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‘L’autre face cachée de la crise politique togolaise : le tribalisme’

 iciLome |3/27/2006 

WARNINGS : J’aborde ici un sujet délicat, sensible, mais combien important en tant que facteur pouvant expliquer la complexité du problème politique togolais. On pourrait ‘fermer’ les yeux sur ce facteur en donnant beaucoup d’exemples liés aux relations interpersonnelles ou à des collaborations entre hommes politiques ou encore en voyant la composition des partis politiques. Mais en réalité, certains le savent, le tribalisme est présent dans les esprits lorsqu’il s’agit de pouvoir, d’alternance, d’élection présidentielle et parfois de mariage…

Merci de ne pas voir dans tout ce qui suit, une provocation. Ce que vous lirez n’est pas un genre de combat larvé que mène en particulier un journal privé togolais dont je préfère taire le nom. Ceci est plutôt une contribution pour l’instauration d’une véritable démocratie au Togo. Je pourrais me tromper sur les faits ou mal les interpréter. Je fais une tentative pour comprendre la complexité de la crise politique togolaise.

QUELQUES FAITS

Mes souvenirs au Lycée technique

Nous sommes en 1990, au lycée technique « Eyadéma » devenu aujourd’hui lycée technique de Lomé. C’était un matin où les élèves du feu proviseur Bataba devraient faire leur rentrée habituelle des classes. Ce jour devait être un mercredi. Les élèves devraient se retrouver au rassemblement devant le provisorat. Deux jours auparavant, alors que je m’apprêtais à me rendre au cours, des copains accoururent pour me relater les évènements violents qui ont opposés les élèves aux militaires du camp Adidogomé. Les militaires avaient pourchassé les élèves qui cassèrent au passage à coup de pierres l’enseigne lumineux portant le nom de l’établissement. Tous étaient surpris d’un tel phénomène inhabituel et ne comprenaient pas ce qui avait pu déclencher cette insurrection. Ce mercredi matin donc, l’atmosphère était lourde. On savait que quelque chose allait se passer de nouveau. J’étais curieux de voir cette chose se passer sous mes yeux.

Peu avant le rassemblement, des coups de sifflets en provenance de la ‘chine populaire’ (nom donné à l’ensemble formé par les étages regroupant les salles de classes des séries G1 et G2) se firent entendre. Soudain, de jeunes élèves en groupes, se dirigèrent vers le provisorat lieu du rassemblement avec un slogan (entre autres) qui me marqua : « EGALITE NORD-SUD, EGALITE NORD-SUD….. ». Quelques temps après, les élèves se retrouvèrent au rassemblement mais de façon désordonnée. Il y a avait une foule d’élèves sur l’esplanade. Je ne voyais pas le proviseur. Je ne savais pas exactement ce que le groupe d’élèves avec ce slogan recherchait ou revendiquait. Quelques instants plus tard, un autre fait qui me glaça le sang est de voir un autre groupe de jeunes élèves, non pas en tenue kaki comme les autres, mais en caleçon de sport sortant probablement de la villa du provisoire avec l’intention affichée d’affronter les autres élèves. Ce fut la débandade et les jets de pierres. Les militaires du camp Adidogomé ne tardèrent pas à se mêler à cet affrontement entre élèves. Et ces élèves en caleçon, s’associèrent aux militaires pour pourchasser et battre les autres élèves !

Rumeur d’une attaque ‘Kabyè’ à Bè

C’était avant les accords du 12 juin qui ont conduit à l’organisation de la Conférence Nationale. Cet après-midi, je revenais de chez ma grande mère à Bè. Un bruit avait circulé, annonçant une descente des Kabyè à Bè pour une soi-disant guerre. Je ne sais d’où venait ce bruit. Alors que je marchais à pied du marché de Bè en direction de l’ancien commissariat 3ème arrondissement, presque tous les habitants des maisons sortirent devant leurs maisons avec à la main : coupe-coupe, hache, tôle, couteaux etc. Visiblement, ils étaient prêts pour un combat qui n’aura jamais lieu.

