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Kokou Tozoun n’est plus : Retour sur le parcours d’un cacique

Togo - Politique
A trois mois de la fin de son mandat à la tête de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), Kokou Biossey Tozoun a tiré sa révérence hier lundi, aux premières heures de la journée.
Cacique du pouvoir RPT, Kokou Tozoun l’a été. Beaucoup de Togolais garderont encore de lui l’image de celui par qui leur malheur est arrivé. Renvoyé de l’enseignement au secondaire, Kokou Tozoun est revenu de l’intérieur où il exerçait à Lomé. Dans la capitale, il avait connu des difficultés et complications quotidiennes d’un chômeur avant de se lancer dans le transport en commun. Il réussira à se faire prendre plus tard comme pigiste (employé qui, sans être fonctionnaire, est payé à la tâche) à Radio Lomé. C’est de là que les portes de l’ascension au sein du régime RPT vont s’ouvrir pour lui. Et comment ?

Alors que la grève générale sévissait dans les années troubles du début de l’ère démocratique, les médias publics étaient à la peine. Les personnels suivaient aussi le mot d’ordre. Va ensuite émerger un syndicat fantoche mis sur pied par certains pour casser la grève pour commencer par et faire fonctionner la radio. Un des acteurs principaux de ce sabotage est le pigiste Kokou Tozoun. Leur coup leur réussira. Le Synlico (Syndicat libre de la Communication) est né et Richard Kokou Tozoun en sera le tout-puissant Secrétaire général. Remarqué lors des défilés par le Généra Eyadéma, il sera appelé à la Présidence comme attaché de cabinet. Poste qu’il occupera pendant de longues années.

Dans les années 2000, le secteur de l’enseignement public était paralysé par des grèves. Des centaines d’enseignants y laisseront leur poste. Un ministre en charge du Travail et de la Fonction publique les a poussés dehors, Kokou Tozoun.

Après la mascarade électorale de 2003, feu Gnassingbé Eyadèma forme un nouveau gouvernement. Au poste des Affaires Etrangères, il met un de ses caciques : Kokou Tozoun. C’est lui qui, en 2005, a « géré » le portefeuille diplomatique, après le décès d’Eyadéma, lorsque sur d’autres fronts, certains passaient les Togolais au glaive. C’est par exemple auprès de lui que les diplomates européens, américain et du système des Nations-Unies, conduits par un certain Fidèle Sarassoro, sont partis menacer que si l’ambassade d’Allemagne (dont le tort était d’avoir abrité un certain François Boko) était incendiée (comme les rumeurs le faisaient craindre), c’est toute la communauté internationale qui va leur tomber dessus.

Sans le nier, il s’était contenté de grogner au sujet de l’ambassade d’Allemagne, estimant que l’ancien ministre Boko créait, par ses propos, de l’instabilité depuis ladite ambassade. Finalement la représentation diplomatique sera épargnée, mais comme le pouvoir voulait forcément s’en prendre à un intérêt allemand, c’est plutôt le Goethe Institut qui en fera les frais.

Ensuite M. Tozoun deviendra ministre de la Communication dans le premier gouvernement de Faure Gnassingbé en juin 2005. Le 20 Août 2006, c’est lui qui signera au nom du parti au pouvoir Rpt, le fameux Accord Politique Global (APG) à l’hôtel Corinthia 2 février à Lomé.

En 2007, l’ancien ministre et fidèle cacique sera envoyé à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et sera propulsé comme rapporteur. A la suite de ces élections, il sera de nouveau invité au gouvernement comme ministre en charge de la Justice et gérera ensuite un dossier comme celui de ReDeMaRe.

En 2011, après avoir été débarqué de la Justice, il murmurait contre le Prince et sera propulsé à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Ici aussi, il a été à l’origine de la perte d’emploi de plusieurs personnes. Sous lui, les radios X Solaire et Légende seront fermées. Les Journaux « La Nouvelle », « Tribune d’Afrique » et « Gazette du Golfe » seront contraints à ne plus paraître. Par ses communiqués intempestifs qu’il sortait à l’égard de la presse privée, plusieurs organes vont s’imposer une autocensure.

Interpellé au sujet des multiples agressions que subissaient les hommes de médias au Togo un temps, il répondra que « sans actions, il n’y aurait pas de réactions », estimant que lorsque les citoyens se sentent violentés sur les médias, il est normal qu’ils réagissent, par la violence physique. Jamais il n’a sorti le moindre communiqué, ne serait-ce que pour sympathiser avec les journalistes victimes des violences sur leur lieu de travail. Depuis son bureau, il ordonnait que la Commission de répartition de l’Aide de l’Etat à la presse bloque la part de certains médias critiques à l’égard du pouvoir, alors même qu’il n’en était pas membre.

En proie à de graves ennuis de santé en 2014, il agonisait sans secours. Le pouvoir qu’il a passé toute sa vie à servir n’a pas été sensible à son cas. Il a fallu, selon les informations, qu’un de ses « frères » puisse financer son évacuation. Il reviendra vivant, mais affaibli tout de même. Même au bord de la tombe, il était toujours impliqué dans un projet de fermeture d’une télévision dont le ton commence par ne plus plaire.

C’est depuis la maison qu’il dirigeait l’institution de régulation des médias, ne pouvant se déplacer à son bureau situé au premier étage de la HAAC. Ses derniers jours ont été des plus humiliants pour un homme qui a servi père et fils et qui vivait dans un certain dénuement au point de manquer de moyen pour se faire traiter. Comme d’autres avant lui, Djoua, Tidjani, Kokou Tozoun a connu une triste fin.

A l’église on dira : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Quand il y a mort d’homme, les passions se taisent, dit-on souvent, mais il était opportun de faire le parcours de l’homme qui vient de tirer sa révérence. Et comme la tradition le demande, disons : « que ses œuvres l’accompagnent ».

Mensah K. (L’ALTERNATIVE)