Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 2:21:12 AM Vendredi, 26 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


Balkanisation à relent ethnique des préfectures : Faure Gnassingbé divise les Togolais pour conserver le pouvoir

Togo - Politique
C’est l’une des grandes décisions prises au Conseil des ministres du 24 mars 2015. « Le troisième avant-projet de loi adopté par le conseil porte création de quatre (4) nouvelles préfectures au Togo. Il s’agit de la préfecture de Mô, de la préfecture d’Agoé-Nyivé, de la préfecture de l’Oti-Sud et de la préfecture de Naki-Est », mentionne le communiqué qui précise les motivations en ces termes : « La création de ces nouvelles préfectures se situe dans le prolongement des efforts que déploie le gouvernement pour améliorer l’organisation administrative du territoire national. L’objectif est de rapprocher constamment l’administration des administrés pour une meilleure qualité du service public. Il faut rappeler que le processus de décentralisation qui demeure l’une des préoccupations majeures du gouvernement suppose non seulement des collectivités territoriales fortes et opérationnelles, mais également des services déconcentrés de l’Etat également efficaces. En créant de nouvelles préfectures dans la phase actuelle de mise en œuvre de la décentralisation, le gouvernement se donne les moyens d’assurer un meilleur encadrement des collectivités locales pour leur permettre de réaliser pleinement leur potentiel économique ».
Les arguments avancés par le gouvernement pour justifier la création de ces nouvelles préfectures dont certaines ressemblent juste à un canton sont loin de convaincre le commun des Togolais. A l’analyse, on se rend compte que ce projet qui s’inscrit dans la logique de diviser pour régner est un danger pour la cohésion nationale. Faure Gnassingbé, dans sa logique suicidaire de conserver le pouvoir à tout prix, est en train de semer les germes d’une déflagration politique au relent ethnique dont le Togo se remettra difficilement.

Préfectures de Naki-Est et Oti Sud : Objectif politique et implantation de la faune

La préfecture de l’Oti avec comme chef-lieu la ville de Mango est au centre d’une vive tension depuis le dernier trimestre de l’année 2015. Un projet de réhabilitation des aires protégées communément appelées faunes a ravivé les tensions dans la préfecture. De violentes manifestations ont conduit à des pertes en vies humaines tant du côté des forces de l’ordre que des civils. Pour calmer la situation, le gouvernement a été contraint de limoger le préfet militaire Awadé Hodabalo remplacé par un autre militaire, Jacques Ouadja et le projet a été suspendu. L’accalmie à Mango est précaire puisque les populations refusent d’inhumer les corps des victimes sans que leurs assassins ne soient clairement identifiés. La semaine dernière, une tentative d’enlèvement d’un activiste dans la préfecture a tourné court, faisant monter d’un cran la tension. Le domicile d’un présumé indic des forces de sécurité a été même saccagé. La préfecture de l’Oti est composée de plusieurs ethnies dont les majoritaires sont les Gam-Gam , les Tchokossi, les Moba. On y trouve aussi des Mossi, des Konkomba et des Natchaba. Même si les Gam-Gam sont plus nombreux que les Moba et Tchokossi réunis, c’est la ville de Mango à majorité Tchokossi qui est au cœur du soulèvement.

Lors des rencontres des ressortissants de l’Oti à Lomé, un sulfureux baron qu’on a plus besoin de citer, a déclaré que la ville de Mango seule ne peut pas entraîner la préfecture de l’Oti dans le soulèvement. Il a poursuivi en disant que si Mango refuse de se calmer, les autres populations de la préfecture pourraient se détacher. Dire que ce baron connu pour son cynisme politique est au cœur du projet de création de la préfecture de l’Oti Sud n’est qu’un secret de Polichinelle. En érigeant Oti Sud en préfecture, avec certainement pour chef-lieu Gando, le régime dans ses premiers objectifs fragilise le front anti-faune. On pourra à loisir dire aux autres peuplades, notamment les Gam-Gam de Gando et leurs frères de Koumongou, Sagbièbou, aux Konkomba de Takpamba que le Chef de l’Etat, dans sa magnanimité, vient de leur offrir une préfecture et, qu’en guise de remerciement il n’est plus besoin qu’ils continuent par s’opposer au projet de la faune. Les Tchokossi qui constituent les frondeurs seront désormais isolés.

