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Pollution visuelle : Ces panneaux publicitaires anarchiques qui rendent vilaine Lomé

Togo - Societe
Le phénomène est frappant pour peu qu’on lui accorde une attention particulière. Sur les grandes artères de la capitale, les panneaux publicitaires crèvent la vue de par leurs différents formats et tailles.
Au carrefour du Commissariat central, impossible d’avoir une vue aérée. Un matraquage visuel qui ne dit pas son nom est imposé aux usagers de cette voie par les panneaux publicitaires. A Cica-Toyota sur le boulevard Eyadéma, le supplice s’observe. De même, au carrefour communément appelé GTA, un géant panneau triphasé force le regard. Des établissements scolaires ne sont pas épargnés par cette horde de panneaux. Le cas du lycée de Tokoin que surplombe un géant panneau est assez illustratif.

Toutes les rues de Lomé sont envahies par ces piquets métalliques de toutes sortes et qui, à certains endroits, occupent les passages à piéton. Une anarchie règne donc. Et pourtant, l’occupation des voies par ces affichages est soumise à une autorisation de la Mairie.

Que dit la réglementation ?

Il est nécessaire de clarifier que c’est une gestion déléguée qui régit les panneaux publicitaires dont les formats sont généralement de 12m2, 24m2, 36m2 et 72m2. La Mairie cède ces espaces publicitaires à des personnes morales ou opérateurs économiques contre une redevance annuelle; 16.800FCFA/m2, comme le stipule l’arrêté municipal N° 012/ ML/DAF du 26 décembre 2008. Les privés les louent à leur tour aux annonceurs.

Mais, il faut au préalable remplir certaines conditions avant de recevoir l’autorisation d’implantation. Après avis favorable suite à la demande adressée au Secrétariat de la Mairie et aux études de terrain des services techniques, la Direction des affaires financières (DAF) prépare l’autorisation à la signature du Maire. Il est donc clair que l’implantation des panneaux publicitaires obéit à une procédure établie pour contrôler ce secteur publicitaire qui, selon les chiffres, a contribué de 2010 à 2012 à environ 4% du budget de la Commune.

Au regard de ces dispositions, Lomé ne devrait pas présenter ce visage rendu vilain par l’appétit vorace des annonceurs et le laxisme des autorités. Une gestion saine et contrôlée devrait entourer ce secteur qui génère des recettes. Or, entre la théorie et la pratique, le gouffre est parfois criard, comme ce qui est donné de constater sur les toutes les artères de la capitale.

Panneaux anarchiques, panneaux tout-puissants

Il est un fait que beaucoup de piquets publicitaires, comme des champignons, obstruent le champ visuel sur les rues. Leurs implantations n’obéissent souvent à aucune norme. A certains endroits, les panneaux s’agglutinent et se livrent une guerre de visibilité au détriment d’un beau paysage. Les voies de Lomé souffrent d’aération. Elles s’étouffent silencieusement sous le poids des affiches publicitaires dont certaines sont incontrôlables. Une situation qui interpelle en premier lieu la Direction des services techniques (DST) de la Mairie qui procède à la vérification et à l’octroi du lieu d’implantation aux opérateurs économiques. Or, il se fait que la DST n’a pas souvent les coudées franches pour s’opposer, si elle venait à constater un panneau érigé illégalement.

Cette difficulté est aussi partagée à la DAF chargée du recouvrement des taxes des panneaux publicitaires. Dans l’exercice de son travail de collecte des taxes, le service de recensement de la DAF se heurte souvent à des panneaux dont il lui est difficile de trouver le propriétaire. Même les relances sont sans suite. En clair, certains opérateurs économiques font des chiffres d’affaires dans l’illégalité. Ils vont même jusqu’à faire chanter la Direction des affaires financières et la Direction des services techniques. Ils abusent des pouvoirs dont les ramifications vont jusqu’aux supérieurs de la DAF et de la DST. Le temps viendra où nous déballerons sur la place publique ces annonceurs qui se fient de la réglementation.

Devant l’impuissance de ces deux structures étatiques, des opérateurs véreux écument le champ visuel des espaces publicitaires et font des recettes sur le dos que l’Etat leur prête. Ce qui apparaît comme un simple problème d’organisation du secteur, est en réalité, un domaine de réserve d’intérêts publicitaires.

Des politiques d’assainissement étudiées ?

La Mairie semble préoccupée par cet essaimage d’insalubrité visuelle due aux affiches publicitaires. Le modèle béninois avait entre-temps inspiré les responsables communaux togolais, mais depuis, il n’incite plus. Sous l’impulsion de l’ancien président Nicéphore Soglo, le Benin avait fait de la gestion des panneaux, une affaire de salubrité publique. Tous les panneaux ont dû respecter le format et l’endroit des piquets imposés. Les annonceurs béninois ont aussi dû se conformer aux normes établies par les autorités municipales. Cela a donné une image attrayante des rues de Cotonou. Si la décision à l’époque avait occasionné des remous, son adoption et la conformité à la réglementation de l’espace publicitaire ont été saluées même s’il y a quelques brebis galeuses qui essaient de se faire voir.

Il reste très difficile pour la Mairie de Lomé de sauter les verrous de certaines pesanteurs partisanes et parfois parentales. Tous ces facteurs conjugués à l’impuissance des délégations spéciales à qui les tout-puissants opérateurs économiques, détenteurs des panneaux, jettent à la figure de s’occuper de leurs oignons, c’est-à-dire de gérer leurs affaires courantes. Des comportements qui ne laissent pas présager que demain sera le début de la fin de l’envahissement des rues par les affiches publicitaires illégales.

Y-a-t-il raison de croire à un sursaut d’orgueil de la
Mairie ?

Visiblement non. L’assaut des rues de Lomé par ces géants publicitaires ne fait que commencer. Pris dans un emballement, ils s’implantent à tout va et ne semblent laisser aucune place. Ils anticipent même, comme ce qui est donné de constater sur la route Akossombo menant au quartier Casablanca. Sur cette voie qui est en train d’être réhabilitée, des piquets sortent déjà des terres sans aucune autorisation. Une situation qui embarrasse la DAF qui soulève le problème lors des réunions, mais ne trouve pas d’écho favorable pour le moment.

Il ressort de ces faits qu’il y a deux types de Togolais. Des citoyens qui paient leurs redevances à l’Etat et d’autres qui en sont dispensés, et qui, par leurs actions, creusent des trous dans les recettes. Ces derniers n’en ont cure du civisme. Paradoxalement, on pense que c’est la plèbe qu’il faut sensibiliser.

Pour guérir ce cancer économique, quelques pistes de solutions pourraient aider, si elles ne sont déjà perçues et rangées dans les placards. Néanmoins, il faut que, entre autres suggestions, les maires soient élus afin qu’ils aient les pleins pouvoirs pour administrer leurs collectivités, le sens de la gestion du patrimoine collectif puisse être ancré dans les mœurs, des mesures de sanctions soient appliquées à tout le monde.

(L’ALTERNATIVE)