Environnement dans lequel débuta le processus démocratique

Ces deux évènements illustrent l’atmosphère dans lequel le pays vivait avant les accords du 12 Juin qui ont conduit à la Conférence Nationale. Les exemples de ce genre sont légions j’en suis certain. Si les mouvements des jeunes en 1990 visaient la démocratie, on ne peut affirmer que cela a été perçu comme telle d’une part par tous ceux qui participaient à ces mouvements et d’autre part par ceux qui se sentaient visés par ces mouvements. Dans certaines têtes, on croyait que ces mouvements étaient une sorte de revendications des gens d’une certaine région ou ethnies du pays. Cependant, des débats avaient eu lieu sur les médias peu avant la Conférence pour expliquer la démocratie. J’ai particulièrement apprécié ce débat sur la TVT entre Me Djovi Gally et le professeur Salamy de la faculté de droit. Et pourtant, il semble que la première perception de la démocratie qu’avaient les gens soit restée. Cette perception a crée dans les cœurs du tribalisme pur et dur.

La Conférence Nationale n’a pas su réaliser les implications de cette mauvaise perception de la démocratie et qui se voyait d’ailleurs sournoisement chez certains participants à cette assise. Combien de Togolais comprenaient réellement la démocratie lors de ces débats télévisés ? Ils sont nombreux à être analphabètes et surtout ‘démi-léttrés’ (désolé pour le terme) à percevoir dans la démocratie une sorte de vengeance pour tant d’années d’injustice, de brimade à caractère ethnique ! Plus grave, cette conception telle une tare était partagée par ceux qu’on désigne souvent comme « intellectuels » et cela a engendré une lutte voilée, sous couvert de partis politiques, pour la conservation du pouvoir à n’importe quel niveau de la société. Les gens étaient plus préoccupés par la question : « Il est d’où » que par la question : « Fait-il bien son travail ? ».

Étant donné cette perception de la démocratie dans les différents camps, on n’était ahuri de voir les gens de la région septentrionale adhérer à de tels ‘mouvements de revendication’. C’était un sacrilège ! On était prêt à vous traiter comme un paria. Vous devenez un traître. Partager les vues ou rejoindre « ces opposants » était vu comme une haute trahison et on était prêt à vous abattre ! Ailleurs, dans d’autres camps, on disait ouvertement que l’heure a sonné de faire sauter le mont Alédjo pour boucher la voie et empêcher ‘ces gens’ qui se sont accaparés le gâteau national !

Sans aucun doute La démocratie a été mal perçue au départ dans certaines couches sociales.

Nuance

Il est important de souligner que le Togolais n’est pas, à priori, tribaliste. Quels que soient les défauts individuels que certains relient aisément à l’ethnie, il est agréable de constater l’accueil dont vous jouissez auprès des populations dans toutes les régions du pays. Mes propres relations interpersonnelles et bien d’autres témoignent de cette absence de considérations ethniques dans le cœur du Togolais en général. Mais, lorsque l’on parle de pouvoir, d’alternance ou d’élection présidentielle, les esprits changent. La méfiance s’instaure dans les têtes. Le tribalisme notoire des uns et des autres est donc dû à une mauvaise conception de la démocratie.

Qui parle d’alternance parle de démocratie. Peut-on lier le problème d’alternance au pouvoir à la mauvaise perception de la démocratie ? Je réponds sans hésiter oui. Cependant, notons que le problème d’alternance peut-être également lié au fait que le RPT ait peur de ne plus reconquérir le pouvoir une fois perdu par les urnes. Ce problème peut aussi s’expliquer par la perception que certains ont de la démocratie. La complexité du problème politique togolais semble donc avoir pour fondement, en partie, le tribalisme engendré par la mauvaise compréhension de la démocratie.

