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Léopold Messan GNININVI :" Ce qui se passe, ne fait pas honneur à la CEDEAO. Pour une fois qu'on a démontré qu'on veut régler nos propres problèmes, c'est un échec."

La Une
 La crise de confiance s'est installée entre la Coalition de l'opposition et la CEDEAO. Alors que l'organisation sous-régionale affirme n'avoir reçu aucun nouvel élément lui permettant de reporter la présidentielle du 24 avril au Togo, l'opposition exige son retrait immédiat du processus électoral.
Léopold Messan Gnininvi, Secrétaire Général de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) et directeur de campagne du candidat Emmanuel BOB-AKITANI, sort de sa réserve. Il affirme que malgré les fraudes, la machine de la coalition de l'opposition se mettra bientôt en route en vue de la victoire finale, si le peuple le décide.
Il aborde aussi avec nous, d'autres sujets : la candidature unique de l'opposition et sa récente rencontre avec Faure Gnassingbé.


Entretien

M. Gnininvi, la campagne électorale en vue des élections du 24 avril a commencé mais la Coalition n'a pas tenu un seul meeting hors de Lomé. Pourquoi ?

C'est parce que nous déplorons les conditions dans lesquelles les opérations de révision des listes et de distribution des cartes électorales ont été effectuées. Normalement nous nous attentions à ce que de commun accord, l'on puisse repousser la date de ces élections. C'est vraiment un point négatif du scrutin qui aura lieu le 24 avril.

Les problèmes liés à la révision des listes électorale perdurent. Pouvez-vous nous faire le point?

Nous partons avec une lourde hypothèque. Il y a eu de façon systématique, une mauvaise distribution des cartes d'électeurs. Des cartes sont dans la nature, on ne sait pas qui les détient. C'est un très mauvais départ. Mais nous prendrons la décision de relever le défi. Tel que nous voyons la population déterminée, on pourra s'en sortir.

Au lendemain de l'annonce de la date des élections, vous aviez déclaré qu'il y avait 24% d'électeurs fictifs sur les listes électorales. A combien peut-on les chiffrer aujourd'hui ?

L'organisation de cette distribution a été très décentralisée et c'est au niveau de chaque bureau que cela a pu se faire avec les petits potentats locaux. La recentralisation est en cours et on peut estimer à 10% le nombre d'électeurs supplémentaires. On peut donc estimer maintenant, à près de 30%, la proportion de cartes dans la nature. C'est pourquoi, il faut que la population soit vigilante et que l'encre indélébile soit utilisée. Par exemple, les électeurs qui sont inconnus dans une localité, doivent être interpellés pour apporter la preuve de leur nationalité et de leur résidence.
Certains ont été empêchés de s'inscrire parce qu'ils n'auraient pas de cartes d'identité. C'est un abus de pouvoir et il faudrait que les populations s'organisent pour que les petits potentats locaux ne puissent pas les influencer et les repousser. Avec la mobilisation du peuple, le jour du scrutin ne ressemblera pas la période de la révision des listes électorales. Nous en sommes convaincus.
Les statistiques officielles ne peuvent pas être prise pour argent comptant. Parce que les procès-verbaux qui doivent attester de la régularité des opérations de révision, n'ont pas encore été remis à la Commission Nationale Electorale Indépendante, CENI, qui est pourtant chargée de les superviser. On ne peut donc pas disposer pour l'heure de chiffres fiables.

Malgré ces handicaps, irez-vous oui ou non aux élections ? Si oui, à quand le début de votre campagne ?

Nous prendrons très rapidement la décision de commencer notre campagne. Parce que nous sommes obligés de tenir compte de l'état de l'opinion. Ce n'est pas seulement une fantaisie de responsables politiques, il s'agit de voir si malgré tous ces handicaps, la population y croit. Si elle est d'accord et prête à jouer le jeu, nous nous lancerons. Nous relèverons le défi même si la date du 24 avril était maintenue.

Le temps presse, quel sera votre baromètre pour juger l'état de l'opinion ?

