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Amélioration du climat des affaires au Togo : La gouvernance politique, la clochardisation de la justice, des obstacles à franchir

Togo - Opinions
Nima Zara
Une fois encore, le gouvernement de Faure Gnassingbé a pris des mesures de divers ordres dans le but d’attirer les investisseurs étrangers et de faciliter le travail des opérateurs économiques domestiques. Révision de textes de loi, réduction de frais et allègement de procédure sont entre autres mesures annoncées au conseil des ministres du mercredi 29 février. Cela va-t-il suffire pour que survienne le miracle ?


Améliorer le climat des affaires.
Selon le communiqué du conseil des ministres, ce sont des mesures qui ont été annoncées dans sa communication par le ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur Privé dans le cadre des réformes mises en œuvre ou programmées dans un futur proche en vue de l’amélioration du climat des affaires au Togo. Le climat des affaires suppose toutes les conditions légales, financières ou foncières qui sont censées créer dans le pays un contexte favorable à l’action ou au travail des hommes d’affaires nationaux et internationaux. Les conditions légales d’installation d’une entreprise, les frais inhérents à la déclaration et à la constitution d’une société ou d’une entreprise, les facilités qu’on peut offrir aux opérateurs dans le sens de les encourager à investir au Togo sont les composantes de ce qu’on appelle le climat des affaires.

Au conseil des ministres du mercredi 29 février, le ministre Ahoomey-Zunu a ainsi abordé des mesures liées au centre de formalités des entreprises (CFE), l’idée d’un guichet unique sans oublier la protection des investisseurs et des investissements.
Au menu, la communication annonce la révision du texte créant le CFE avec l’objectif avoué d’en améliorer le fonctionnement. On annonce également dans le même sens la réduction des formalités et des procédures de même que des frais de création d’entreprise. En termes francs, le défi est de faciliter les démarches exigées dans la perspective de la création d’une entreprise au Togo ; d’une part, et de fixer des tarifs abordables pour le commun des candidats à l’entrepreneuriat de l’autre. On peut préciser que ces réformes annoncées doivent aboutir à la situation où, si naguère il fallait une tonne de documents et deux semaines de traitement du dossier pour obtenir le sésame d’installation, dorénavant tout devra être fait de sorte qu’avec dix kilos de documents et trois jours de traitement, tout demandeur obtienne le quitus précieux pour démarrer ses activités.

En outre, les mesures prises pour l’amélioration du climat des affaires prennent en compte le facteur financier. Pour le gouvernement togolais, des efforts devront être bientôt faits de façon que la caution financière versée au dossier d’installation d’entreprise soit revue à la baisse. On peut conjecturer que si aujourd’hui il faut 102 000 F Cfa pour payer les frais d’installation, on va penser à réduire sensiblement ces frais pour les fixer par exemple à 50 00 F CFA, pourquoi pas moins, puisque l’objectif est d’encourager l’investissement. Par-dessus tout, il est annoncé la mise en place d’un guichet unique du commerce extérieur sans oublier l’opérationnalisation de la cour d’arbitrage du Togo et l’adoption d’un nouveau code des investissements.
Objectif général poursuivi : œuvrer de telle manière que le secteur privé qui reste un secteur important pour le progrès économique et social d’un pays puisse fleurir et devenir fertile.

Un contexte socio-politique défavorable
Il n’est pas superflu de rappeler que l’année dernière déjà, le gouvernement togolais avait mis en place ce qu’on a appelé le Conseil Présidentiel pour l’Investissement au Togo. A la différence du Bénin où ce conseil est présidé par Nasser Yayi, fils du président Boni Yayi, le conseil présidentiel du Togo est chapeauté par Mme Lauwergeen, femme d’affaires française, c’est une précision non inutiles, l’initiative est attendue pour doper les investissements dans le pays en créant des conditions favorables à l’installation et à l’exercice des investisseurs étrangers dans notre pays. En rappelant l’initiative du conseil présidentiel, l’intention est de souligner que cette initiative, autant que les mesures annoncées en vue de l’amélioration du cadre des affaires au Togo semblent viser à la fin le même objectif : susciter et faire profiter à l’économie nationale les investissements internes et externes.

Cependant, exactement comme on l’a signalé pour le Conseil Présidentiel pour l’Investissement, il est un ensemble de facteurs qui ne sont pas de nature à faciliter l’atteinte desdits objectifs. Le contexte socio-politique et le fonctionnement de la justice apparaissent comme des grains de sable évidents dans la machine de relance des investissements.

