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Présidentielle 2003: Rapport hebdomadaire du CONEL (du 12 au 19 mai 2003)



Le mandat du CONEL

« La volonté du Peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; toutes personnes a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques dans son pays. » (Déclaration universelle des droits de l’homme, ratifiée par la République Togolaise ainsi que tous les protocoles additionnels). C’est cette disposition et le droit inaliénable reconnu à toutes les organisations de citoyens légalement constituées, de contrôler les actions des pouvoirs publics, qui fondent le mandat du Conseil National de surveillance des Elections (CONEL).

Introduction

La Concertation Nationale de la Société civile du Togo (CNSC), réseau indépendant des acteurs de la société civile, a mis en place depuis le 3 mai 2003, le Conseil national de surveillance des élections (CONEL). Le CONEL composé de 15 personnalités issues de la société civile et du monde religieux produit chaque semaine, un rapport sur ses observations relatives à l’organisation de l’élection présidentielle. Il déploiera des observateurs nationaux dans tous les bureaux de vote et rendra compte des résultats du scrutin.

Avec le lancement de la campagne présidentielle le 15 mai, le processus de l’élection présidentielle entre dans sa phase la plus pratique et la plus décisive. Plusieurs défaillances subsistent cependant dans l’organisation du scrutin. Les plus notables se rapportent aux déficits d’informations. Cela se remarque aussi bien au niveau de l’électorat qu’à celui des acteurs politiques impliquées dans la consultation. Cinq candidats sur sept se plaignent de ne pas disposer de renseignement sur le fichier électoral, l’organisation des bureaux de vote et leur implantation dans les différentes circonscriptions. Quant aux électeurs, ils sont essentiellement sevrés d’information sur les modalités d’exercice du droit de vote et les facilités administratives mises en place à cet effet. Le CONEL a remarqué que dans 9 préfectures sur 30, le public n’a pas d’interlocuteur pour traiter les réclamations concernant le vote.
Ni l’Administration électorale ni la CENI ne font aucun effort pour corriger les irrégularités constatées et dénoncées.
A l’analyse des informations en sa possession, à cette étape du processus, le CONEL attire l’attention des uns et des autres sur la gestion privative des opérations électorales, qui jette un doute profond sur la crédibilité de l’élection.

Cette semaine (12-19 mai), le CONEL a essentiellement axé ses observations sur :
ü La distribution des cartes d’électeurs,
ü Le déroulement de la campagne,
ü La liberté d’expression et de presse durant la période électorale,
ü L’organisation matérielle de l’élection.

Ces observations concernent l’ensemble des trente préfectures du Togo.

I- Les observations
Sur la base des informations réunies par le CONEL, les commissaires électoraux et d’autres collaborateurs d’origines diverses dans l’ensemble du pays, du 12 au 19 mai 2003, il ressort ce qui suit.

A- Sur la fabrication et la distribution des cartes d’électeurs

1- Les cartes d’électeurs ont été conçues, imprimées et gérées par l’Administration électorale. Ni le nombre total de ces cartes, ni l’affectation définitive ne sont connues des candidats et de la CENI.

2- Au terme de la période consacrée de distribution des cartes, environ deux millions de cartes (chiffres des opérateurs du ministère de l’intérieur) n’ont pas été distribuées. Cela représentait à la date du 14 mai environ 60% de l’électorat. Les cartes restantes ont été mises à la disposition des préfectures, pour la poursuite des distributions. La distribution s’est poursuivie dans les collectivités.

a) On note un regain d’intérêt et une forte mobilisation des électeurs dans les grandes agglomérations dont la situation des retraits se présente comme suit le 18 mai à 17 heures : Dapaong (60 à 65%), Kara (70 à 80 %), Sokodé (70 à 80%), Atakpamé (60 à 75%), Kpalimé (70 à 75 %), Aneho (55 à 65%), Lomé (60 à 65%).
b) Dans les petites localités, des autorités préfectorales chargées de la distribution des cartes n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour se rapprocher des électeurs des villages. Les populations dans leur majorité ignorent que les cartes sont disponibles à la préfecture.
c) Ces manquements ont été jugulés dans certaines préfectures telles que : Avé, Est-Mono, Agou, Amou, Wawa, Blitta, Oti, où des chefs de village ou de quartier ont informé leurs administrés par des moyens traditionnels.