Nous tiendrons des meetings dans tout le pays dans les prochains jours. Ce n'est pas une question de délai. Tel que nous pensons organiser la campagne, nous arriverons à nos fin. Car ce sera une campagne décentralisée avec des meetings dans tous les hameaux, dans toutes les villes et préfectures. Il y a des bonnes volontés qui se manifestent sur toute l'étendue du territoire national. Même avec 48 heures de campagne, on pourra relever le défi. Mais si d'ici samedi nous entrons en campagne, nous aurons pratiquement une semaine pour rencontrer le peuple. Notre véritable inquiétude, c'est le jour du scrutin. Il faut que chacun se mobilise le 24 avril pour voter et inciter les autres à le faire. A la fin, tout le monde doit rester dans les centres de vote jusqu'au dépouillement des bulletins, l'annonce des résultats et leur acheminement.

Le défi est-il réellement relevable.

Bien sûr ! Nous avons une batterie de campagne en place et les choses seront instantanées.

Mais une campagne électorale est également un rendez-vous et elle est l'occasion d'une rencontre du peuple avec les candidats. Les populations ne seront-t-elles pas frustrées dans certaines localités de ne pas voir le candidat BOB-AKITANI avant de voter ?

Notre souhait est que notre candidat soit partout visible. Et il doit l'être. J'espère qu'on y arrivera. Mais cette élection présidentielle a ceci de particulier que la campagne ne se fait pas au sens politique habituel. C'est tout togolais quelque soit sa sensibilité, qui se sent interpellé en se disant : voici une petite chance qui s'offre à notre pays de sortir de ce système. C'est pourquoi les bonnes volontés se sont démultipliées à l'infini. Ce qui nous emmène à être optimistes malgré tout. Néanmoins je retiens votre objection et nous en tiendrons compte.

Ces élections ont finalement l'allure d'un référendum : pour ou contre le système Eyadéma !

Je vous assure que l'on assistera plutôt à un plébiscite.

La Coalition avait demandé à la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, CEDEAO, de se dessaisir du dossier togolais. Car cette dernière a montré ses failles et son incapacité à régler les problèmes existants. L'organisation sous-régionale vous a répondu en affirmant qu'aucun élément ne permettait de reporter les élections du 24 avril. Si la date était maintenue, que ferez-vous ? Boycotter ? Empêcher la tenue des élections ? En faisant quoi et avec quels moyens ?

J'ai beaucoup de respect pour notre institution sous-régionale. Mais il ne faudrait pas que cette crise togolaise vienne lui gâcher sa renommée naissante. Il faudrait que ses responsables se comportent tel que l'on puisse sauver son honorabilité. Leurs dernières déclarations sont regrettables et tous les togolais se sont sentis frustrés. Ce que nous reconnaissons par contre, c'est que notre organisation sous-régionale n'a pas encore les moyens pour piloter une telle affaire et c'est une erreur de la communauté internationale de se réfugier derrière une institution qui est encore balbutiante.

De quels moyens parlez-vous ?

De moyens humain et financier, et l'autorité politique nécessaire. C'est la première fois que la CEDEAO s'aventure sur ce terrain mais elle n'avait pas encore tous les moyens à sa possession.

La CEDEAO aurait pu faire aussi de ce coup d'essai un coup de maître !

Effectivement. Mais cette grande première risque d'être une grande dernière si l'organisation échouait. Et c'est ce à quoi on assiste. C'est regrettable.

M. Gnininvi, certains estiment que vous êtes souvent sincère. Sans langue de bois, croyez-vous à une théorie du complot à propos de la CEDEAO?

La sincérité et l'honnêteté ne sont pas des concepts en politique. Il faut tenir compte des faits et mesurer les intérêts. En tout cas, ce qui se passe dans cette crise togolaise ne fait pas honneur à notre organisation sous-régionale. Pour une fois qu'on a démontré qu'on voulait régler nos propres problèmes, c'est un échec.

On vous entend moins sur les médias. Le candidat AKITANI-BOB ne s'est pas encore adressé au peuple. Il y a une certaine illisibilité des actions de la coalition. Qui fait quoi au sein de la Coalition ?

