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La CEDEAO a-t-elle bien accompagné le processus électoral?

  Par Analyse Par Ali Idrissou-Touré

COTONOU, 26 avr (IPS) - L'élection présidentielle a lieu dimanche (24 avril) au Togo comme prévu, malgré les insuffisances constatées dans l'organisation du processus électoral aussi bien par l'opposition que par plusieurs observateurs indépendants dans ce pays d'Afrique de l'ouest.
La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) forte de 15 pays membres, qui avait pourtant promis d'accompagner le processus électoral pour des élections libres, justes et transparentes, a laissé organiser le scrutin dans ces conditions, soutenant ainsi les positions du parti au pouvoir qui a rejeté toute idée de report du vote.

Pourtant, les trois candidats de l'opposition dénonçaient des ''fraudes massives'' depuis le début des opérations de distribution des cartes d'électeur et de révision des listes électorales. Ces opérations avaient débuté le 28 mars pour s'achever le 5 avril.

''Nous avons des preuves accablantes qui nous font dire que l'élection présidentielle ne se déroulera pas dans la transparence'', avait déclaré à IPS, Harry Olympio, un candidat de l'opposition modérée, dès le 29 mars. Il avait ajouté : ''Au regard de l'organisation matérielle de cette élection et de la mascarade qu'il y a autour de la distribution des cartes d'électeur, nous demandons purement et simplement que l'élection soit reportée''.

Dans un communiqué conjoint publié le 29 mars, à Lomé, la capitale togolaise, Nicolas Lawson, lui aussi candidat au départ de l'opposition modérée, et Olympio avaient proposé : ''Dans le souci d'organiser des élections propres et transparentes, de sécuriser le processus électoral et de préserver la paix civile, nous demandons le report des élections présidentielles, la mise en place d'un code de bonne conduite...''

Pour sa part, Emmanuel Akitani-Bob, le candidat la coalition des six partis de l'opposition radicale, avait exigé également que le gouvernement et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) réaménagent le calendrier électoral.

Selon la coalition des six partis, au regard des conditions d'organisation du scrutin, un ''véritable hold-up électoral est en perspective, tout indique que des fraudes massives sont en préparation''.

Des milliers de gens ont marché, le 6 avril à Lomé, à l'appel de l'opposition, exigeant le report de l'élection, et la reprise de la révision des listes électorales.

Le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), dont le candidat est Faure Gnassingbé, a répliqué, organisant, le même jour dans la capitale, un meeting pour s'opposer à un report du scrutin. Il avait pris le pouvoir, avec le soutien de l'armée, peu après l'annonce du décès de son père, le général Gnassingbé Eyadema, le 5 février, avant de se retirer sous les pressions de la communauté internationale.

La campagne électorale a été émaillée de violences, le week-end du 16 au 17 avril. Des heurts ont opposé des militants rivaux dans plusieurs quartiers de la capitale, et à l'intérieur du pays. Ils auraient fait six morts dans les rangs du parti au pouvoir, et plus de 150 blessés, puis un mort et une cinquantaine de blessés du côté de l'opposition.

Les deux parties se rejetaient la responsabilité des premières provocations et agressions.

François Boko, ministre de l'Intérieur, qui n'avait confirmé aucun mort, avait par contre révélé la présence d'armes à feu et d'armes blanches au cours des manifestations durant la campagne électorale, ce week-end là. Il a confirmé, dans un communiqué, que certains militants portaient des fusils de chasse, des gourdins cloutés, des couteaux et des bâtons au cours des manifestations.

Au cours de ce week-end du 17 avril, Yaovi Agboyibo, coordinateur de la coalition de l'opposition, avait déjà accusé la CEDEAO ''d'avoir échoué dans sa mission au Togo''. Et le candidat de cette coalition, Akitani-Bob, avait décliné l'invitation aux candidats à une réunion de la CEDEAO, le 20 avril à Niamey, au Niger, dont l'objectif était de calmer le jeu dans le processus électoral. Deux jours après, c'est encore le même ministre de l'Intérieur, principal organisateur du processus électoral, qui a appelé, vendredi (22 avril), à 48 heures du scrutin, à la suspension du processus électoral à cause des ''risques de dérapages sanglants''.