Le second objectif poursuivi par le régime de Faure dans l’Oti est purement politique. La contestation du projet de la faune est en train de faire lentement basculer Mango et les localités environnantes dans l’escarcelle de l’opposition. Le risque que toute la préfecture échappe à UNIR est très grand. Alors en créant la préfecture de l’Oti Sud, le régime veut non seulement contenir cette vague de contestation, mais aussi s’assurer de la loyauté au régime des autres ethnies qu’on vient de détacher de Mango en leur offrant deux sièges de députés à la prochaine législature étant donné que, de façon basique, une préfecture au Togo a droit à deux sièges de députés à l’Assemblée nationale. Créer une préfecture à Oti-Sud dans cette atmosphère tendue en opposant des ethnies qui n’entretiennent pas de bonnes relations équivaut à mettre de l’huile sur le feu. En 2015, pour une affaire de gestion de marché, les Gam-Gam et les Tchokossi se sont violemment affrontés à Gando avec des victimes et dégâts matériels importants.

A Naki-Est, dans les Savanes, l’enjeu n’est pas lié à la faune, mais à la politique. Dans ce fief du baron Ogamo Bagna qui, malgré ses milliards volés, n’a pratiquement rien réalisé, le pouvoir redoute la percée du parti ADDI (Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral) du Professeur Aimé Tchaboré Gogué qui, à la dernière présidentielle, a grappillé des voix importantes. Les cadres de ce milieu ont dû, comme partout ailleurs, recourir à des bourrages d’urnes pour permettre à Faure Gnassingbé de faire le plein des voix. La zone destinée à être appelée préfecture de Naki-Est couvrirait les canton de Ogaro, Namoudjoga, Nayiéga, Pana, etc. et ne dispose presque d’aucune infrastructure.

Dans ces bourgades perdues où la misère ambiante est le quotidien des populations alors que les cadres vivent dans le luxe à Lomé, on peine à trouver des raisons évidentes qui pourraient justifier la création d’une nouvelle préfecture. Ici comme à Oti-Sud, la manœuvre du pouvoir consiste à offrir gratuitement à la prochaine législature deux députés à Naki-Est. Dans l’ensemble, par la création de ces trois préfectures (Oti-Sud, Naki-Est et Mô) dans les Savanes et la Centrale, alors qu’il n’en a créé qu’une seule dans le Sud, le régime de Faure Gnassingbé cherche, comme toujours, à s’octroyer une majorité mécanique à la prochaine législature à travers un découpage frauduleux en déphasage avec les réalités démographiques et sociologiques du pays. La création des communes pour les prochaines locales s’inscrit également dans la même logique.

Agoè : Une préfecture communautariste dans le Grand Lomé

Le comble de cette dérive de Faure Gnassingbé est la création de la préfecture d’Agoè-Nyivé. Là aussi, il y a de quoi se poser des questions sur les réelles intentions des tenants du pouvoir de Lomé qui n’ont plus d’autres solutions aujourd’hui que de surfer sur les relents ethniques. Pour le cas de ce qu’on appelle le Grand Agoè faisant partie du projet du Grand Lomé, revenons aux limites administratives de cette localité. Le Grand Agoè est composé des cantons de Zanguera, de Legbassito, de Vakpossito, de Togblékopé, de Sogbossito, d’Agoènyivé. Agoè, selon un découpage administratif sujet à polémique, est délimité au Sud par le carrefour GTA ( sic), le Pont aérien de Zongo au Nord, à l’Est par Kegué et la réserve de Lomé II, au Sud-ouest par le canton d’Aflao Sagbado, au Sud par le canton d’Aflao Gakli et à l’Ouest par Mission Tové. Cette délimitation est sujette à polémique parce que le carrefour GTA qui se trouve au centre de trois localités majeures, particulièrement Bè Klikanmé, Bè Massouhoin et Bè Agbalépédo ne saurait être intégré à Agoè, selon les natifs de Bè. C’est vrai que ceux qui ne connaissent pas l’histoire de Lomé, qui n’y ont pas grandi ou qui n’ont découvert la ville qu’après leur BAC (ce n’est pas une injure), ne peuvent pas maîtriser les contours de cette question. Pour eux, Bè s’entend le quartier des opposants au centre-ville. Ils oublient qu’un quartier comme Agbalépédo se nomme en réalité Bè Agbalépédo. Mais passons !