J’étais effaré lors d’un voyage à Cotonou le 3 mars 2001 par un spectacle extraordinaire. C’était la veille des élections qui allait opposer au second tour Soglo à Kérékou. Des jeunes, des femmes de différents camps manifestaient face à face près du stade de l’amitié à l’entrée de Cotonou pour leur candidat respectif sans en venir aux mains, aux coupe-coupe ! Qu’est-ce qui rend impossible un tel spectacle au Togo ? Certainement la haine engendrée par cette mauvaise conception de la démocratie qui fait voir les fils d’un même pays en adversaires, en ennemis à abattre. La violence qui caractérise les élections au Togo et l’obstination à refuser l‘alternance peuvent s’expliquer, en partie, par la méfiance et donc par le tribalisme qui prévaut dans certaines têtes. Il y a crise politique au Togo du moment où la démocratie telle que le souhaite la majorité des Togolais peine à être une réalité. La complexité de cette crise pourrait s’expliquer par cette compréhension erronée de la démocratie.

Les implications de la mauvaise perception de la démocratie

A priori, rien ne permet de dire qu’après tant d’années la démocratie soit toujours mal perçue au Togo. La mauvaise perception de la démocratie au départ a développé la méfiance et des camps entre les uns et les autres. Les implications de cette mauvaise perception sont énormes quand on se réfère à des propos qui dévoilent le fond des cœurs. Je reproduis, ci-après, en guise d’exemple un article publié sur le site de Togoforum. Lisez ou relisez :
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« Suite à l’article intitulé Modernisation de la Justice togolaise : Faure Gnassingbé sacrifie les principaux maux sur l’autel d’un beau discours, paru dans notre édition du lundi dernier (Forum de la Semaine N° 87 du 22 Août 2005/page 4) notre Directeur de publication a été convoqué expressément le lundi vers 11 heures à se présenter au bureau du Procureur de la République, M. Robert Baoubadi Bakaï le même jour à 16 heures. A la question de savoir pour quel motif, M. Bakaï a répondu : Pour votre fameux article sur le soi-disant tribalisation de l’appareil judiciaire

Arrivé au rendez-vous, le Procureur de la République a estimé qu’il a reçu plusieurs coups de fil de gens très furieux contre l’article en question qu’il trouve d’ailleurs injuste, xénophobe et tribaliste… avant d’ajouter : Vous avez parlé de moi, je l’accepte car je vous trouve trop bas pour vous répondre. Poursuivant ses invectives, M. Bakaï a déclaré que les Kabyè sont incontournables en première instance car ils sont là par mérite. Prenez Abalo Pétchélébia, il est noté, prenez d’autres Magistrats, ils sont notés et allez fouiller les dossiers de vos frères que vous pensez qu’ils peuvent nous remplacer pour voir ce qui les bloquent a-t-il lancé à l’endroit de notre Directeur de Publication accompagné du Secrétaire de la Rédaction avant de poursuivre, dans sa suffisance, Et que dites-vous à propos de la Cour Suprême qui est monopolisée par une ethnie voire une famille ? Et le barreau monopolisé par les gens de l’Est pendant des années ? Lors de l’élection au bâtonnât, un Kabyè a osé se présenter, on lui a dit : retire ta candidature car, ici c’est notre chasse gardée.

Sur ce, notre Directeur de Publication a répondu qu’il n’est nullement animé de haine contre qui que ce soit mais que, c’est une simple opinion émise et si d’aventure la Cour Suprême est monopolisée par toute une famille ce n’est non plus normal dans une République. Seulement c’est contrastant de voir que les gens sont là par mérite et qu’en même temps toute une famille ose monopoliser la Cour Suprême.
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Le passage ci-dessus dit beaucoup de choses sur certaines mentalités qui prévalent au Togo. Le premier jour où je l’ai lu, je me suis dit que le Togo est malade ! Je ne chercherai pas à interpréter le passage comme le ferai un psy. Mais je crois que cette façon de croire que le combat démocratique est aussi une lutte entre camps, ou « d’équilibrage » est restée marquée dans les mentalités.