3- Le CONEL a constaté que le retrait des cartes se poursuit normalement aussi bien à Lomé qu’à l’intérieur du pays. Des anomalies ont été néanmoins relevées :

a) Elavagno et Notsè : plusieurs électeurs n’ont pas retrouvé leurs cartes alors qu’ils sont inscrits sur la liste électorale ;
b) Anié, Soutouboua, Badou et Tchamba : rétention des cartes par les autorités préfectorales ; le 17 mai, le Préfet de Tchamba a fait évacuer la cour de la préfecture parce que des électeurs étaient allés en grand nombre pour réclamer leurs cartes.

4- En faisant suite à des inquiétudes exprimées par certains candidats à la présidentielle, le CONEL a enquêté sur la gestion des cartes d’électeurs. Il en ressort certaines anomalies susceptibles d’influer sur la régularité du vote.
a) De sources proches de l’Administration électorale (Ministère de l’intérieur), le total des cartes imprimées est de l’ordre de 4,2 millions. Il y a un dépassement de 1 million de cartes, sur la base de l’estimation du corps électoral faite par le gouvernement lui-même.
b) Certaines préfectures ont reçu des cartes portant des noms ne figurant pas sur leurs listes électorales. Cas signalés dans le Zio et dans le Yoto.
c) Malgré le concession faite aux préfectures de poursuivre la distribution des cartes, il en reste une certaine quantité stockée dans trois cartons au Ministère de l’intérieur à Lomé.
d) Dans les villes ci-après, on signale la détention de quantité importante de cartes d’électeurs par des dignitaires du régime ou responsables du RPT : Kpalimé, Vogan, Niamtougou, Bafilo, Kara et Amou-Oblo.

B- Sur la campagne électorale

Deux sous-commissions du CONEL suivent la campagne électorale. Leurs observations se fondent sur les textes en vigueur (le Code électoral) et la pratique en matière de campagne d’une consultation démocratique.


1- En général les différents candidats mènent leur campagne suivant leur stratégie propre. De part et d’autre, les messages tendent à éviter la violence et permettre le libre choix des électeurs.

2- L’organisation médiatique de la campagne fait apparaître de graves disparités.

a) Quatre candidats de l’opposition se sont plaint de la censure de leurs textes et messages (bandes audio ou vidéo) envoyés aux médias publics pour diffusion. La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication chargée de la gestion de l’accès des médias aux organes publics d’information ne remplit pas correctement ses fonctions.
b) Le ministre de la communication a exigé de visionner ou d’écouter tous les messages des candidats enregistrés avant leur passage sur les antennes.
c) Il n’y a pas de traitement équitable des candidats sur les médias d’Etat. Le candidat Eyadema outre son temps d’antenne bénéficie de tranches exorbitantes de soutiens ou de commentaires pour sa propagande.

3- Depuis le 17 mai, le Premier ministre et les ministres du Gouvernement se sont mis au service du candidat Eyadema. Cet engagement (libre) se fait cependant avec les moyens de l’Etat (véhicules). Trois entreprises publiques : le Port autonome de Lomé, la Société d’administration de la Zone franche et la Loterie nationale togolaise ont réalisé sur les fonds de ces sociétés des gadgets pour la campagne du général Eyadema.

4- Le CONEL considère que toutes ces interventions violent l’équité et portent atteinte aux lois de la République.

C- Sur la liberté d’expression et de presse durant la période électorale

Le CONEL note avec regret et indignation le recul grave des libertés d’expression et de presse pendant la période électorale. Les autorités gouvernementales ont pris des mesures draconiennes restreignant les activités des organes de presse légalement constitués.

1- Interdiction d’émission politique sur les radios privées. Il s’agit d’une mesure conjointe de la HAAC et du ministère de la communication. Elle viole gravement la liberté de presse et le code de la presse au Togo, de même que tous les traités internationaux en la matière.

