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Un mango serait-il en préparation aux USA ?

Togo - Societe
Il se passe des choses dans l’état de l’Oregon, aux États-Unis, qui pourraient intéresser les Togolais
Soiliou Daw Namoro

Les récents événements tragiques de Mango ont eu de larges échos dans la presse, tant nationale qu’internationale. Ces échos ont probablement suscité des réactions de la part des « amis » du Togo qui ont dû faire reculer notre monarque national. À moins que ce ne soit ce dernier qui, sous l’emprise de la peur, ait réalisé, lui-même, le danger que court son régime s’il persiste dans la fuite en avant dans ce dossier.

Ces événements ont, peut-être, crée la fausse impression que la question de l’appropriation de terres privées par le gouvernement dans le cadre d’une politique de protection de l’environnement, est une invention togolaise. Je me suis efforcé dans mes articles précédents de contribuer, certes très modestement, à éclairer les dimensions internationales de cette question et à fournir des exemples qui jonchent l’histoire de la protection des forêts et de la faune en Afrique noire, tant sous les régimes coloniaux qu’après les indépendances.

Dans la présente note, je me propose d’attirer l’attention des Togolais sur le parallèle que l’on peut établir entre deux modes de gestion, togolais et américain (plus précisément, celle des États-Unis), d’un problème de politique environnementale dont la similarité dans les deux pays, sans être très grande, n’offre pas moins l’occasion d’explorer, encore une fois, divers aspects d’un sujet important.

L’état américain de l’Oregon — indiqué par une flèche sur la carte ci-dessus — se trouve tout à fait à l’ouest du pays, au bord de l’Océan pacifique. Il est bordé au Nord par l’état de Washington, au Sud-Ouest et au Sud-Est par les états de la Californie et du Nevada, respectivement, et à l’Est par l’état de l’Idaho.


Il se passe dans l’Oregon, depuis le 2 Janvier 2016, des choses qui, pour un observateur togolais, ne peuvent que rappeler la vague de répression sanglante dont les populations de Mango firent l’objet, en particulier du 6 au 8 Novembre 2015. Aux États-Unis, un groupe de 15 à 20 hommes armés de fusils de guerre, a pris possession par force, dans l’est de l’état de l’Oregon, d’un bâtiment de l’État fédéral dans une réserve de faune appelée Malheur National Wildlife Refuge, le mot « Malheur » n’ayant aucune relation avec l’événement relaté. La réserve fut créée en 1908 (2) comme une réserve indienne par le président Theodore Roosevelt, et devait constituer un habitat naturel pour la faune aviaire domestique (le monde des oiseaux), ainsi qu’une réserve ornithologique (L'ornithologie est la discipline scientifique qui a pour objet, l’étude des oiseaux). Cette réserve qui avait— et a toujours —la particularité de n’abriter aucun amérindien (2), prit plus tard le nom de Malheur National Wildlife Refuge, parce qu’elle fut constituée aux alentours du comté de « Malheur », dans le Sud-Est de l’Oregon.

Dans les années 1970, l’agence fédérale US Fish and Wildlife Service (FWS), qui a la charge de gérer la réserve, acheta la plupart des terres privées se trouvant à proximité de celle-ci. Quelques six ans auparavant, une famille, celle des Hammond, avait acheté un terrain dans la région qu’elle refusa ensuite et refuse toujours obstinément de vendre au FWS. Les tensions entre l’agence fédérale et la famille Hammond autour des droits d’accès aux ressources naturelles environnantes, à l’eau en particulier, inévitables dans ces cas de figure, conduisirent à des actes légalement répréhensibles posées par la famille, et à l’emprisonnement en 2012 de deux hommes : un homme aujourd’hui âgé de 74 ans et son fils de 46 ans. Ce drame familial sur lequel nous revenons plus loin, qui résulte essentiellement de l’opposition entre intérêts publics et intérêts privés, attira beaucoup de sympathie pour les Hammond et draina pendant un temps une foule de manifestants acquis à leur cause. Après le relâchement des prisonniers, l’affaire connut un rebondissement en Octobre 2014, suite à un appel du jugement qui aboutit en Octobre 2015 au retour en prison des deux personnes pour plusieurs années supplémentaires.

L’aile radicale de la droite politique américaine s’est, depuis longtemps déjà, fait un cheval de bataille de cette question qui, au fil du temps, n-a pas manqué de susciter des controverses au sein même des sympathisants de la cause des Hammond (1). Ces fissures se sont manifestées, entre-autres, par la franche désolidarisation de ceux et celles qui voient maintenant dans la prise illégale du bâtiment de Malheur National Wildlife Refuge — en guise de protestation contre le ré-emprisonnement des Hammond— un acte extrême dont la justification repose sur une distorsion des faits et, qui plus est, s’accompagne d’une rhétorique qui constitue une menace pour la stabilité sociale.

