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Pauvreté au Togo : mal gouvernance ou fatalié!

Togo - Opinions
Plus que les violations des droits de l’homme, plus que les entraves à liberté d’expression, plus que l’absence d’élections transparentes, la pauvreté est devenue aujourd’hui le problème majeur auquel doit faire face l’écrasante majorité des Togolais. Le tollé général qui a accompagné la récente augmentation des prix des produits pétroliers témoigne du ras-le-bol des Togolais. Ils en ont marre de tirer le diable par la queue! Variant de 7.8% pour le gaz oil à 13.7% pour le mélange (voir tableau ci-dessous), cette augmentation des prix a créé un probl ème insoluble pour toute une couche de la population.



Cavalièrement décrétée par l’Etat Togolais, la hausse des prix du carburent sous toutes ses formes a provoqué une flambée générale des prix de tous les autres biens de consommation rendant ainsi insupportables les conditions de vie des citoyens. Les ménages Togolais n’arrivent plus à joindre les deux bouts, quelle que soit la rigueur qu’ils mettent à gérer leurs revenus. Comment pourrait- il en être autrement ? Depuis des décennies, le niveau des salaires a toutes les peines du monde à croitre (le SMIG ne dépasse pas 35.000 fcfa en 2013!) alors que les prix des produits de première nécessité ne cessent d’augmenter?
Les syndicats ont beau de faire grève, rien n’y fait! Le pouvoir d’achat reste extrêmement faible. Même les travailleurs rémunérés au triple du SMIG en sont réduits à faire des choix douloureux dans la satisfaction de leurs besoins primaires. C’est ainsi qu’avec un revenu mensuel de 100.000 fcfa, un père d’une famille de 5 membres est obligé de faire face aux dépenses suivantes :



Cette situation qui conduit la plupart des familles à un endettement chronique ou à une dépendance perpétuelle par rapport à un parent résidant à l’étranger est pourtant loin d’être une fatalité. Elle s’explique par les choix malheureux faits par les dirigeants du pays dans la gestion des affaires de l’Etat.

Bradage de l’appareil de production
Sur injonction des soi-disants « bailleurs de fonds » l’élite au pouvoir a accepté de brader brader l’appareil de production du Togo, biaisant ainsi la répartition des richesses dans le pays. Au delà des pressions exercées par les partenaires internationaux, ce choix, a été d’autant plus facile à faire qu’il s’est accompagné d’une corruption scandaleuse des dirigeants du pays.

Qui ne se souvient en effet des différents Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) et autre SCAPE imposés au Togo et à l’ensemble des pays de la sous région depuis les années ’80 ? Officiellement, ces programmes avaient pour objectif d’assainir les finances publiques des pays sous-développés en les incitants à privatiser, (autrement dit, vendre à vil prix) leurs entreprises nationales. En plus de ces privatisations, les Etats sous-développés devaient faire des économies en réduisant la masse salariale, le budget de la santé, de l’éducation, des infrastructures etc. Mais en réalité ces mesures étaient destinées à dégager les ressources nécessaires au paiement des « dettes » contractées dans les années ’70 !
Rappelons au passage que ces dettes avaient été contractées au lendemain de la guerre du Viet-nam qui a poussé les Etats-unis, puissance dominante d’alors, à abandonner la parité fixe entre le Dollar et les reserves en or de sa banque centrale (la FED). Ce découplage lui permit de faire tourner la planche à billet pour financer la guerre. Mais une fois celle-ci terminée (par une défaite !), le pays se retrouva avec un gigantesque surplus de liquidités auquel il fallait trouver un débouché pour éviter une inflation généralisée dans le monde occidental. La solution fût de derverser cet argent fictif dans les pays du tiers monde par l’intermédiaire des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Ces pays furent incités à emprunter massivement cet argent qui ne reposait sur rien du tout. Evidemment, les dirigeants africains se précipitèrent sur cette manne, qu’ils ont vite fait de détourner vers leurs comptes privés en Suisse ou ailleurs.