2- Refus d’accréditation de la presse nationale pour la campagne présidentielle. En procédant ainsi, les autorités non seulement étouffent l’information en ces périodes cruciales mais font peser sur elles une présomption de mauvaise foi.

3- Entraves à l’exercice de la profession de journaliste. Ceci concerne la décision des autorités d’empêcher que la presse suive le déroulement des opérations de vote le jour de l’élection.

D- Sur l’organisation matérielle de l’élection

Le CONEL est sérieusement préoccupé par la confection et la gestion du matériel de vote. Des informations en notre possession nous font craindre la préparation de fraudes massives.

1- Fabrication et distribution d’urnes
a) L’Administration électorale a par note de services aux Préfets demandé de « prendre les dispositions pour la mise en état d’utilisation des urnes utilisées pour les consultations antérieures » et qui se trouvent en leur possession. Au même moment le Ministère a procédé à la commande de nouvelles urnes.
b) Avec le flou qui entoure les bureaux de vote, le CONEL craint que la confusion dans la gestion des urnes conduise à un cafouillage que ni la CENI ni les représentants des candidats, ni les observateurs nationaux et internationaux ne peuvent déceler le jour du vote.

2- Responsabilité de la gestion du matériel de vote
L’omniprésence de l’Administration électorale à toutes les phases de préparation du scrutin, au détriment de la CENI, inquiète le CONEL. Ni les agents du ministère de l’intérieur, ni les Préfets nommés par le candidat Eyadema ne sont impartiaux. Ils le démontrent tous les jours sur le terrain.

II- les Recommandations

Au vu de tout ce qui précède, le CONEL s’étonne qu’en dépit du caractère flagrant des anomalies constatées, rien ne soit fait pour colmater les brèches et conférer un caractère un tant soit peu démocratique à l’élection du 1er juin prochain. Toujours disposé à apporter sa contribution pour la bonne conduite du scrutin, le CONEL recommande :

1- Aux autorités togolaises.
a) De prendre conscience de la gravité de la situation et de faire preuve d’un minimum de bonne foi en vue de garantir la transparence de l’élection ;
b) D’accepter le contrôle des opérations de vote, l’audit du fichier électoral et la publication de la liste nominative définitive des bureaux de vote, au moins une semaine avant le scrutin;
c) De cesser toutes les entraves aux libertés individuelles et collectives et les abus aux droits humains en cette période.

2- Aux candidats à l’élection présidentielle
d) De prendre les dispositions nécessaires en vue de nommer des représentants auprès de chaque préfecture et dans chaque bureau de vote ;
e) De nommer chacun un représentant auprès du CONEL pour des informations et échanges dans l’intérêt de la transparence du vote ;
f) D’exiger de la CENI plus d’implication dans les opérations d’organisation de l’élection, notamment la distribution du matériel électoral.

3- Aux populations togolaises et au corps électoral
a) De se préparer à accomplir le 1er juin, l’acte de haute portée civique qu’est l’élection du président de la République ;
b) D’être conscients que les conditions de transparence du scrutin ne sont pas réunies ;
c) De convenir de la nécessité de la défense du vote des citoyens par les moyens les plus appropriés ;
d) D’être à l’écoute des consignes pratiques que le CONEL donnera avant et après le scrutin.

4- A la communauté internationale
Les organisations togolaises partenaires du CONEL invitent la communauté internationale à observer la plus stricte impartialité dans le cadre de cette élection. Elles prennent acte de l’indifférence affichée par les uns et les autres face aux misères du Peuple Togolais.

Conclusion

Le dispositif du CONEL pour le contrôle de la transparence de l’élection présidentielle est en place. Grâce un système informatique spécialisé et à son réseau de communication, chaque jour plus large dans l’ensemble du pays, le CONEL sera en mesure d’informer les populations, en temps réel, de tous les aspects du vote.
Le CONEL invite tout électeur souhaitant observer le déroulement de l’élection dans sa localité à bien vouloir prendre attache avec lui.

Fait à Kpalimé le 20 mai 2003

Le Comité Exécutif du CONEL

Informations et contact
Conseil national de surveillance des élections (CONEL)
BP 81190 Lomé
e-mail : [email protected]
ou [email protected]
site web: www.togodebout.com