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Infrastructures : Désertion des chantiers, résiliation des contrats, des milliards de dette dans les banques : CECO BTP, une entreprise à bout de souffle

Togo - Politique
Quid de la responsabilité des ministres Ayassor et Gnofam dans la mauvaise exécution des travaux ? « Du point de vue des finances publiques, la durée de financement de gros travaux d’infrastructure devrait être cohérente avec celle de la durée de vie estimée de l’actif financé, à condition que l’actif soit bien entretenu. Avec les préfinancements, les autorités ont choisi de financer à court ou moyen terme des travaux d’infrastructure destinés à réhabiliter des actifs à long terme. Selon la mission, cette approche ne permet pas de gérer de façon optimale les dépenses publiques d’investissement. La durée du crédit bien inférieure à la durée de vie de l’infrastructure, a pour conséquence que leurs remboursements exercent une pression très lourde sur la trésorerie de l’Etat. Les données en possession de la mission font ressortir qu’il n’ y a pas de parallélisme entre l’avancement des travaux sur le terrain et les déboursements de l’Etat qui sont strictement liés aux échéances qu’il a contractées suite au mécanisme de substitution de débiteur du crédit bancaire. L’Etat court donc le risque de devoir rembourser des crédits de financement de travaux sur le terrain alors que les travaux sur le terrain ne suivent pas le planning annoncé. Du point de vue financier, le mécanisme de préfinancement a pour effet de laisser l’Etat sans recours tangible envers l’entrepreneur en cas de retards ou malfaçons ou même en cas de défaut puisqu’il s’est lié inconditionnellement envers les banques prêteuses. Il devra rembourser le crédit aux banques, puisqu’il en est le débiteur inconditionnel, quelle que soit la façon dont les travaux sont (ou non …) effectués ».
Cet extrait du rapport de la dernière mission du FMI qui a séjourné au Togo illustre le grand scandale qui a cours dans la réalisation des infrastructures avec le système de préfinancement. Le cas CECO-BTP est une illustration de cette gestion désastreuse sur fond de détournements grandeur nature qui s’est installé dans la réalisation de ce qu’il convient d’appeler les grands travaux.

Connu pour être une ONG agricole au départ avec pour base la préfecture de Sotouboua, CECODRI, avec le soutien des barons du régime, s’est rapidement mué en un consortium embrassant l’agriculture, l’immobilier pour déboucher sur le BTP. C’est ce dernier secteur qui va sortir de l’ombre CECO BTP et son patron l’ancien frère marianiste au collège Chaminade Constantin Amouzou.

En quelques années, avec le soutien du pouvoir politique, l’entreprise CECO BTP, à travers des marchés gré à gré, s’est imposée comme un acteur majeur dans les milieux des BTP, mais avec des travaux de qualité défectueuse. Cette position monopolistique a poussé son Directeur général à se lancer dans des folies de grandeur. Recrutements fantaisistes de centaines d’agents, de manœuvres, de techniciens généralement aux compétences douteuses. Acquisitions tous azimuts de centaines de matériels roulant. Avec un parc automobile impressionnant, les voitures de CECO BTP inondaient les rues de Lomé tels des taxis-motos sans que l’on ne sache réellement à quoi elles servent. Quant à l’ancien religieux, un changement de statut vaut le coup. Collection de voitures de luxe, location parfois de jet privé, location d’hélicoptère. Les techniciens et autres ingénieurs ne sont pas du reste.

Pendant que les travaux qui font débloquer aux banques plusieurs milliards avec la caution de l’Etat sont exécutés de façon approximative voire hasardeuse, le Directeur Général et ses amis sont tout le temps dans les ripailles, les agapes, bref la grande vie. Mais ce système de corruption hautement sophistiqué qui fait l’affaire de plusieurs acteurs de la chaîne, y compris les ministres et peut-être plus haut, va commencer par rencontrer quelques difficultés. La délation qui se trouve être la base de fonctionnement du système RPT-Unir ne va pas arranger les choses. Très vite, la grande harmonie a déserté le couvent où on attribue facilement les marchés de milliards gré à gré à CECO BTP au profit de la méfiance, et plus loin, de la crise. Les mafieux d’hier qui s’entendaient bien comme larrons en foire, sont subitement devenus des ennemis. Le retard dans l’exécution de certains travaux nonobstant le décaissement des fonds fait la une des journaux.

