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PNIASA, ça brule, PADAT en danger !

Togo - Societe
Des paysans, sourire jaunes aux lèvres, qui posent devant les caméras de la télévision nationale, avec en mains, quelques billets de banque issus de la vente de leur récolte, d’autres qu’on entasse dans une salle pour un hypothétique forum avec les autorités publiques, un ministre omniprésent sur les écrans de la télévision nationale et sur les autres médias officiels vantant çà et là des résultats de son secteur, c’est généralement tout ce qu’on retient du monde agricole au Togo. Et pourtant, loin des caméras, se cache une réalité catastrophique ; périlleuse pour les paysans, les fonctionnaires du ministère de l’agriculture et pour le pays.
37, 75 milliards de Francs CFA pour le Programme d’Appui au Développement agricole au Togo (PADAT), 19 milliards pour le Projet d’Appui au Secteur Agricole (PASA), 9 milliards pour le Projet pour la Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAO)…voilà des montants faramineux qui sont gérés (directement ou indirectement) depuis trois ans par le ministère de l’Agriculture, au profit du paysan togolais, des consommateurs et des investisseurs. En réalité, à ce jour, l’impact de tous ces projets regroupés au sein du Programme national d’investissement agricole et de la sécurité alimentaire au Togo (PNIASA) est très limité.

« Malgré les efforts notables de la part de l’équipe du projet et de ses homologues du Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche, le PADAT n’opère pas encore à un niveau satisfaisant et il est maintenu par le FIDA (ndlr : Fond International pour le Développement international) dans la liste des projets à risque », c’est l’une des conclusions d’une mission conjointe de la FIDA, de la Banque Mondiale et de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) qui sont les contributeurs à l’enveloppe du PADAT. C’est donc un projet de 37,75 milliards qui est dit « à risque », par les bailleurs.

Le PADAT en question est aujourd’hui sans coordination. Après le départ d’une équipe technique internationale qui a appuyé le Togo dans la gestion de ce projet, avec de fréquents contentieux avec les premiers responsables du ministère de l’agriculture, le Togo montre aujourd’hui son incapacité à prendre, sereinement, le relai.

Au FIDA, selon des sources, c’est avec inquiétude qu’on voyait venir la catastrophe dans laquelle risque de se retrouver définitivement le PADAT. A l’approche de la fin de la mission de l’équipe internationale, on savait que le pays et ses pratiques peu orthodoxes, serait incapable de poursuivre sereinement le travail de gestion de ce projet. Il proposait alors qu’on donne la chance aux Togolais qui ont acquis de l’expérience sur ce même projet, en collaborant avec l’équipe internationale, de mettre leur expérience à profit, en restant sur le projet. Non ! A-t-on répondu au cabinet de Ouro-Koura Agadazi qui, avec ses proches, semblait s’impatienter de voir partir l’équipe internationale, pour les remplacer par des « frères de, sœurs des amis de… ».

Dans le cadre de ce contentieux, le chargé du projet depuis le FIDA, une Sénégalaise du nom de Aissa Touré, qui n’avait de cesse de gérer des conflits avec les autorités togolaises sur des questions liées à la transparence, n’en pouvait plus et demande â être retiré du dossier togolais. Elle obtient gain de cause, et se voit confier les trois Guinée (Conakry, Bissau et Equatoriale). A Lomé, on crie victoire et fait circuler même des rumeurs tendant à faire croire que le départ de la sénégalaise était obtenu suite à des plaintes du Togo.
Le ministère se précipite de fomenter un coup pour balayer toute l’équipe et place à la tête de la coordination, le même monsieur qui a conduit l’évaluation du reliquat de l’ancienne équipe et qui a recommandé leur départ. Il se retrouve ainsi être juge et partie. La magouille est presque passée. Seulement, une plainte venue du Togo sur la fiabilité du processus de recrutement atterrit sur la table de l’instance chargée des faits de corruption du FIDA. Cette instance découvre les dégâts. Elle instruit le Togo à auditer le processus. La Direction chargée des Marchés publics (DCMP) s’en occupe et conclut qu’il y a effectivement eu magouille. Le processus est annulé. Depuis, le Projet, déjà à risque, se retrouve sans coordination. En entendant de relancer un autre processus de recrutement, la gestion du projet est confiée en intérim à la coordination d’un autre projet (Programme national de Promotion de l’Entrepreneuriat rural, PNPER), lui aussi financé par le FIDA, et qui est aussi à la peine.

