LE SYSTÈME « LMD » REVISITÉ
POUR
LES UNIVERSITÉS DE L’AFRIQUE FRANCOPHONE
Professeur Yao ASSOGBA, PH.D.
Université du Québec en Outaouais (UQO)
Québec, Canada
L’introduction du régime LMD (Licence, Master, Doctorat) dans les Universités de l’Afrique francophone subsaharienne semble poser des difficultés qui auraient forcés les étudiants à faire la grève pour réclamer le retour à l’ancien régime. La pédagogie universitaire s’inspire de différentes conceptions de l’apprentissage et de l’enseignement. En sciences de l’éducation on distingue quatre principaux courants pédagogiques. 1). Le courant behavioriste qui voit l’apprentissage comme une réponse de l’apprenant aux stimuli de l’enseignement; 2) le courant cognitiviste qui accorde une importance à la capacité de l’étudiant à mémoriser et à restituer les enseignements reçus; 3) le courant constructiviste, quant à lui, conçoit l’apprentissage comme un processus actif de construction de connaissances (et non d’acquisition) par l’apprenant dans la relation pédagogique.; 4) enfin, le socioconstructivisme renvoie à l’habilité pédagogique de l’enseignant de créer des situations concrètes qui permettent un apprentissage coopératif et collectif chez les étudiants..
Le régime de pédagogie universitaire LMD : peu sélectif et socialement peu coûteux
Le régime de pédagogie universitaire LMD dans son appellation en France et en Afrique francophone, ou « Baccalauréat, Maîtrise, Doctorat » dans les Amériques francophones, est un courant de pensée d’origine anglo-saxonne qui a l’avantage de combiner ces quatre grand types de pédagogie universitaire. De plus cette combinaison offre une égalité de chances d’accès et de réussite à l’enseignement supérieur. Peu sélectif de la population étudiante et socialement peu coûteux, le système LMD semble bien approprié aux pays africains qui sont généralement pauvres.
Structuration d’un programme de l’enseignement supérieur LMD
Un programme de formation est un ensemble structuré d’activités académiques composées de cours, de recherche et de stages ayant trait à une discipline des sciences humaines ou des sciences de la nature et de la technologie. Ces activités sont agencées selon une cohérence hiérarchique dans la gradation de la compréhension des connaissances d’une discipline donnée. Le programme est opérationnalisé en plan de formation composé de : 1) cours obligatoires fondamentaux; 2) cours obligatoires de tronc commun ; 3) cours de concentration ou de spécialisation et 4) cours optionnels selon les cas. Le plan de formation d’un programme s’échelonne sur un certain nombre d’années au cours desquelles l’étudiant accumule (et non élimine) des crédits dans les cours réussis et dont le total est positivement sanctionné par un diplôme.
Un crédit est une unité de mesure de la valeur numérique attribuée à la charge de travail requise d’un étudiant, pour atteindre les objectifs généraux et spécifiques d’une activité d’apprentissage (cours, travail de recherche, stage). La charge de travail est calculée par le temps qu’un étudiant est censé consacrer, en moyenne, pour atteindre les objectifs d’une activité. Bien sûr, ce temps est variable selon le potentiel et le rythme de scolarisation de chaque étudiant. Ici aussi, le temps d’accumulation des crédits en vue de l’obtention d’un diplôme peut donc varier selon les étudiants. Mais le nombre total de trimestres qu’il faut normalement pour terminer avec succès une formation dans le cadre d’un programme sanctionné par un diplôme universitaire est rigoureusement déterminé par l’université.
La valeur numérique (crédit ou unité) attribuée à tous les cours est la même et, très généralement, elle est de trois (3) crédits. Un étudiant peut s’inscrire à un minimum ou à un maximum déterminé de cours par trimestre, selon son statut d’étudiant à temps partiel ou à temps complet. Exemple. Pour être étudiant à temps complet dans un trimestre et à un niveau de premier cycle, un étudiant doit s’inscrire à au moins quatre (4) cours soit l’équivalent de douze crédits au total, et très exceptionnellement à cinq (5) cours soit 15 crédits au total; en dessous de quatre (4) cours l’étudiant est à temps partiel. Selon que l’étudiant est à temps complet ou à temps partiel, la durée de sa formation pour l’obtention d’un diplôme pourrait varier.
