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Avantages, opportunités et grands défis des accords de partenariats économiques (APE) dans le cas de l’Afrique noire.

Afrique - Economie et Finances
"Plusieurs conséquences, les unes positives, les autres négatives pour le développement durable de la région"
Le nouveau partenariat en Afrique a un nouveau nom :Les accords de partenariat économique ou APE sont des accords commerciaux visant à développer le libre échange entre l’Union européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). les négociations de l’APE entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest ont démarré en 2003 et ont connu des avancées majeures cette année, car le 6 février à Bruxelles, les négociateurs des deux parties sont parvenus à la conclusion d’un APE régional qui sera validé fin mars par les ministres et les Chefs d’Etat de la région. Cependant, à la dernière réunion du Comité ministériel de suivi (CMS) des négociations APE tenue le 17 février à Dakar, des ministres ont préconisé des explications supplémentaires du projet d’accord régional à des parties prenantes au niveau national.


QUELS SONT LES PRINCIPAUX RESULTATS DES ETUDES D’IMPACT DE L’APE

Intégration régionale


L’intégration régionale va avoir plusieurs conséquences, les unes positives, les autres négatives pour le développement durable de la région. En premier lieu, les ressources fiscales vont baisser ce qui réduira la capacité d’intervention des Etats et pose la question de financements alternatifs. Cependant, l’élargissement du marché et la suppression des barrières douanières intérieures peuvent être un puissant stimulant pour l’économie régionale, à condition que le marché soit réellement fluidifié et que les secteurs sensibles soient convenablement protégés des importations européennes.
Les ressources fiscales vont baisser

Les taxes à l’importation sont pour les gouvernements africains une importante source de revenus. La création de l’union douanière de la CEDEAO et l’adoption du TEC (Tarif Extérieur Commun) par les pays non membres de l’UEMOA va globalement réduire les recettes perçues par les Etats. Il va donc y avoir une perte de revenus, surtout pour les pays dont les tarifs douaniers étaient plus élevés que le TEC ce qui est le cas pour des produits comme la pommes de terre, la farine de blé, la production de volaille au Ghana et les fruits et végétaux au Nigeria. De plus, les taxes de réexportation des Etats proches du Nigeria pour les exportations vers ce pays représentent à l’heure actuelle une somme importante que la création d’une union douanière va supprimer.
Compensation financière... ou instauration d’une nouvelle fiscalité ?

La baisse des recettes douanières va diminuer les revenus des Etats et donc leur capacité à financer les services publics. De plus pour que ’intégration régionale porte ses fruits, la plupart des études conviennent qu’un ambitieux programme de développement des infrastructures notamment de Transport doit être mis en œuvre, ce qui nécessite des investissements importants de la part des Etats. Si les Etats ne trouvent pas de nouvelles sources de financement, l’intégration régionale risque de ne pas créer un réel agrandissement du marché. A l’intérieur de la CEDEAO certains auteurs proposent de réduire l’impact négatif de la réduction des recettes fiscales sur tout pour les Pays les Moins Avancés en mettant en place des mécanismes de compensation financière.

Un plus grand marché : des économies d’échelle, leurre ou réelle chance ?

Il devrait y avoir une augmentation de la concurrence au sein de la CEDEAO à cause du détournement d’origine : certains pays de la CEDEAO se détourneront des importations de la sous-région pour s’approvisionner auprès de l’UE. Pour certains pays, cela peut avoir de lourdes conséquences, comme pour le Niger dont une grande partie des exportations reposent sur les produits agricoles vendus au Nigeria et sur les pays côtiers du golfe de Guinée. Les produits comme l’oignon ou le bétail du Niger, ou encore la pomme de terre de Guinée vendus au Ghana ou en Côte d’Ivoire risquent d’être affectés. Pour d’autres analyses cette concurrence peut être positive car elle augmentera la zone du commerce et renforcera la compétitivité globale de la zone. Notamment, l’intégration régionale pourrait permettre et stimuler la création d’alliances entre entreprises de différents pays de la CEDEAO, qui chercheront à faire face à la concurrence des entreprises européennes et à améliorer la qualité des produits exportés vers l’UE et aussi à l’intérieur de la CEDEAO. En renforçant la logique communautaire, l’intégration régionale permettrait de développer des programmes d’appui à des industries de transformation de matières premières, comme par exemple l’industrie textile, qui permettrait d’augmenter la valeur ajoutée du coton. Il est de même possible que l’intégration régionale attire les investisseurs étrangers intéressés par la possibilité de commercialiser sans droit de douane sur deux grands marchés : l’UE et la CEDEAO. L’intégration régionale ne produira des effets positifs que si la taille du marché augmente effectivement. Cela signifie que les obstacles non tarifaires aux échanges doivent être levés. Parmi ceux-ci les études repèrent essentiellement la défaillance des infrastructures de transport et la corruption.
Pour la plupart des auteurs l’intégration régionale apparaît cependant essentiellement menacée par l’ouverture des marchés aux produits de l’UE. De plus le niveau retenu pour le TEC semble trop faible pour que les produits agricoles soient suffisamment protégés. Selon certains auteurs, les flux commerciaux intra CEDEAO pourraient même baisser, ce qui va à l’encontre des objectifs de l’intégration régionale : les importations du Bénin provenant du reste de la CEDEAO baisseraient de près de 4% en cas de libéralisation totale. Le risque de constituer un grand marché surtout intéressant pour les importateurs est relevé par la quasi-totalité des études. Le principal intérêt pour l’Afrique de l’Ouest serait la baisse du coût de la nourriture qui permettrait dans une logique de meilleure insertion dans le commerce international la spécialisation sur des produits destinés à être exportés et requérant des activités à haute intensité de main d’œuvre. De plus, les effets pervers de la baisse des prix agricoles sur la situation des paysans seraient si importants qu’ils anéantiraient le gain pour les consommateurs.