La responsabilité engagée des Politiques

Il y a des faits qui portent à croire qu’effectivement certains Togolais au moment de la démocratie cherchaient également une sorte de justice régionale. Pour ces Togolais, la démocratie devrait signifier la fin du règne des « Anagras » ou encore des « Gens d’en haut ou de la montagne » et une chasse de tous ces « incompétents » qui peuplent les différents secteurs de l’administration togolaise. Ces propos apparemment anodins engendrent des considérations tribalistes dans les têtes des uns et des autres. Pendant longtemps, j’ai ressassé la question de savoir pourquoi ces jeunes élèves du lycée technique criaient « égalité nord/sud ». Pourquoi ce groupe d’élève en caleçon sport était prêt à affronter les autres élèves ? Pourquoi certains Togolais réclamaient t-ils une sorte de justice régionale en 1990 ? Pourquoi voyaient t-ils en la démocratie une solution pour « stopper » une inégalité régionale ? Y avait-il discriminations à caractère régional ?

Une autre question qui vient à l’esprit en abordant ce sujet est de savoir si le Président Eyadéma était tribal dans sa gestion dans affaires du pays? Bien que la réponse à cette question puisse paraître évidente pour certains, à cause des mentalités actuelles, je la trouve hautement sensible ! Pourtant, il faut à un moment donné dire ce qu’on n’en pense, se forger sa propre conviction de l’homme. La réponse à cette question pourrait être fausse mais se prononcer là-dessus ne peut faire d’un individu un ennemi ou appartenant à un camp donné. C’est cela aussi la liberté d’expression !

Feu Général Eyadéma avait, sans aucun doute, un souci d’équilibrage régional dans la gestion du pays. Ceci est facilement observable. Bien qu’étant préoccupé par le souci d’égalité régionale, on peut penser qu’il était, subtilement et foncièrement tribaliste. La raison étant ses critères purement subjectifs dans les nominations de ‘l’élite nord’ (j’emprunte l’expression) à des hauts postes de responsabilité tant dans l’armée que dans les fonctions civiles. Certains pensent que ces critères subjectifs sont fondés sur du tribalisme. A ceux qui disent que cette élite à le mérite de sa place, on répond maladroitement : « Sont-ils les seuls si méritants dans un pays de quelques millions d’habitants ? ». Certains Togolais disent que ce tribalisme camouflé du Président Eyadéma s’expliquer par sa volonté de faire, à un moment donné de l’histoire, la promotion de l’élite du nord du pays malheureusement au détriment des autres ethnies. Certains ont donc vu de l‘injustice dans ses desseins inavoués. Et je crois beaucoup de Togolais ont été témoins ou se sont senti victimes de ces injustices à caractère régionale. Tant que les critères utilisés dans la gestion du patrimoine national ne sont pas objectifs et clairement définis, on n’est en droit de penser au tribalisme.

Je ne rentrerai pas dans le faux débat de savoir qui des présidents Eyadéma ou Sylvanus Olympio était plus tribaliste. J’avoue que je connais plus du Président Eyadéma (je suis né sous son règne) que de Sylvanus Olympio. Néanmoins, on le sait aujourd’hui, Sylvanus Olympio n’était pas un ange comme voudraient le ‘canoniser’ certains. Le règne éphémère de Sylvanus Olympio a connu des dérives dictatoriales notoires et ses propos peuvent parfois s’assimiler à du tribalisme. Pareillement, Le Général Eyadéma a commis des fautes en tant qu’homme politique à la tête du Togo. A cause de sa longévité au pouvoir, il a probablement fait pire que Sylvanus Olympio. Tout le monde sait qu’à l’étranger ce n’est pas tellement le courant entre Togolais à cause parfois de ces clivages ethniques au pays. Assurément, on peut affirmer que Eyadéma à une part de responsabilité dans la division observée auprès de certains Togolais au pays et parfois dans la diaspora. Ne pas admettre ces vérités flagrantes serait faire preuve de mauvaise foi et d’une compréhension puérile, émotionnelle vis-à-vis de l’histoire et de la réalité politique togolaise.