Enseignant éveilleur de la curiosité intellectuelle
Fondamentalement dans le régime LMD, l’enseignant est un animateur de la classe et un éveilleur de la curiosité intellectuelle des étudiants, par l’établissement d’un dialogue cognitif qui implique la construction du savoir transmis pour et avec les étudiants. L’enseignement procède de différentes formules pédagogiques : cours magistral interactif, jeux de rôle, discussions, lectures obligatoires, séminaires, etc. Le professeur assume également un encadrement des étudiants par des rencontres régulières.
L’étudiant en tant qu’apprenant, joue un rôle actif, autonome et responsable dans ses apprentissages. Sa tâche ne se réduit pas purement et simplement à l’enregistrement des notes de cours qu’il est appelé à « déverser » textuellement à l’examen. Il doit aussi faire des lectures obligatoires en dehors des heures passées dans la classe, afin de compléter ses notes de cours; pour faire ses travaux de recherche, il passe également du temps à la bibliothèque afin de trouver et de recenser des articles scientifiques, consulter les ouvrages de référence et les livres spécialisés, etc.
Pour fixer les idées prenons un exemple : la charge de travail en terme de temps, d’un étudiant inscrit à un cours de trois crédits, est de trois (3) heures de présence par semaine, en salle de classe, et de neuf (9) heures de travail personnel en dehors de la classe. Autrement dit, pour chaque cours de trois (3) heures, l’étudiant doit investir 12 heures par semaine dans son apprentissage; pour quatre (4) ou cinq (5) cours, l’investissement dans son capital scolaire serait respectivement de 48 heures et de 60 heures par semaine. Une telle attente en termes de charges de travail justifie aussi le nombre limité de cours qui s’impose à tous les niveaux selon que l’apprenant est inscrit en licence, en maîtrise ou au doctorat. Un tel processus d’apprentissage fait que l’étudiant devient un auto apprenant qui acquiert des connaissances préalables suffisantes pour être en mesure de bien suivre les exposés et comprendre aisément la matière. Il peut ainsi développer le doute méthodique dans la recherche de la vérité scientifique et philosophique ainsi que l’esprit de critique raisonné et pratique sur le plan professionnel une fois que le diplômé est sur le marché de travail.
En guise de conclusion
Pour que le système LMD soit efficace, l’université doit être conçue et organisée de manière à offrir les conditions propices (ressources humaines et infrastructures : salles de classe, bibliothèques, Centres, Chaires et autres dispositifs de recherche, ordinateurs, etc.) à un enseignement et à un apprentissage de qualité, ainsi qu’aux recherches fondamentale et appliquée qui répondent aux besoins de la société. La pédagogie universitaire est conçue et mise en application pour maximiser les chances de réussite d’un grand nombre d’apprenants. Ce faisant, on réduit les coûts exorbitants que les nombreux redoublements et échecs inutiles occasionnent aux individus, aux familles et à la société. Dans ce cas, la compétence du professeur s’évalue par le grand nombre d’étudiants qui comprennent et réussissent les cours qu’il enseigne. Mais tous les acteurs du système d’éducation supérieure basée sur le LMD, ont des responsabilités à assumer que l’université assume efficacement ses missions premières de production et de transmission des connaissances théoriques et pratiques : l’État dans son rôle de financement, les instances universitaires dans la gouvernance, l’enseignant dans l’offre et la qualité de son enseignement, puis l’apprenant dans sa demande et son investissement dans son apprentissage. Les universités africaines francophones ont tout à gagner dans l’appropriation du système LMD.
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