En toile de fond, des ministres, pas des moindres accusés d’avoir encaissé des retro-commissions estimées à des milliards. En dépit des démentis de ces ministres et même de l’assignation des directeurs de publication des journaux ayant révélé le scandale devant les tribunaux, une évidence crève les yeux, la route Lomé-Vogan-Anfoin est à l’abandon. Et pourtant cela fait déjà plus d’un an qu’elle devait être réceptionnée. Cette bombe à fragmentation lancée par la presse continue de faire son effet.

Il est difficile en l’état actuel des choses de persuader les Togolais ordinaires que les fonds alloués pour la réalisation de cette route n’ont pas pris d’autres destinations. CECO BTP et son Directeur Général, déjà en difficulté avec ses protecteurs d’hier, se retrouvent dans une mauvaise passe. Ce scandale de trop ajouté à des différends de mœurs entre lui et ses amis, vont signer sa descente aux enfers. Les robinets se ferment les uns après les autres. Des consignes sont donneés aux banques où l’entreprise comptabilise plus de 17 milliards F CFA de dette, de ne plus décaisser le moindre sou à son profit. Les sous-traitants de CECO sont aussi frappés par la même décision. Le géant des BTP aux pieds d’argile doit à ce jour à ses sous-traitants la somme de 2 milliards 200 millions F CFA. Ces derniers cherchent à voir le DG en vain. Une pétition des sous-traitants menacés par les banques n’a pas connu de suite.

Au sein même de l’entreprise, c’est le grand régime puisque les temps sont durs. Plus de la moitié des effectifs a été remerciée. Les ingénieurs et techniciens ont vu un abattement de leur salaire, parfois de plus de la moitié. Certains qui y ont trouvé leur compte par les détournements ont choisi de quitter la barque pour aller jouir de leurs acquis. Une grande partie du parc automobile a également été liquidée. Les voitures 4X4 au logo de CECO se font de plus en plus rares dans la circulation. Un ministre avec qui le DG est en conflit lui aurait promis l’enfer sur terre. L’enfer, Constantin Amouzou ne le vit pas encore, mais il s’éloigne de jour en jour du paradis. Malgré le recrutement de supposés techniciens blancs (chèrement payés) appelés à la rescousse pour redresser la boîte, les nouvelles ne sont pas bonnes. Il assiste impuissant à la résiliation de plusieurs contrats.

En plus de ses dettes qui s’accumulent dans les banques ( 17 milliards F CFA environ) auprès de ses fournisseurs, particulièrement en quincaillerie ( 3 milliards 500 millions de F CFA), des sous-traitants ( 2 milliards 200 millions de F CFA), il se voit retirer sa portion non exécutée de la route Notsè-Tohoun. Le projet de pavillon présidentiel de la nouvelle aérogare lui a été aussi retiré, tout comme celui de Mokpokpo (logements sociaux à Davié). La vague de résiliations touche aussi les voies de raccordement dans la zone du lycée d’Agoè.

Projet d’aménagement des rues du Port de Lomé en sursis

Cette avalanche de mauvaises nouvelles ne doit pas faire perdre l’espoir au frère marianiste. Et pour cause, il a obtenu, toujours par gré à gré, en 2015 avant le début de ses ennuis un projet d’aménagement des rues de la zone portuaire estimé à 16 milliards F CFA environ. Selon plusieurs sources, il n’avait pas la meilleure offre, mais il a pu obtenir le marché par ses soutiens connus de tous. Les relations entre lui et ses bienfaiteurs se déclinant désormais en dents de scie, l’exécution du projet du port de Lomé, à défaut d’être résilié, sera entourée de conditions drastiques.

L’Etat qui joue le garant auprès des banques devra convaincre ses dernières, non seulement de l’utilité du déblocage des fonds, mais aussi de l’exécution des travaux de qualité. La phase opérationnelle qui va débuter dans les mois à venir nous renseignera davantage sur les contours de ce projet qui, visiblement, pue déjà une surfacturation.

Les routes Lomé-Vogan-Anfoin et celle de l’aéroport à l’abandon

La qualité défectueuse des travaux de l’entreprise CECO BTP n’est plus à démontrer. La Cour d’Appel de Lomé, financée par l’Union Européenne et construite par l’entreprise CECO-BTP, moins de deux ans après sa réception se trouve dans un état lamentable. Fissure dans les murs, dégradation de la dalle, incendies tous azimuts etc. les usagers de l’immeuble ne décolèrent pas. Au Togo avec l’impunité érigée en système de gouvernance, l’auteur de ce scandale ne risque pas grand-chose.