C'était un problème d'organisation. Car dans la Coalition, la présidence était tournante de façon hebdomadaire. On vient de se restructurer et vous l'aurez perçu : Me Agboyibo est chargé permanemment de la coordination et moi je suis chargé de la campagne électorale. Nous vous rassurons : il y aura moins de cacophonie.

Parlons de votre visite à Ouagadougou. Elle a semblé mettre à mal l'unité de la Coalition. Au-delà du communiqué, racontez-nous ce qui s'est passé dans la capitale burkinabè et la suite.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter. J'avais en fait été invité par le président burkinabè Blaise Compaoré, qui voulait savoir ce qui se passe réellement au Togo. Je lui ai donc expliqué qu'il risquait d'avoir bientôt une autre Côte d'Ivoire à ses portes et que la CEDEAO était en train d'échouer dans sa mission. Et c'est en ce moment qu'il m'a demandé si j'acceptais de rencontrer le candidat Faure Gnassingbé. Je lui ai dit que je ne n'y trouve aucun inconvénient. Faure est donc arrivé dans la nuit et l'on m'a fait appel. Nous avons discuté en présence du président Compaoré et je lui ai posé deux questions.
La première: en vue d'apaiser les esprits, n'y avait pas nécessité de procéder à un report des élections ? Parce que les ennemis existent dans tous les camps et si on n' y prend garde, la victoire de l'un ou de l'autre camp entraînerait des dérives dans le pays. Il en a convenu mais n'a pas accepté le report, soit disant que la Constitution exige que l'on aille aux urnes dans les 60 jours.
Deuxième question : accepte t-il au moins de rencontrer le candidat de la Coalition Emmanuel BOB-AKITANI? Il m'a répondu ne pas s'y opposer. Ma conviction est qu'il faut se parler avant les élections, pas après ! Je suis donc venu en rendre compte à la coalition. Une chose est sûre : Gnininvi peut rencontrer n'importe qui. Ce qu'il dira en privé, c'est ce qu'il dira aussi en public.
En quittant Lomé, je ne connaissais pas l'objet précis de mon déplacement. J'ai toujours procédé ainsi. Tout le monde sait que je ne me déplace jamais avec des flonflons, je ne fais pas de mise en place; je pars toujours tout seul sauf si j'ai une idée précise de ce qui m'attend. On aura l'occasion de dire un jour au peuple que même pour les accords de Ouagadougou de 1993, les choses avaient commencé ainsi.
Concernant ma dernière visite, peut-être d'ici la semaine prochaine, il y aura des retombées et la rencontre BOB-AKITANI-Faure Gnassingbé pourra avoir lieu à la grande surprise des togolais. Je l'espère en tout cas.

Il se murmure dans certains cercles qu'un accord secret aurait été conclu Faure Gnassingbé et vous-même. M. Gnininvi les togolais n'oublient jamais votre fameuse phrase à la Conférence Nationale Souveraine : "les accords n'engagent que les signataires"…

Je ne suis pas au courant de cet accord. Il n'en est pas question. Ce serait même une insulte à ma personne de penser que cela pourrait être vrai. Ce sont des médisances de certains qui sont jaloux de voir des portes s'entrouvrir sans qu'ils ne soient directement impliqués.


Les togolais se souviennent encore de l'épisode de la désignation du candidat unique de l'opposition. Votre nom a circulé, on a crié à une manipulation de votre part, vous n'avez pas été désigné, et un comité s'est constitué pour vous soutenir même contre BOB-Akitani. Vous n'avez pas assisté à l'investiture du candidat de la Coalition et vous avez gardé un mutisme que beaucoup de vos admirateurs n'avaient pas apprécié. Tout cela ne fait-il pas désordre par rapport à votre image ?

