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Gilchrist Sylvanus Olympio, enfin? Par Sénouvo Agbota ZINSOU

 Le discours rassembleur que l’on attendait de Gilchrist Olympio est venu. Enfin! s’exclameraient certains Togolais, jusque-là angoissés par son silence pesant. Enfin, mais..., souffleraient les compatriotes encore sceptiques, s’interrogeant, non seulement sur le temps qu’a pris la gestation de „ cette Lettre ouverte au peuple togolais“ avant d’être accouchée, mais aussi sur les circonstances, la forme et le contenu réel même de l’intervention attendue. En tout cas, l’homme a voulu se draper dans le manteau d’homme d’État que les Togolais lui offraient depuis des années, l’homme d’État qui a voulu dépasser l’homme et même le simple Président national de l’UFC, pour endosser le costume prestigieux de Chef de l’opposition. Mais, l’a-t-il pleinement réussi? D’Agbéyomé à Agboyibo, en passant par Adjamagbo, Yamgnane et Dahuku Péré, il a trouvé des qualités à presque tous les candidats ( et ex-candidat ), en compétition avec celui de son parti, Jean-Pierre Fabre. On peut le croire sincère, car les bons Togolais ne sont pas que du côté de l’UFC. Et nous devons cesser de réfléchir de cette manière. On peut cependant remarquer et même regretter que ce soit seulement après que François Boko a réussi à créer le FRAC. Que la femme et les hommes politiques cités dans son discours aient des qualités, nous voulons l’admettre. Mais que le „ douanier“ Gilchrist Olympio ne trouve rien de noble, rien de louable à signaler dans la personne de François Boko, n’est-ce pas une vision un peu rétrécie de l’histoire récente et actuelle du Togo? Sans extrapoler, on peut même se demander si le péché de François Boko n’est pas d’avoir donné à Jean-Pierre Fabre son statut de candidat unique et par conséquent, l’envergure nationale qu’il faut au candidat du plus grand parti de l’opposition togolaise. Et, est-ce là la raison pour laquelle Olympio s’est refusé dans son discours à mentionner le FRAC, se contentant dans de parler du Collectif de l’opposition ou appelant à un front commun pour renverser le système? François Boko aurait-il damé le pion à Gilchrist Olympio, aurait-il, en deux jours réalisé ce que l’on attendait du chef de l’UFC depuis de longues années et ce dernier en éprouverait-il quelque ressentiment?

Gilchrist Olympio déclare s’engager désormais dans la campagne, c’est-à-dire, forcément, aux côtés de Jean-Pierre Fabre dont le nom est cité 3 fois dans la Lettre, ce qui représente un progrès par rapport aux interventions d’Olympio et surtout à son silence depuis la désignation de Fabre par les instances dirigeantes de l’UFC. Mais, là où il faut faire attention, c’est que ce ne soit pas Jean-Pierre Fabre qui soit plutôt aux côtés de Gilchrist Olympio : les Togolais ont besoin de savoir qui sera effectivement le Président de la République, si l’opposition gagne. Lors de la campagne pour l’élection de Thabo Mbéki, à la fin du mandat de Nelson Mandela, ce dernier arborait le t-shirt à l’effigie du candidat désigné de l’ANC et déclarait qu’il était heureux désormais d’appeler son dauphin „ son Président“. Gilchrist, s’inspirant de cette leçon, pour prendre désormais ce statut de patriarche, doit s’habituer à considérer Jean-Pierre comme son président. C’est de cette manière qu’il donnera tout son sens à son discours rassembleur.