Pour revenir aux objectifs obscurs de ce projet, il faut préciser que cela fait des années que le pouvoir RPT/UNIR, vu ses différentes débâcles aux élections à Lomé et les contestations du système, envisageait déplacer le centre administratif et certains services vers la périphérie. Si au départ l’objectif était de construire une nouvelle ville administrative, comme c’est le cas ailleurs, cela ne devrait poser aucun problème. Mais ici c’est juste pour des caprices politiques avec des visées communautaristes que le projet a été lancé. La zone du carrefour GTA est devenue le centre de prédilection de cette politique qui a tourné court parce à la pratique, on s’est rendu compte qu’il est impossible de déplacer tous les services vers la périphérie. Toujours dans cette logique, on a développé une politique d’occupation communautariste d’espace dans la zone d’Agoè.

Les installations tous azimuts de casernes militaires aidant, certains ont développé le réflexe d’une concentration communautariste dans cette zone, avec l’idée à la fin de réduire les autochtones à la portion congrue. Une forte minorité de Togolais d’une région s’est reconstituée dans les faubourgs d’Agoè, principalement côté Ouest. Il s’en est suivi une seconde phase du plan qui consiste à abandonner la ville de Lomé et réaliser toutes les infrastructures routières dans la zone indiquée. Les milliards empruntés dans les banques chinoises que l’ensemble des contribuables vont payer sur des générations, n’ont servi à construire des routes que dans un seul quartier, Agoe-Ouest, majoritairement habité par les barons du pouvoir et leurs frères. Même les rues sans aucune importance ont été bitumées et électrifiées. Il arrive d’entendre parfois avec une curiosité déconcertante certains entrepreneurs déclarer ouvertement que des consignes leurs ont été données de ne réaliser des routes que dans la zone où vivent leurs « frères ».

Quant à la grande ville de Lomé, notamment les quartiers de pleines activités économiques comme Bè, Bè Kpota, Kodjoviakopé, Nyékonakpoè, Abloganmé, Amoutiévé, Gbadago, Kagomé, Adanmavo, Baguida, Avepozo etc, aucune route majeure n’a émergé depuis dix ans. Même si on doit réaliser quelques mètres, on y met les pavés. Dans la tête des tenants du régime, c’est le quartier des opposants, on ne fera rien pour eux. Malheureusement pour ceux qui portent ces idées attentatoires à l’unité du pays et à l’essence même d’un Etat-Nation, ils ne peuvent pas déplacer la mer, le port, les grands hôtels, le grand marché, les sièges des grandes banques de Lomé vers Agoè. S’ils en avaient la possibilité, ils l’auraient déjà fait. Aux législatives de 2013, on a vu comment le régime de Faure Gnassingbé a bataillé comme un diable dans de l’eau bénite pour ne trouver que deux députés, la fraude massive aidant. Même à la présidentielle de 2015, on a eu également recours aux fraudes massives pour octroyer à UNIR un score honorable dans la capitale. Du coup, le système en place cherche à créer un fief communautariste dans le Grand Lomé pour s’attribuer des scores honorables lors des prochains scrutins (législatifs et communaux).

Somme toute, le scénario qui se passe sous nos yeux sans que personne ne lève le petit doigt pour le dénoncer est très dangereux pour l’avenir ce pays. Plus de 53 ans après les indépendances dont 50 ans de règne d’une seule famille, incapable de bâtir un Etat digne de ce non, une nation respectée, on en vient à dépiécer certaines portions du territoire, divisant les populations à des fins de conservation du pouvoir, il y a des risques que l’avenir ce pays soit hypothéqué. Malheureusement, face à ces dérives qui ont engendré des conflits majeurs ailleurs, les opposants sont abonnés absents ou se rendent complices du système.

Ferdi-Nando (L’ALTERNATIVE)