Au cours d'une conférence de presse dans la nuit de jeudi à vendredi, à Lomé, Boko avait qualifié le processus électoral du Togo de ''suicidaire'' et a demandé au président par intérim, Abbas Bonfoh, de le suspendre à cause des violences. Il disait craindre une guerre civile dans le pays.

''Il est impérieux que le président de la République, Abass Bonfoh, prenne l'enjeu des risques réels qui se profilent à l'horizon, en mettant fin à ce processus électoral suicidaire'', avait déclaré Boko qui a été le principal organisateur du scrutin.

Mais Boko a été limogé et remplacé après sa déclaration qui réclamait également la formation d'un gouvernement de d'union nationale de transition, dirigé par un Premier ministre issu de l'opposition, pour apaiser la tension dans le pays.

L'un des trois candidats de l'opposition, Lawson, s'est retiré de la course présidentielle, le 22 avril. Selon l'homme d'affaires, quand le principal organisateur de l'élection dit que le scrutin n'est pas bien organisé et qu'il y a des risques, il ne voit plus l'intérêt d'y participer.

L'ancien ministre de l'Intérieur limogé a ensuite confié par téléphone à des journalistes qu'il vivait dans la clandestinité à Lomé depuis vendredi. Il serait réfugié finalement dans l'ambassade d'Allemagne à Lomé, selon des sources diplomatiques.

Bonfoh, le président par intérim du Togo s'est dit surpris par la réaction de Boko qui ne l'a pas consulté avant de faire sa conférence de presse, a-t-il souligné.

''Le président de la République par intérim rassure la population et la communauté internationale que le scrutin se déroulera dimanche prochain comme prévu'', avait déclaré, vendredi, Pitang Tchalla, ministre de la Communication, à la presse devant le domicile du président Bonfoh.

De son côté, la CEDEAO a soutenu, dans un communiqué, le maintien du scrutin de dimanche et qualifié ''d'irresponsable'' la déclaration de l'ancien ministre de l'Intérieur, soulignant que ''l'élection présidentielle doit se tenir à la date prévue (le 24 avril)''.

Plusieurs opposants ont salué le courage de l'ancien ministre de l'Intérieur, et le candidat Harry Olympio s'est réjoui de son sens de responsabilité. ''C'est un démocrate et un homme responsable'', a-t-il dit, affirmant que ''le pays est au bord de l'explosion''.

''La CEDEAO n'a jamais compris la gravité de la situation togolaise. Nous demandons à d'autres institutions comme l'Union africaine, l'Union européenne et les Nations Unies d'intervenir pour résoudre la crise'', a indiqué Agboyibo, de la coalition de l'opposition.

Adoté Ghandi Akwé, président de la Ligue togolaise des droits de l'Homme (LTDH) et président du collectif des associations et syndicats de la société civile, a déploré l'attitude de la CEDEAO, la qualifiant de ''révoltante''.

Peu après la fermeture des bureaux de vote, des violences ont éclaté dans un quartier de l'opposition à Lomé, faisant trois morts par balles et 20 blessés, dimanche soir, selon des sources hospitalières, un seul mort, selon le ministre de l'Intérieur.

Le lendemain lundi, d'autres affrontements ont fait des blessés dans la capitale, mais cela n'a pas empêché le représentant de la CEDEAO au Togo, Maï Manga Boucar, de déclarer qu'il était satisfait du déroulement de l'élection.

En revanche, Akwé, de la LTDH, s'est dit ''déçu par la position scandaleuse'' de la CEDEAO qu'il a accusée de ''complicité'' dans la dégradation de la situation au Togo pendant le processus électoral. (FIN/2005)