Une perspicacité pour en parler

Je pense qu’il n’y a aucun mal de parler ou de dénoncer des pratiques qui engendrent des divisions dans la société togolaise. Néanmoins, j’ai noté qu’en parler franchement tend non pas à résoudre le problème mais à renforcer davantage ce clivage. En fait, lorsque les gens en parlent, on le perçoit comme une menace et non comme une éducation. On devrait dénoncer, en parler dans un esprit d’éducation. C’est dans cette perspective que je trouve lamentables certains écrits du compatriote K. Toulabor. Au-delà du coté excessivement personnel qui caractérisent ses ‘billets’, je trouve qu’il dénonce des faits avérés mais malheureusement non pas dans l’intention d’éduquer ceux qui se retrouvent derrière cette perception erronée de la démocratie.

Le défi de la nouvelle génération de Togolais qui percevraient la démocratie comme il se devrait serait de résoudre cet énorme problème de communication au niveau des couches analphabètes de toutes les régions du pays. J’ai souri en lisant le chroniqueur de togocity au sujet de la réforme de l’armée togolaise. Celui-ci disait que le travail de sensibilisation de cette partie de l’armée qui verrait toute réforme comme une menace serait mieux fait par l’élite nord dont ‘les frères’ sont en majorité dans ce corps. Je suis toujours mal à l’aise qu’on soit obligé de voir en ‘frère’ des individus d’une même région. Le concept de ‘mèdè frère’ doit être vu autrement. Tout Togolais est mon frère. Le travail d’explication, de sensibilisation incombe à tous les togolais. Je serai heureux de voir un Togolais d’une autre région aller expliquer ce qu’est la bonne conception de la démocratie dans une autre région. Tout Togolais est bien placé pour faire ce travail !

Absence d’une Nation togolaise

Beaucoup s’accordent à reconnaître aujourd’hui qu’il n’y véritablement pas une nation togolaise. Selon la conception ‘moderne’, une Nation serait un groupe d’individus liés volontairement par une « solidarité de sacrifices » pour la réalisation de buts communs. Cette définition de la nation fait clairement entrevoir que l’on peut avoir un appareil d’Etat sans Nation. L’Etat togolais existe bien mais sans encore une nation. Ni l’indépendance ni encore moins la démocratie n’a jusqu’à présent permis de bâtir une véritable Nation.


Alternance démocratique ou alternance ethnique ?

La mauvaise perception de la démocratie qui prévaut dans les mentalités jusqu’à aujourd’hui permet de se poser cette question : Rechercherait-on de l’alternance démocratique ou ethnique au Togo ? Je crois que bien que cela ne se dit pas ouvertement, sauf dans certains milieux fermés, beaucoup de politiques pensent plus à une alternance ethnique que démocratique ! Et ce penchant est parfois partagé dans certaines couches ‘analphabètes’ de la population togolaise. Cette vue est purement anti-démocratique et montrent comment certains politiques ou soi-disant intellectuels pensent une chose et disent son contraire.

J’ai été ahuri et même fâché d’entendre sur www.togocity.com ‘le plus grand démocrate’ togolais déclaré lors de son passage sur TV7 qu’on doit avoir au moins l’alternance régionale ou ethnique. Parlant des élections béninoises, celui qui croit porter plus de lauriers dans la lutte démocratique des peuples africains et qui défia en février dernier à Paris, les Noirs, les Blancs et les Jaunes présents dans la salle, celui-là même voit l’alternance au pouvoir en terme de régionalisme ou ethnique. Atsutsè Agbobli qui déclare que peu de Togolais ont sa dimension politique, qui se voit comme l’un des plus ‘grands intellectuels’ du Togo, pense donc l’alternance au pouvoir de façon régionale ou ethnique.