Peut-être que dans quelques semaines, les gens comprendront. Mais j'espère me tromper. Ce que je peux dire à tous les togolais, c'est que je me suis engagé à 150% aux côtés de notre candidat Emmanuel BOB-AKITANI. Je le transporte sur ma tête et je le vends partout.
Mais ne pourrions-nous pas éviter de remuer le couteau dans la plaie tout le temps ? Lorsque des incidents se produisent, des différends surviennent et qu'on arrive malgré tout à les surmonter, faut-il y revenir tout le temps? Je ne pense pas. Je n'avais pas assisté au meeting d'investiture de notre candidat BOB-AKITANI, le 19 mars dernier, en disant aux gens que j'ai été effectivement fâché par un certain nombre de choses mais que le sacrifice valait la peine d'être fait. J'ai demandé à tout le monde d'oublier ce qui s'est passé et de soutenir le candidat unique de l'opposition Emmanuel BOB-AKITANI. Pour moi, l'incident est clos.

Revenons au 24 avril. Le RPT affirme à coup de sondages que son candidat remportera les élections.

Je me rappelle bien qu'avant chaque match de boxe, Casus Clay essayait toujours d'intimider son adversaire. Les déclarations du RPT ne doivent pas nous décourager. Au contraire nous pensons que tous les pronostics sont largement à notre faveur. Je suis convaincu que nous assisterons à un plébiscite.

Sur quoi vous fondez-vous pour rassurer le peuple togolais ?

La simple victoire électorale n'est pas à mon avis, l'enjeu le plus important. Je suis plutôt préoccupé par le fait d'accéder au pouvoir dans la douceur. Nous devons commencer à rassurer les gens d'en face et dire à ceux qui ont peur de l'alternance qu'on leur a menti en affirmant qu'il y a un problème ethnique au Togo. Certains en font seulement leur fonds de commerce. Que l'on soit civil ou militaire, nous sommes avant tout des togolais. Et l'accession de l'opposition au pouvoir n'entraînera pas la perte du gagne-pain de qui que ce soit. Quant à la victoire de l'opposition aux urnes, nous sommes convaincus qu'elle est déjà assurée.

Pronostic : même avec la marge d'erreur, à quel pourcentage pouvez-vous estimer la victoire de l'opposition ?

Si le jour du scrutin l'on s'assure qu'il n' y a pas de votes multiples, que les étrangers ne viennent pas voter et que le peuple surveille les résultats, même les cartes fraudées ne serviront à rien et les électeurs fictifs peuvent aller se coucher. Ils ne pourront pas gêner le scrutin. Nous gagnerons facilement avec plus de 70 %. Nous comptons sur la vigilance de la population et tout le monde doit se mettre au travail.

Et si la CENI proclamait encore les résultats contraires à la volonté populaire, que fera la Coalition?

La CENI est structurellement aux mains de la mouvance présidentielle. Ce n'est donc pas d'elle que nous attendons le résultat significatif. Nous attendons la mobilisation de nos militants et sympathisants pour avoir des procès-verbaux signés par les représentants de tous les candidats. S'il y a hold-up électoral, nous apprécierons le degré de résistance de la population.

La diaspora togolaise semble aussi mobilisée pour ces élections. Comment le ressentez-vous et que leur demandez-vous?


La diaspora togolaise est formidable. Les soutiens affluent de tous les continents. Certains nous aident financièrement, d'autres sont carrément rentrés au pays pour faire campagne avec nous. Nous les félicitons et les encourageons. La Coalition a toujours besoin d'aide et nous remercions déjà ceux qui voudraient nous soutenir. Nous avons ouvert compte bancaire, dont le numéro se trouve sur les sites internet. Il faudra que les modalités de transferts soient des plus rapides. Parce que nous n'avons plus que quelques jours devant nous.
En outre la diaspora doit être admirative et reconnaissante envers ceux qui sont sur le terrain. Dans tout le pays, les gens se battent non seulement avec peu de moyens, mais avec leur corps. Nous n'avons pas de bouclier à leur offrir, ils se dévouent pour la cause nationale et il faut leur être reconnaissant.

M. Gnininvi, comment entrevoyez-vous l'avenir du Togo après le 24 avril?

Si tout le monde comprend que l'alternance ne signifie pas la mort de certains, je suis convaincu que nous pouvons reprendre une vie normale et rattraper les pays voisins. Le Togo a des atouts, j'ai confiance.


Propos recueillis par la Rédaction de www.fauredoitpartir.com