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Une paix neutre pour le Togo

iciLome |6/24/2006 
La paix est devenue ces derniers temps le cheval de bataille de toutes les composantes de la nation togolaise. Partis politiques, groupes de la société civile et simples citoyens l’implorent et la recherchent de tous leurs vœux. Que faut-il pour que cette paix s’instaure de manière définitive au Togo ?
On assiste à une recrudescence du débat public sur la tenue d’un dialogue pour une « paix véritable et durable » au Togo. Mais curieusement, cette paix durable tarde à se concrétiser. Qu’est-ce qui empêche cet élan ?
A la question de savoir qui veut la paix au Togo, les réponses varient d’un milieu à un autre, mieux, d’un Togolais à un autre. Pour l’opposition politique, le sens de sa lutte, c’est la paix et rien que la paix. Selon elle, le Togo n’est pas en paix parce que les rapports entre les citoyens sont faits de troubles et de violence. Par contre, pour le parti au pouvoir, les Togolais sont en paix depuis le 13 janvier 1967 lorsque le feu Gnassigbé Eyadema (paix à son âme) a pris le pouvoir. «Ce qui reste à faire, c’est de juguler quelques poches d’anarchie qui existent çà et là dans le pays ». Quant à l’opposition et la société civile, qui n’ont pas forcément les mêmes outils de combat, la paix n’est pas encore rétablie dans le pays. L’ampleur des troubles et des antagonismes intercommunautaires montre que les Togolais vivent sur des braises. Il faudra, dans les meilleurs délais, chercher les voies et moyens pour réaliser la concorde et l’unité nationale.
Au regard de ce qui précède, l’on remarque que les Togolais ne s’accordent pas sur la notion de « paix ». Ce qui, à certains égards, explique toute la difficulté à faire régner la concorde entre eux. A ce sujet, un ancien consul d’un pays voisin qui n’est plus aux affaires, déclare que les Togolais manquent de fair-play en matière de négociation et de discussion. «Ils ont un langage trop rancunier qui ne permet pas de concilier les tendances rivales. Dans les familles, au marché, à l’école, dans les rues, ce sont des injures qu’on entend. Pardonner est devenu ces derniers temps synonyme de peur et de faiblesse», conclut-t-il. Les échecs répétés suite aux nombreux accords dits de paix et de réconciliation (la liste est trop longue pour les citer tous) ne trouvent-t-ils pas leur explication dans la politisation des rapports quotidiens entre les Togolais ?
Les questions relatives au consensus souvent évoquées pour trouver une solution à telle ou telle difficulté politique nationale ne sont pas conçues sur des bases sérieuses, acceptables et durables. Pourtant, sous d’autres cieux, la paix est une question nationale, parce qu’elle est la condition essentielle du développement économique et social d’un pays. L’on pourrait citer ici l’exemple du Sénégal où les affrontements en Casamance sont la préoccupation de toute la classe politique (pouvoir et opposition).
Il est établi que les Togolais, riches ou pauvres ont vraiment besoin de la paix. Ce qui reste à faire, c’est de voir comment amener les uns et les autres à s’entendre sur la notion de paix. C’est là toute la difficulté parce que la paix et la réconciliation nationale sont hautement politisées durant les dernières décennies. Ce qui fait que toute initiative tendant à construire une paix durable est vue par des Togolais sous des angles différents : conquête du pouvoir politique pour les uns et remise en cause de la légitimité du chef de l’État pour les autres.
Un autre fait qui démontre que la préoccupation de recherche de la paix ne fait pas encore l’unanimité entre les Togolais : des partis d’opposition qui se sont sclérosés, pour des raisons diverses, au fil du temps ont refait surface dans la salle pour déverser leur haine contre le RPT et non pour diagnostiquer sérieusement les racines du mal dont souffrent les Togolais.
Au-delà de toutes ces attitudes ambiguës, tout le monde semble quand même rechercher la paix. Mais la question est de savoir comment l’obtenir, sachant qu’une paix imposée n’est jamais durable.
Cette paix difficile à réaliser est le résultat des différentes crises politique, économique et sociale que le pays continue de traverser depuis de longues années. Ces crises proviennent elles-mêmes de l’absence d’idéologie, de chantiers communautaires, de vision commune pour le développement et même du simple amour pour le pays. S’ouvrent alors le régionalisme, l’attachement à la tribu et la défense identitaire, parce que la prépondérance de la politique sur les autres secteurs d’activités est une donnée réelle au Togo.
En définitive, les différents conflits et leurs corollaires de souffrances multiformes encaissées ont modifié en profondeur les rapports sociaux où les notions de hiérarchie, de respect mutuel et l’épanouissement de l’individu sont battues en brèche. L’enjeu actuel, pour beaucoup de Togolais, n’est plus de « vivre en bon citoyen », mais de se dire de quoi l’on est capable pour soi-même, pour sa famille, sinon pour sa tribu. La nation, la République et le bien commun ? Connais pas. Un tel contexte ne peut que difficilement générer «une paix durable». Il faut donc inventer une « paix neutre » pour les Togolais. Dans le cas contraire, revoyons en profondeur nos différentes manières de vivre.

Par Byalou ALFA-TOGA
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