Au départ de la Sénégalaise qui, selon informations, a elle-même demandé son retrait, contrairement à ce que fait croire Lomé, un autre Chargé de Portefeuille, un Italien, est nommé. C’est sous lui que le processus bancal a été conduit avant d’être arrêté. Il venait peut-être de découvrir le Togo et ses obscures « réalités ». Lors de sa première mission de supervision au Togo, en juin dernier, il s’entend avec les autorités du ministère de l’Agriculture sur un document en ce qui concerne le PNPER. Après plus d’un an de signature de sa convention de financement (mai 2014), le programme est resté bloqué. Même le traditionnel atelier de lancement n’a été organisé. La mission conduite par le FIDA a donc convenu avec les responsables du ministère en charge de l’Agriculture d’une nouvelle procédure pour débloquer la situation. Lors d’une rencontre multipartite, mardi dernier au ministère, on apprend qu’Agadazi et les siens dénoncent déjà l’accord qu’ils ont pourtant bel et bien signé avec le FIDA sur le PNPER. Leur argument, ils n’avaient pas bien lu et compris le contenu avant de signer.

Dans l’attente d’une seconde mission du Chargé du portefeuille (le nouveau) du Togo au FIDA, au ministère, certains cadres, conscients des menaces qui pèsent sur le pays, tiennent la tête. En quelques mois déjà, l’homme découvrira une autre des multiples sombres facettes de ceux qui gouvernent le Togo. Et avec un militaire pour développer l’agriculture du pays, la situation n’est pas meilleure.

« J’ai vraiment peur qu’en novembre prochain, à la prochaine mission de supervision, que le FIDA se retire et mette fin à ses projets (d’une valeur de plus de40 milliards et qu’il cofinance avec d’autres bailleurs) au Togo », s’inquiète un proche du dossier.

Si les projets du FIDA sont en danger, les autres composantes du PNIASA ne sont pas moins sûres. Le Projet pour la Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAO), par exemple, financé sur un prêt d’environ 9 milliards de nos francs auprès de la Banque Mondiale vient d’épuiser ses ressources, avant termes. Ce projet devrait permettre d’améliorer la productivité (le rendement) de notre agriculture, en s’inspirant des succès stories, au sein de la sous-région ouest africaine. Les neuf milliards, à rembourser, sont épuisés. Mais les paysans togolais pour encore avec leur moyenne de 1, 5 tonnes de maïs à hectare, même si quelques variétés de semences dites améliorées ont été distribuées sur le territoire. Au Ghana voisin ou encore au Burkina, il se raconte que des paysans, pour les mêmes efforts, obtiennent jusqu’à 12 tonnes à l’hectare.

Le Programme d’Appui au Secteur Agricole (PASA), lui, aussi financé par la Banque Mondiale, à hauteur de 19 milliards, avec une partie sous forme de crédit et une autre sous forme de don, n’est pas non plus bien portant.

En 2016, plusieurs composantes du PNIASA prendront fin. Au ministère de l’Agriculture, l’ambiance est tendue. Le militaire gouverne, avec un pouvoir absolu, au pas de charge. « Ça brule », nous a confié un cadre dudit ministère. Dans quelques années, commenceront les remboursements des crédits contractés sur le dos du contribuable. Mais à quoi auront servi les milliards investis ? Nous y reviendrons !

Mensah K. (L’ALTERNATIVE)