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Conflits autour de l’exportation des produits agricoles togolais : Un rapport de la Banque Mondiale donne raison aux paysans, face à l’ANSAT

Togo - Societe
Dans un récent rapport publié sur la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, la Banque mondiale, déjà dans le titre, appelait à « lever les obstacles au commerce régionale pour améliorer la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest ». Cet appel coïncide avec le cri de détresse des organisations paysannes du Togo, en conflit sur le sujet avec l’ANSAT (Agence Nationale pour la Sécurité Alimentaire au Togo) et son directeur Ouro-Koura Agadazi.
Dans un mémo datant 2013, mais toujours d’actualité selon ses auteurs, la Coordination togolaises des Organisations paysannes et de Producteurs Agricoles (CTOP) dénonce une position « ambiguë » de l’ANSAT, dans l’exportation des produits agricoles du Togo vers la sous-région.

« Selon les procédures d’exportation des céréales au Togo, le rôle attribué à l’ANSAT est la délivrance du quitus ou certificat d’exportation sans frais dans un délai de 72 heures. Cette mission démontre la position stratégique qu’elle a dans la garantie de la sécurité alimentaire dans notre pays. Cependant, il est à noter que depuis plus de trois ans, l’ANSAT s’est lancée dans l’exportation du maïs vers les pays de la sous-région menacés par la famine et dès fois vers le Gabon. Cette nouvelle position fait d’elle, à la fois, la structure chargée de délivrer le quitus d’exportation et un exportateur, donc elle est « juge et partie », note le mémorandum.

« Aujourd’hui les paysans à travers les organisations paysannes ne peuvent pas exporter leur maïs à cause de la réticence de l’ANSAT à délivrer le certificat d’exportation. En 2012, l’ANSAT a livré près de 32 000 tonne de maïs aux pays déficitaires de la sous-région tel que le Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Liberia pour un montant e 6,9 milliards de FCFA à raison de 226,02 FCFA le kg. Alors que la même année, l’ANSAT refusé d’autoriser l’exportation de 3000 tonnes par la Centrale des producteurs céréaliers du Togo (CPC) et 1 500 tonnes par l’UOPC (une union régionale de producteurs de céréales) Savanes à un prix de 170 francs le kilo alors que le marché local n’offrait que 160 franc le kilo et ce, malgré le surplus de 81 495 tonnes de maïs enregistré pour la campagne 2011/2012 et la disponibilité des documents d’exportation », déplore la coordination des organisations paysannes.

Les conséquences du « monopole de l’ANSAT dans cette exportation » lié à une « interdiction d’exportation des surplus » sont, selon la CTOP : « la démobilisation des organisations paysannes car n’arrivant pas à assumer l’un des services importants, l’accès aux marchés ; la faible capacité financière des organisations paysannes à rembourser les crédits et la méfiances institutions de microfinance et d’autres acteurs privés à investir dans le secteur ; la démotivation et l’abandon du secteur par les jeunes au profit de l’exode rural».

La Banque Mondiale aussi, dans son rapport, reconnaît le tort subis par les paysans, face des entraves au commerce inter-régional. « Faute de politiques commerciales régionales adaptées, les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest sont pénalisés par l’inefficacité des services de transport et d’entreposage, le manque de financements et la fragmentation des chaînes logistiques (pour la réfrigération des produits périssables par exemple), qui freinent la commercialisation de leur production. Cette désorganisation complique aussi l’activité des petits exploitants et négociants, qui ne parviennent pas à produire d’excédents destinés à l’industrie agro-alimentaire.

Selon les informations, l’année dernière, l’ANSAT a dû ouvrir un peu la vanne, face au refus de l’un de ses clients principaux, le Programme alimentaire mondial (PAM), de continuer par dealer avec une institution étatique, au détriment des producteurs eux-mêmes. Mais l’épée de Damoclès n’est pas si éloignée pour autant. D’où la résonnance que le rapport peut avoir dans les milieux paysans au Togo.

« Le commerce régional en Afrique de l’Ouest est crucial pour la sécurité alimentaire et le développement agricole et pourrait, sous réserve de politiques adaptées et de l’engagement des pays voisins, jouer un rôle essentiel. Le commerce transfrontalier créera des économies d’échelle dans la production alimentaire, multipliera les débouchés pour les producteurs et réduira considérablement l’exposition des ménages, notamment pauvres, à la volatilité des prix, à la sécheresse et aux autres chocs », indiquent les auteurs du rapport.

Et, Jean Christophe Maur, un des auteurs du rapport, de rappeler, dans un article sur son blog, que « le programme agricole de la CEDEAO reconnaît depuis longtemps le rôle central des denrées de base dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté. Les politiques visant à créer un marché régional ne sont cependant pas encore reprises dans les dispositions nationales et les marchés régionaux restent extrêmement fragmentés — alors qu’il existe des marchés transfrontaliers naturels et que, même face au vide juridique, le commerce de denrées alimentaires est déjà très dynamique, via des canaux informels. Selon des estimations récentes discutées dans le rapport, le marché noir représenterait au bas mot 75 % des échanges de denrées de base à l’échelle régionale ». Il faut « ouvrir les frontières » aux denrées alimentaires, lance-t-il, dans une interview accordée à L’alternative.

Maxime DOMEGNI (L’ALTERNATIVE)