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Des jeunes manifestent contre la hausse des prix des produits pétroliers (ACTUALISATION)

Societe
Les réactions des Togolais suite à la hausse des prix de carburant ne se sont pas fait attendre. Les conducteurs de taxis-motos et de voitures de transports en commun et les passagers étaient tous dans les rues de Lomé hier pour dire non au nouveau coup de poignard du gouvernement RPT-AGO. Des manifestations qui ont dégénéré et qui ont fait trois morts et des blessés. De même, il y a eu des interpellations dans le rang des manifestants.
  
Bilan est lourd : Trois morts dont deux par balle et des blessés


Le vendredi 18 juin dernier, le ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, Kokou Gozan a fait une sortie pour le moins surprenante pour annoncer la hausse des prix des produits pétroliers. « Malgré l’existence depuis 2002 d’un mécanisme d’ajustement automatique des prix à la pompe, l’Etat a toujours fait en sorte de ne pas répercuter l’évolution réelle des cours mondiaux du pétrole et du dollar sur le prix à la pompe. Cette politique a engendré d’importantes dettes à l’Etat à l’égard des sociétés pétrolières, menaçant parfois dangereusement l’approvisionnement du Togo et la continuité des activités économiques. Il est apparu aujourd’hui que l’Etat n’a plus les moyens de sa politique de subvention et qu’il est devenu nécessaire de changer d’option, de doctrine et de s’orienter vers une politique de vérité des prix », a expliqué l’ancien fonctionnaire de la BCEAO. Le super sans plomb qui se vendait à 505 Fcfa le litre passe à 580 F cfa, le gasoil se vend désormais à 575 Fcfa contre 500 Fcfa auparavant, le pétrole lampant passe de 390 Fcfa à 475 Fcfa, le mélange 2 temps coûte désormais 650 Fcfa contre 575 Fcfa. Seul le prix du gaz butane est resté inchangé, la bouteille de 12,5 Kg étant toujours vendu à 3500 Fcfa.

Mais les conducteurs de taxis-motos et de voitures de transports en commun et les passagers ne sont pas prêts à avaler cette pilule. Et ils l’ont démontrés hier dans les rues de Lomé et de ses banlieues. Agoè, GTA, Colombe de la Paix, Amoutivé, Nyékonakpoè, Bè, Hédzranawoé, Adidogomé … il n’y avait pas de passage. Toutes les voies sont bloquées par les manifestants paralysant complètement la circulation. Beaucoup de personnes ont dû se rendre à leur lieu de service à pied.

« Nous avons barricadé les routes à cause de l’augmentation des prix de l’essence. Nous demandons purement et simplement la suppression de cette mesure. Ils augmentent chaque fois les prix des produits mais jamais les salaires des travailleurs. Quand ils augmentent on ne dit rien, c’est pourquoi ils nous prennent pour des bêtes. Cette fois-ci, ça ne passera. Ils disent qu’en Côte-d’Ivoire, c’est le même prix qu’au Togo. Mais le salaire des fonctionnaires ivoiriens n’a rien à avoir avec ceux des fonctionnaires du Togo. Nos n’avons pas le même pouvoir d’achat non plus. Pourquoi ne donnent-ils pas l’exemple du Bénin ou du Ghana, nos voisins immédiats ? », s’emporte Kouma, conducteur de taxi-moto résidant à Nyékonakpoé.

Aboudou, chauffeur, s’inscrit dans les mêmes veines et fait remarquer que cette manifestation n’est dirigée contre aucun parti politique. « Nous, nous ne faisons pas la politique, nous ne sommes pas pour quelque parti politique que ce soit, nous voulons seulement qu’ils diminuent le prix de l’essence. C’est tout, se défend-il. Nous voulons tous que les choses soient abordables dans le pays et que le peuple togolais soit un peu heureux. Le peuple souffre et n’a pas d’argent, mais ils augmentent chaque fois les prix du carburant.

Que ce soit Faure Gnassingbé,Yawovi Agboyibo ou Gilchrit Olympio qui dirige le Togo, nous, on s’en fiche. Que le peuple togolais soit à l’aise, que nous soyons heureux dans le pays, voilà ce pour quoi nous luttons ».