Est-ce moi qui comprends mal la démocratie ? N’est-ce pas le pouvoir du peuple par le peuple ? Doit-on éduquer le peuple à vouloir une alternance ethnique ou démocratique ? En démocratie n’appartient-il pas au peuple seul de choisir ses dirigeants sur la base de sa foi dans le programme de société des candidats ? Doit-on inciter le peuple à penser : « ça suffit pour vous. Laissez cette autre ethnie gouverner » ?

Il est franchement triste que ce que monsieur Agbobli a dit, il le pense vraiment. Je dirai, à mon avis, que bien que ce monsieur soit capable de citer théoriquement les éléments indispensables pour une démocratie, il perçoit malheureusement aussi mal la démocratie. Cette façon de penser est décidément une tare chez certaine soi-disant élite africaine. Le peuple béninois vient de choisir son président sur la base de sa confiance dans le programme du candidat et non sur la base de son appartenance ethnique ou régionale !! Si le peuple béninois devrait se baser sur une quelconque alternance ethnique ou régionale, est-ce Boni qui serait élu ? Eduquer le peuple à faire un choix de ses dirigeants sur des bases démocratiques doit-être la vision de l’élite !

La méritocratie que devrait rechercher la lutte démocratique

Que ce soit au niveau de l’armée, de l’administration publique ou à n’importe quel niveau de la société, la lutte démocratique devrait chercher à mettre en place des critères objectifs pour offrir une chance égale à tout Togolais. On ne peut bâtir durablement une Nation sur du favoritisme ou sur des considérations ethniques. La méritocratie dans la société togolaise doit être ce que les démocrates recherchent. S’il est vrai que des personnes ont accédé à des postes de décision sur une base tribale, la lutte démocratique devrait se préoccuper plus de leur compétence à ces postes et moins de leur origine ethnique tout en veillant qu’à l’avenir l’allocation des postes de responsabilité soit faite sur une base objective et transparente à tous les citoyens. La démocratie créant un environnement concurrentiel, on ne serait accepter à terme que des gens dont l’incompétence serait notoire puissent occuper des postes alors que le pays regorgerait de personnes plus compétentes. Ce n’est donc pas dans un esprit de démocrate que des personnes évoquent souvent le fait que l’administration publique ou l’armée soit tribale ! Cela ne contribue pas à l’instauration d’une véritable démocratie dans le contexte togolais.

Bâtir une Nation togolaise

Il n’y a, à mon avis aucun signe de faiblesse, ni honte à reconnaître les erreurs du passé. Pour ceux qui souffrent d’un complexe de supériorité, il est important de rappeler que tout homme, tout système est faillible et le reconnaître en vue de se corriger n’a jamais été une faiblesse.

A mon avis, ni Sylvanus Olympio que certains adulent, ni Eyadéma que d’autres idolâtrent et sont prêts à défendre au prix de leur vie, n’ont pas su bâtir une Nation telle que définie plus haut. Ce travail revient donc à une nouvelle génération de Togolais qui comprennent les erreurs du passé et posent des actes politiques courageux en vue de l’édification d’un Togo réellement démocratique.

Merci à Dieu de ce que je rencontre et lis parfois cette « race » de Togolais qui comprennent ce que devrait être la démocratie dans un pays tel que le Togo. J’en rencontre qui partagent cette conception de la démocratie au Togo. Il y a donc de l’espoir.

Pour ma part, qu’importe la personne qui arrivera au pouvoir par la voie honorable. Ce qui compte c’est d’obtenir sa légitimité auprès du peuple et non d’ailleurs. Mon désintéressement de l’ethnie de cette personne se justifie par la foi que j’ai dans les institutions républicaines de mon pays. Nous avons des institutions et des lois au Togo (pourvu qu’elles fonctionnent bien !). Et la foi dans ces dernières devrait éloigner la peur fallacieuse de l’alternance au pouvoir.

Dieu bénisse le Togo.

Lundi, 27 Mars 2006.

Paul Wanata A. Agbisso
Economiste
Namur, Belgique
[email protected]