Enfin, même si les conditions au bon déroulement de l’intégration régionale sont réunies, une conséquence négative est repérée : l’augmentation des inégalités entre les pays côtiers et les pays sahéliens. Les pays côtiers sont dotés de plus d’avantage comparatif dans la plupart des vecteurs économiques que les pays sahéliens. Ils devraient donc profiter davantage de la création d’un marché commun. D’autre part, les productions actuelles des pays sahéliens commercialisées dans les pays côtiers, comme la viande, sont fortement sensibles à la concurrence européenne. Le creusement des inégalités régionales devrait donc être encore accentué si la
libéralisation des produits agricoles est trop importante.

L’ouverture du marché AO aux produits UE : peu de conséquences positives

La suppression des droits de douane sur les importations d’origine européenne : perte de moyens pour les Etats.


L’UE est le premier fournisseur de l’Afrique de l’Ouest. Aussi la libéralisation du marché ouest-africain va produire une grande réduction des recettes douanières .
Toutes les études estiment que le volet libéralisation de l’APE dégradera de manière très importante les finances publiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, pour 2008 les pertes de recettes douanières sont estimées à 24.2 milliards de FCFA pour le Bénin (soit 40.7 milliards en 2019) . Pour le Nigeria, selon les approches (statique ou dynamique) et les hypothèses d’évolution des exportations d’ici à 2007, les pertes de recettes de porte
sont estimées dans une fourchette comprise entre 9,15 milliards de FCFA et 14,25 milliards de FCFA. Elle montre que la libéralisation totale des importations d’origine européenne et l’application du TEC réduiront les recettes des Etats de 2,4% pour le Nigeria à 22,1% pour la Gambie. Pour la majorité des Etats, cette réduction se situera entre 5 et 10% .
La baisse de revenus des Etats les empêchera d’intervenir efficacement sur la croissance économique et sur la réduction de la pauvreté aussi des difficultés probables à payer les fonctionnaires, des tensions sociales, le non remplacement des retraités, le ralentissement des activités de fonction publique avec comme corollaire un ralentissement général de toute l'activité économique ; des ressources insatisfaisantes pour les investissements publics et donc le ralentissement ou l'annulation de la construction des routes, hôpitaux, écoles.

Pour compenser ces baisses de revenus, les Etats devront mettre en place une nouvelle fiscalité. Or en Afrique de l’Ouest la culture du paiement des impôts est défaillante. De plus, la mise en place de nouveaux impôts générera une pression sur les contribuables ce qui créera des conflits avec l’Etat. Enfin, les pistes les plus fréquemment envisagées pour remédier à la baisse des finances publiques sont la mise en place d’une Taxe sur la Valeur Ajoutée, qui sera donc payée par les consommateurs finaux et la taxation des producteurs agricoles. Cela accentuera la pression fiscale sur les plus pauvres.

La libéralisation rapide unanimement déconseillée


Le scénario de la libéralisation rapide et totale est considéré par toutes les sources étudiées comme dangereux pour l’Afrique de l’Ouest. La concurrence des importations agricoles en provenance de l’Union Européenne risque en effet d’annihiler les conséquences positives de l’intégration régionale. La plupart conclue qu’un scénario plus progressif est souhaitable, avec en particulier la possibilité de continuer à protéger la production agricole et agroalimentaire de la région. Deux questions demeurent, sur lesquelles les études se sont positionnées diversement : le rythme de la libéralisation et le niveau du TEC pour les produits agroalimentaires. Le TEC est cependant en général considéré comme étant trop faible pour protéger efficacement ce secteur essentiel pour le développement durable de la zone. La plupart des auteurs préconisent que le TEC soit relevé et maintenu jusqu’en 2020.