Que fera l’état fédéral face à cette situation ? Peut-être est-il plus indiqué de se demander ce que l’état US fait déjà, face à cette situation, en gardant en tête que les racines du problème remontent aux années 1970. Ce problème dure donc depuis près de 45 ans, depuis que les Hammond ont refusé de vendre leur terre. Quelle qu’en soit l’issue, son déroulement nous aura au moins édifiés sur un certain nombre de points dont je me propose maintenant d’énumérer quelque uns qui me paraissent importants :
1. Le gouvernement US a racheté aux privés, les terres dont il a eu besoin pour son projet d’extension de la réserve. Si les prix d’achat des terrains avait été foncièrement injustes pour les propriétaires privés, ceux et celles-ci auraient librement et majoritairement refusé de céder leurs terres, et l’État fédéral n’aurait eu d’autre choix que d’augmenter ces prix. La décision, somme toute souveraine, des Hammond de ne pas vendre a donc été exceptionnelle, sans pour autant violer la règle du marché et de l’équité sociale. En tout état de cause, l’État US ne s’était pas prévalu d’un droit — qui aurait été aussi fictif que fourbe — d’arracher unilatéralement et sans compensation aux résidents de la zone, leurs terres, au nom de la protection des oiseaux. Cette manière de faire est celle qui est propre à la nature de l’état togolais et aux gouvernements successifs des Gnassingbé.

2. L’emprisonnement des Hammond fit suite à des feux intentionnellement déclenchés par ces derniers : l’un en 2001 — ce que l’on appelle communément un brûlage contrôlé (ou brûlage dirigé) et qui est une mesure préventive contre les incendies plus dévastateurs —eut l’effet non-escompté de brûler 127 acres (environ 51,3 hm2) du domaine public (2); l’autre eut lieu en 2006 pour contrer l’effet d’un incendie qui sévissait dans la région (2). Ces actions tombaient sous le coup de la loi de 1996, intitulée Antiterrorism and Effective Death Penalty Act (la loi sur la lutte contre le terrorisme et la peine capitale effective). Elles conduisirent, par conséquent, à un procès dont les décisions furent défavorables aux Hammond. Ceux-ci furent condamnés comme des terroristes à des peines variées de prison — 3 mois pour le père et 12 mois pour le fils— et à des peines financières (2).

À titre de comparaison, notons que les mesures ci-dessus sont loin des tueries par balles et kidnappings perpétrés à Mango, de l’écrasement de manifestants par un véhicule de l’armée, et de l’état de terreur généralisée instauré par le gouvernement togolais, en particulier par le ministre Yark Damehame, pour juguler le mécontentement populaire que le gouvernement a pourtant, lui-même, créé à Mango.

3. Les insurgés de l’Oregon, ainsi que tous les activistes anti-gouvernementaux, mêmes les plus extrémistes, ont abondamment accès aux medias pour expliquer au public leurs points de vue et motivations. Qu’ils aient raison ou tort, le débat national est en cours, personne n’en est exclu et le gouvernement mesure ses gestes et paroles, le but étant probablement d’aboutir aussi rapidement que possible, à une solution de moindre mal du litige. Nous sommes, ici aussi, loin du dispersement à coups de gaz lacrymogène des manifestations à Lomé, pendant que la traque et la répression se poursuivaient de plus belle à Mango.

4. Il est possible que les actions de la vingtaine d’insurgés de l’Oregon qui se réfèrent à eux-mêmes comme une milice, finissent par provoquer la contre-violence de l’état fédéral pour restaurer la légalité. Mais, même si elle devait advenir, cette violence aurait mis longtemps avant d’éclore et de prendre, éventuellement, des proportions que tout le monde s’emploie à éviter. Elle aurait donné en tout cas aux acteurs de tous les bords, suffisamment de temps pour explorer toutes les voies pacifiques de règlement du conflit. Vu les règles de fonctionnement des institutions fédérales, Il est probable que l’issue, tragique ou pas, des événements de l’Oregon, apportera une solution réelle au problème sous-jacent.

Par contraste, on est en droit de craindre que dans le cas du Togo, le gouvernement n’ait reculé que pour mieux sauter. Non seulement la revanche du régime— en raison de son échec cuisant récent — est à redouter par les populations de la Savane, mais, tout succès de son programme de répression sauvage dans le futur ne créera vraisemblablement qu’une nouvelle occasion d’accroître davantage ses ambitions sur le foncier national: les ambitions d’un état prédateur qui s’est toujours révélé aussi insatiable qu’improductif.

Ceux et celles qui souhaitent en savoir plus et prendre connaissance des vues opposées qui se sont exprimées sur le litige en cours dans l’Oregon, pourraient consulter les deux sites internet suivants :

(1) http://www.hcn.org/articles/oregon-occupation-at-wildlife-refuge
(2) http://theconservativetreehouse.com/2016/01/03/full-story-on-whats-going-on-in-oregon-militia-take-over-malheur-national-wildlife-refuge-in-protest-to-hammond-family-persecution/