Au contraire, il s’est vu attribuer d’autres marchés. La défectuosité des travaux a également touché les pistes rurales. Attribués à coups de milliards à CECO dans le cadre de la campagne électorale, les travaux ont été carrément bâclés. Dans la plupart des cas, la dose de rechargement de ces pistes n’a jamais respecté le cahier de charges.

En marge des festivités du 27 avril dernier, c’est en grande pompe que Faure Gnassingbé a inauguré la nouvelle aérogare de Lomé. Présenté comme un joyau chinois (sic), l’enthousiasme des invités a occulté l’état de la route Colombe de la Paix-Togo 2000 dont l’exécutant n’est autre que CECO BTP. Un tour sur le chantier permet de constater qu’il est actuellement en souffrance. Les voies de raccordement qui doivent être bitumées pour un accès facile aux quartiers sont à l’abandon. La route elle-même présente des anomalies graves. Les travaux sont laissés au stade de la couche d’accrochage encore appelée imprégnation.
Ces travaux approximatifs s’observent à l’œil nu au niveau de Mèche Amina qui jouxte Winner Chapel. La voie à cet endroit prend un autre aspect et le constat est formel. La dernière couche appelée enrobé n’est pas encore tirée à ce jour, donnant l’image d’une route approximative menant vers un aéroport doté d’une nouvelle aérogare. Un contraste à la togolaise.

Le pic de ces scandales se trouve être la route Lomé-Vogan-Anfoin. Financée à 36 milliards de francs CFA, elle devait être livrée depuis le mois de juillet 2015. Même avec près d’une année de retard, l’exécution des travaux n’est véritablement qu’à 10%, encore faut-il en voir la qualité. Et pourtant les fonds ont été bien débloqués. Les articles de presse, les manifestations des riverains, des populations de Vogan et autres n’ont toujours pas réussi à lever un coin de voile sur ce scandale.

Pire, après un semblant de reprise des travaux, on constate depuis quelques jours la désertion du chantier par CECO BTP. Le terrassement qui était en cours entre Saint-Joseph et le carrefour Novissi est subitement interrompu. Pour les riverains qui subissent d’énormes préjudices notamment au niveau des affaires, la fin du calvaire n’est pas pour demain.

Quid de la responsabilité de Faure Gnassingbé, Ayassor et Gnofam ?

Comment au sommet de l’Etat Faure Gnassingbé peut-il rester muet face à ces scandales qui crèvent les yeux des citoyens ? Il est connu de tous que les fameux grands travaux, pour la plupart des chinoiseries initiées qui engloutissent des milliards de prêts chinois, sont devenus le moyen le plus subtil d’enrichissement des gouvernants.

A partir du moment où les faits sont établis et que Faure Gnassingbé ne dit aucun mot, on peut en conclure que soit il est impuissant face aux prévaricateurs, soit il est aussi complice de la situation. La balance penche beaucoup plus du côté de la complicité que de l’impuissance lorsqu’on décrypte les contours de la Cosa Nostra qui a pris en otage le pays. Rassurés du soutien du locataire de la Marina, les deux ministres impliqués dans ces travaux, notamment Adji Otèth Ayassor et Ninsao Gnofam sur lesquels pèsent de forts soupçons, ne se gênent guère pour répondre aux interpellations des citoyens victimes de l’arrêt des travaux. Concernant la voie de l’aéroport, même le cabinet TDI chargé du contrôle de la qualité des travaux a disparu de la circulation.

La réalisation des travaux au Togo aujourd’hui est devenue une véritable mafia. Une mafia aux tentacules qui s’étendent jusqu’au sommet de l’Etat; d’où l’impunité garantie à toutes ces entreprises qui obtiennent des marchés gré à gré et exécutent des travaux approximatifs, sans aucune crainte de poursuite. Le cas CECO BTP qui se trouve au creux de la vague aujourd’hui avec des milliards de dette laissés sur le dos de l’Etat dans les banques, n’est qu’une partie visible de l’iceberg. Le système mafieux de préfinancement qui permet à la minorité de piller le pays à travers les fameux grands travaux commence par inquiéter les partenaires, notamment le FMI. Jusqu’où Faure et ses amis vont saigner ce pays pour leurs plaisirs hédoniques?

A suivre !

Ferdi-Nando (L’ALTERNATIVE)