L’accès au marché de l’UE


Les exportations de l’Afrique de l’Ouest sont concentrées sur quelques produits, majoritairement des matières premières, agricoles ou minérales. Deux facteurs favorisant l’accès au marché : le régime tarifaire, plus ou moins ouvert, et la capacité effective des entreprises à pénétrer les marchés. Dans le premier cas il convient de distinguer le régime commercial que les différents Etats utilisent pour exporter vers l’Union Européenne. Lorsque le régime ACP n’existera plus, les pays non PMA exporteront avec le Système de Préférence Généralisée, tandis que les PMA utiliseront les dispositions de l’initiative Tout Sauf les Armes. Quant au second facteur, les études d’impact concluent toutes qu’un APE ouvrira peu de nouvelles opportunités d’exportation, en partant du fait que le frein à l’accès au marché n’est pas tarifaire mais dépend plutôt de la capacité des entreprises de la zone à proposer des produits adaptées aux exigences du marché européen.

Peu de nouvelles opportunités pour les PMA

Grâce à l’initiative TSA, les PMA ont accès au marché européen sans droit de douane pour tous les produits sauf ceux faisant l’objet d’un protocole. Au premier abord ils ne semblent donc n’avoir rien à gagner en terme d’accès au marché européen en signant un APE. Les marchés du riz, du sucre et de la banane (produits faisant l’objet d’un protocole) vont en effet rapidement leur être ouvert . Ils jouiront alors d’un accès complet au marché européen sans obligation d’ouverture de leur propre marché. En revanche la signature d’un APE les contraint à ouvrir leur marché aux produits européens. Cependant, l’initiative TSA comporte plusieurs inconvénients, qu’un APE pourrait supprimer. En premier lieu, il ne s’agit pas d’un accord, mais d’une préférence accordée unilatéralement par l’Union Européenne et pouvant donc être remise en cause du jour au lendemain. L’accès au marché des PMA n’est donc pas sécurisé. En second lieu, dans le cas de TSA, les règles d’origine sont très strictes, empêchant une partie des exportations des PMA d’accéder aux préférences commerciales de ce régime. Enfin, l’Union Européenne s’est dotée d’une clause de sauvegarde spéciale, lui permettant de mettre fin aux préférences lorsque le niveau d’importation en provenance des PMA dépasse les niveaux « habituels ». Un APE permettrait donc de sécuriser l’accès au marché en le rendant contractuel et d’en assouplir les règles, notamment d’origine.

Intérêt pour les non PMA, si les obstacles non tarifaires sont levés

Le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire sont les trois pays de l’Afrique de l’Ouest à n’être pas PMA. Leurs exportations sont essentiellement formées de produits agricoles et de minerais et hydrocarbures. En particulier, le Nigeria exporte aujourd’hui essentiellement du pétrole. Un meilleur accès au marché européen aura peu d’impact sur les volumes des produits déjà exportés. En revanche, cela permettrait de développer l’exportation de nouveaux produits, en particulier des produits agroalimentaires transformés,à plus forte valeur ajoutée pour lesquels il reste parfois des droits de douane.
Si un APE peut améliorer l’accès au marché européen et permettre de développer de nouvelles exportations, encore faut-il que les marchandises produites puissent effectivement entrer sur le territoire européen. Pour cela, elles doivent satisfaire les exigences des acheteurs et la législation sanitaire.

Risque de déséquilibre régional et d’exploitation non durable des ressources naturelles

L’intégration régionale, si elle réussit, risque de favoriser les zones géographiques dotées des meilleurs facteurs de production, au détriment des zones les plus défavorisées. Schématiquement, les pays côtiers, qui jouissent de meilleures conditions agroclimatiques devraient donc se développer. La plupart des études concluent que pour que l’APE permette à l’Afrique de l’Ouest de gagner des parts de marché en Europe, le volet développement devra être largement mis à contribution, que ce soit pour renforcer les infrastructures de transport de la région ou pour soutenir la modernisation des entreprises et des agriculteurs. Sans cela, l’APE présentera plus d’inconvénients que d’avantages pour l’Afrique de l’Ouest.
Enfin, si l’APE permet un développement des exportations agricoles ou agroalimentaires de l’Afrique de l’Ouest, plusieurs auteurs soulignent les conséquences négatives sur les ressources naturelles.