Effectivement, depuis plus de vingt ans, la situation politique de notre pays est à l’ordre de l’instabilité. Malgré les multiples tentatives de redressement et de pacification, le bout du tunnel n’est toujours pas arrivé. De Gnassingbé Eyadèma à Faure Gnassungbé, la substance du mal demeure intacte et l’on s’est activé à proposer des ersatz comme solution. Des accords à la pelle n’ayant pas soldé le contentieux qui est celui du pouvoir d’Etat que certains ont confisqué, sans raison. Du fait de ce contentieux jamais soldé, la situation socio-politique est toujours le lieu de grandes craintes, les adversités et les désaccords peuvent dégénérer à tout moment, le drame socio-politique de 2005 suite à la mort de Gnassingbé Eyadèma rappelle aux uns et aux autres que la stabilité politique, facteur fondamental et basique au fleurissement des affaires et des investissements demeure une variable insaisissable.

Dans la foulée, il n’est pas impertinent de dire que cela est dû à certains égards à la gouvernance politique défaillante dans le pays. La volonté farouche de garder le pouvoir envers et contre tout est si prononcée dans les rangs du RPT qu’on sent la nécessité de noyauter le pays, de contrôler tous les leviers de pouvoir : finances, affaires, politique et Armée. On semble avoir grand besoin de contrôler les institutions républicaines tant et si bien que celles-ci sont devenues des caisses de résonance si elles ne sont pas des boîtes à expérimentation et à exécution des combines et des coups bas. La Cour Constitutionnelle, l’Assemblée Nationale, la Cour des Comptes, les sociétés d’Etat, etc., sont des chasses gardées au service de l’instinct de conservation du pouvoir. Malheureusement, en choisissant d’agir ainsi, le RPT a créé dans le pays un climat permanent très défavorable au climat des affaires.

De plus, le fonctionnement de la justice togolaise est tel que tout investisseur qui assiste de visu à des scènes dont les Togolais sont familiers au quotidien peut valablement se demander si son investissement est en sécurité dans notre pays. On cite par exemple les décisions scandaleuses que prend régulièrement cette justice au mépris du bon sens et des lois des différents codes. Il est fréquent, pour en donner que la source des colonnes des journaux indépendants, d’apprendre que tel juge, tel procureur ou encore tel président de cour a rendu une décision absolument inimaginable au regard de la loi ; il arrive très souvent aussi que des décisions et contre-décisions soient prises dans une même affaire et que le mobile de cette situation regrettable soit la corruption et la corruptibilité des juges. Des journaux indépendants signalent même depuis peu l’existence d’un réseau dirigé sous le boisseau par des juges : ce réseau identifierait des domaines fonciers et organiserait l’expulsion des habitants à défaut pour ceux-ci de payer de fortes sommes d’argent qui sont ensuite distribuées entre les membres du réseau. Pour tout dire, on a encore des raisons de croire que la justice togolaise n’est pas indépendante malgré les milliards décaissés pour le projet de modernisation. Les comportements des juges de la Cour Suprême au cours du procès Kpatcha Gnassingbé ont renforcé cette croyance et cette certitude, même.

Aller au-delà des réformes annoncées
Tout en félicitant le gouvernement d’avoir pensé à créer les conditions susceptibles de faciliter l’installation des hommes d’affaires nationaux en allégeant la procédure et révisant à la baisse les frais afférents, il est très utile d’attirer son attention sur le fait que ces seules mesures ne suffiront sûrement pas à réaliser le miracle.

Pour que des citoyens trouvent par exemple de l’argent pour financer la création d’une entreprise, quelle qu’elle soit, il faut un minimum de conditions favorables. Entre autres, on peut citer le climat politique et économique interne qui favorise le développement des petites activités génératrices de revenus. Si faute d’une confiance entre les politiques, les citoyens montrent de la réticence à s’engager sur le terrain de l’entrepreneuriat, il est évident que l’amélioration du climat des affaires pourrait être vaine, inutile. On aura dépensé du temps, des énergies pour rien de même qu’on aura rêvé sans raison valable. Dans le même sens, si rien ne se fait pour trouver une solution véritable et pérenne au problème politique lié au pouvoir d’Etat, le péril de l’instabilité et de la catastrophe, cyclique peut-être, travaille en défaveur de l’opérationnalité et de l’efficacité des mesures annoncées.

Au total, en plus des différentes mesures annoncées pour doper les investissements endogènes, le défi à relever est de revoir la gouvernance politique afin de trouver définitivement une solution au problème politique et de laisser les coudées franches à la justice pour qu’elle puisse constituer une barrière orthodoxe aux abus et aux injustices de tout genre, notamment les injustices qui peuvent s’abattre sur les hommes d’affaires.


Nima Zara