Cela a peut-être besoin d’être dit aujourd’hui, pour éviter demain des malentendus, des problèmes : la lettre ouverte du Président National de l’UFC est une lettre trop centrée sur la personne de son auteur. Dès la toute première ligne, la première personne du singulier domine: le „ je“, répété 19 fois tout au long de la lettre, qui parle, qui a mené le combat, qui appelle, qui va jouer un rôle, qui va faire ceci ou cela...le „ je“ renforcé par un réseau de réflexifs „ me“, 16 fois, se regardant autant de fois dans le miroir, en gros plan, hypertrophié en quelque sorte par le „moi-même“, drainant des possessifs „mon“ ( 7 fois ), ma (2 fois ) , mes (6 fois ). Le „ nous“ ( 44 fois) qui semble atténuer l’effet égocentrique du „ je“ quand il identifie l’homme au peuple togolais ou au moins aux démocrates togolais, prend carrément des allures olympiennes ( dans tous les sens du terme ) de la majesté, notamment dans la série des „ salutations laudatives“ à l’adresse des chefs de parti ou candidats :“ Nous devons saluer le courage et la maturité politique...“1 C’est le maître qui distribue des bons points à ses élèves. Et que compte-t-il obtenir d’eux? Qu’ils se désistent au dernier moment en faveur de Jean-Pierre Fabre? S’il y parvient, ce sera formidable et nous le reconnaîtrons alors comme un habile politique, un grand homme d’État. Pourvu que Gilchrist Olympio n’ait pas à regretter, dans quelques jours, quelques heures même, d’avoir loué publiquement des hommes comme Agbéyomé et Agboyibo qui, plutôt sciemment que sans le savoir ( nous avons plusieurs preuves du caractère retors de ces deux hommes ), font le jeu du RPT dans cette campagne en s’attaquant au FRAC, donc à Jean-Pierre Fabre. Couvrir d’éloges Agbéyomé et Agboyibo pour mieux rejeter Boko et le FRAC dans l’ombre ne me semble pas être une bonne tactique. À moins que la rivalité personnelle de Gilchrist Olympio avec l’initiateur de la réunion de Paris soit plus importante que la victoire de Fabre à l’élection présidentielle.

Le problème de Gilchrist Olympio, c’est précisément de ne pas avoir réussi jusqu’ici à dépasser l’homme pour atteindre la stature de l’homme d’État.

L’homme, nous le comprenons : c’est celui dont le père a lutté pour l’indépendance et qui s’est sacrifié pour la nation togolaise. C’est celui qui a, comme il le dit lui-même dans sa lettre ouverte, „depuis longtemps consacré le plus clair de sa vie“ au combat pour la démocratie au Togo, qui a souffert, qui a été victime d’un attentat à Soudou dans lequel il avait failli laisser sa vie, qui souffre encore des séquelles de cet attentat...Cet homme-là mérite notre compréhension, notre sympathie et même notre respect. Mais, il est dans une position telle que les Togolais ne peuvent qu’attendre plus de lui. Et quel est ce plus que nous attendons de lui aujourd’hui? Puisqu’il évoque lui-même Dieu ( 3 fois ) dans sa lettre, c’est un argument théologique que nous appliquerons à son cas. J’utiliserai, dans un sens laïc, bien sûr, un emblème et une métaphore. L’emblème, c’est Moïse et la métaphore, c’est le sommet du Pisga, sur le mont Nebo, vis-à-vis de Jéricho. Moïse qui avait conduit jusque-là le peuple hébreu, n’est pas autorisé par Dieu à entrer lui-même en Terre Promise. C’est du sommet de Pisga qu’il contemplera le beau pays dont il a tant rêvé avec son peuple.2

Gilchrist Olympio a écrit :“ Dieu en a décidé autrement. Il a voulu que je joue un rôle différent pour ce rendez-vous électoral et qu’un autre homme porte notre flambeau et celui de l’opposition togolaise. Seul Dieu sait bien sûr vers où il guide mes pas“.

Si donc il reconnaît que Dieu ne veut pas qu’il soit président de la République, il doit savoir s’effacer devant celui qui peut le devenir. Il doit transformer l’homme qui est en lui et qui avait des ambitions présidentielles, en homme d’Etat, dépassant les intérêts personnels pour défendre l’intérêt général. Dieu ne l’obligera pas à grimper à son sommet de Pisga. C’est à lui-même de le décider et de le faire. Mais s’il ne le fait pas, il restera simplement, peut-être, définitivement tout petit, tout écrasé au pied de la montagne.

Gilchrist termine par la formule, très américaine, désormais consacrée : „Que Dieu bénisse et protège notre cher Togo“. Et nous, de notre côté, nous prions Dieu de l’aider à grimper à son sommet de Pisga.

Sénouvo Agbota ZINSOU