire, à quand l’accès à l’eau potable, à quand l’approfondissement du dialogue social, à quand la lutte sans merci contre la fraude et la corruption à tous les niveaux etc. Tout est renvoyé au calendre grec. Mais vous savez ce que je souhaite et, je l’ai toujours dit, que la société civile et les parties politiques travaillent ensemble pour l’amélioration des conditions de vie de la population togolaise. Je veux encore y croire. Propos recueillis par G. Joseph
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