Certains riverains traumatisés par les inondations de dimanche dernier, se sont joints aux manifestants pour crier leur ras-le-bol. « Nous manifestons parce que ça ne va pas au Togo. Moi je suis tailleur, mais depuis 1994, je n’ai pas les moyens pour pouvoir exercer mon métier. Nous souffrons ici au Togo, alors que Faure est allé donner 280 millions aux sinistrés du Burkina. Est-ce que nous, on n’a pas de sinistrés ici ? Si moi seul je pouvais le rencontrer, cela me ferait trop plaisir. Je veux lui dire seulement deux mots », s’indigne un homme d’une quarantaine d’années qui a refusé de décliner son identité. Et à la question de savoir quels sont les deux mots qu’il voudrait dire à Faure Gnassingbé, il ajoute : « Je lui dirai qu’il a commis une grande erreur en prenant cette décision. Je lui dirai aussi qu’il est très mal conseillé ».

Comme il fallait s’y attendre, les gaz lacrymogènes et les jets de pierres se sont invités dans les manifestations. Dans tous les lieux précités, les forces de sécurité sont intervenues et ont fait usage de gaz lacrymogènes. Et comme d’habitude, les manifestants ont riposté par des jets de pierre. Après avoir dispersé les manifestants, elles se sont employées à libérer les voies en enlevant les barricades. Même si à certains endroits comme au niveau de la Colombe de la paix, leur travail était pareil à celui de Sisyphe. En plus, des jeunes ont été interpellés et conduits à la Gendarmerie nationale.

Deux morts à Agoé

Les échauffourées ont aussi eu lieu à Agoè où on dénombre deux morts par balle. En fait, le détachement de la Gendarmerie qui était sur les lieux, a été divisé en deux groupes : l’un étant resté au niveau de Total à l’entrée d’Agoè et l’autre au niveau de Shell, probablement pour éviter que des jeunes ne s’en prennent à ces deux stations d’essence. « Face à la foule de manifestants qui ne cesse de s’agrandir, les deux groupes ont commencé à charger à coups de gaz lacrymogènes les manifestants qui ont répondu par des jets de pierres. Après un temps, c’est comme si les gaz sont finis et le groupe qui était au niveau de Total s’est mis à l’abri en quittant les lieux. Ne trouvant pas d’issue, ceux qui étaient positionnés au niveau de la station Shell se sont réfugiés à l’agence d’Ecobank », raconte un témoin. Mais les jeunes auraient continué à lancer des pierres. « C’est alors qu’un des deux militaires assurant la sécurité de la banque, poursuit le témoin, s’est adressé à la foule en leur disant de cesser de lancer des pierres en direction de la banque. Rien n’y fit. Malgré le tir de sommation d’un des militaires, les jeunes, ne se sont pas repliés et ont continué à lancer des pierres en se dirigeant vers la banque. C’est en ce moment que le deuxième militaire a commencé à tirer sur la foule, tuant sur le coup deux manifestants et blessant au bras un autre ».

Tous les témoignages recueillis sur les lieux confirment la thèse de la mort par balle de deux manifestants. « La première victime a reçu la balle dans la tête alors que la seconde est atteinte au ventre. Celui qui a été blessé au bras a été évacué d’urgence à l’hôpital. En représailles, les manifestants se sont dirigés vers Ecobank et ont brûlé les motos soupçonnées appartenir aux deux militaires. La situation était tendue et l’arrivée du Commandant de la Gendarmerie, le Colonel Yark Damehane n’a rien changé », ajoute un autre témoin qui redoute des expéditions punitives la nuit. « Il y avait une forte présence militaire dans la soirée et on a peur qu’il y ait des expéditions punitives », souligne-t-il.

Un mort à Bè

Dans le quartier Bè, il y a eu une course-poursuite entre les forces de l’ordre et les manifestants. « Fuyant les forces de l’ordre, certains jeunes se sont sauvés en se jetant dans la lagune. Mais ce ne sont pas tous qui savaient nager. Les agents sont restés aux abords de la lagune, attendant les fugitifs. Malheureusement, l’un des manifestants s’est noyé après environ 20 minutes passées dans la lagune. Repêché par les riverains, il succombera malgré les tentatives de ceux-ci », explique un témoin.

R. Kédjagni