C’est donc pour payer cette dette-là que l’appareil productif Togolais a été bradé à différentes multinationales et à d’obscures fonds d’investissements sans foi ni loi. Tels d’impitoyables prédateurs, ces capitalistes se sont rués sur les usines et industries du pays qu’ils ont proprement pillés. De la SFI à Bolloré en passant par Bouygues point n’est besoin de rappeler le sort que ces investisseurs ont réservé aux anciens fleurons de l’économie Togolaise comme la SOTOCO, l’OTP, l’OPAT, Le Port, la CEET, la RNET etc....
Réduite à sa portion congrue, l’appareil productif local ne fournit de nos jours plus que quelques produits vivriers tels le maïs, le mil, l’igname, le poisson et les produits d’élevages. Les autres biens d’équipements et de consommations sont importés. Qu’il s’agisse des tissus Wax de Vlisco, des produits pétroliers, des voitures, des motos « zemidjan », du matériel électronique et informatique (ordinateur, téléphone, télévision), des produits pharmaceutiques, ou encore des matériaux de construction (à part le ciment), tous les produits sont importés à prix d’or. Les citoyens togolais en sont réduits à s’affamer pour les acheter et faire ainsi les choux gras des entreprises occidentales et orientales!
Cette destruction des entreprises nationales a entrainé une augmentation exponentielle du taux de chômage qui atteint aujourd’hui 30%i . Et d’après Edmond Comlan Amoussou directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), sur les 60.000 nouveaux arrivant chaque année sur le marché de l’emploi, l’ANPE n’arrive à trouver du travail que pour 2000 personnes !

Répartition inégale de la richesse
A ce problème de pillage de la richesse du Togo par les multinationales, s’ajoute celui de l’inégale répartition du peu qui reste. D’après le Président de la République Faure Gnassimgbé lui-même, au Togo, une infime minorité s’accapare les richesses du pays. Ce constat fait, on se serait attendu à une vaste opération de redistribution de cette richesse au profit de tous. On n’aurait cru qu’il allait lancer une opération mains propres afin de faire rendre gorge aux goinfres et autres kleptomanes qui détournent sans vergogne les richesse du pays. Mais hélas, la sortie du Président est restée lettre morte. Il n’a fait que verser des larmes de crocodile sur le sort de ces concitoyens. Et pour détourner l’attention des problèmes brulants de l’heure, il procède à une fuite en avant en se cachant derrière une politique de pseudo grands travaux qu’il aurait initié. Mais là encore, les marchés de ces travaux de construction et rénovation des routes ont été attribué à de grandes entreprises privées qui ne se font pas prier pour surfacturer chaque kilomètre de bitume. Pire, ces travaux sont financés par des prêts contractés auprès de banques privés pratiquant des taux d’intérêts astronomiques de 10 à 15 % ! Même Nicolas Berlanga-Martinez, le représentant d’une instance aussi véreuse que l’Union Européenne en est arrivé à s’inquiéter du taux d’endettement du pays. Dans un interview accordé au journaux de la place, il s’est dit préoccupé « que les choix de financement de la politique expansionniste de dépenses publiques ne ramènent pas le Togo vers une situation de surendettement et que les ambitions légitimes du gouvernement en termes de développement se transforment en une lourde hypothèque que les générations futures devront payer ». Il est vrai que ce monsieur aurait préféré que le pays s’endette auprès de l’UE en lieu et place des banques privées...

Quelle solution pour le Togo ?
L’ampleur du problème de la pauvreté au Togo est telle qu’aucune solution ne pourrait être trouvé sans des mesures radicales et courageuses. Bien qu’aucun acteur politique de premier plan n’ose l’envisager, le Togo ne pourra faire l’économie d’une politique de renationalisation sans indemnisation de ses principales entreprises. De l’Algérie (qui a adopté la loi dite de 51%) au Venezuela en passant par la Chine ou l’Equateur, l’Etat a été obligé de reprendre en main l’économie pour la mettre au service du peuple. Le chemin inverse emprunté par le Togo qui vient de nommer M. Gapéri, un fonctionnaire du FMI à la tête des deux principales régies financières du pays (impôts et douanes) est sans issue et condamné à l’échec.

Gbati ZOUMARO
Coordinateur CRI-TD
ROTTEDAM (PAYS-BAS)

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i  Lawson Body, K. B. (2014), «  Comprendre la vie chère au Togo », http://visionssolidaires.com/2014/01/25/915/

ii http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Social/Tous-unis-contre-le-chomage