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Les « gros bras », les nouveaux justiciers à Lomé

Togo - Societe
Leur apparence ne laisse personne indifférent. Poitrine largement dégagée, avant-bras et bras particulièrement musclé, regard menaçant et perçant avec une démarche robotique ; voilà en quelques mots, le portrait robot de ceux qui s’érigent aujourd’hui en justiciers à Lomé.
On les appelle « Mantcho », « Gabanon », « Zibogbolo » (patois ivoirien) ou encore tout simplement « gros bras ». Il est vrai qu’ils ne s’improvisent pas en justiciers, mais lorsque ceux qui croient devoir faire appel à leur service les sollicitent, c’est de la mauvaise des manières qu’ils interviennent.

La plupart du temps, ils font régner la loi de la jungle (la loi du plus fort). Outre devant les boîtes de nuit, sur les lieux de spectacles, à l’entrée des stades où on les retrouvent (activités pour lesquelles ils sont rémunérés), c’est à loisir que des gens mieux nantis leur font appel, souvent, pour léser la veuve et l’orphelin, comme on le dit.

Lundi dernier dans un quartier de Lomé, dont nous taisons volontairement le nom pour ne pas révéler des pistes qui pourront conduire à l’identification des auteurs et commanditaires, il s’est passé une scène ahurissante.

Da Amah, comme l’appelait les intimes, ne pourra plus faire ses petites activités sous ce hangar complètement détruit par les « gros bras », sous le regard impuissant des riverains et des témoins. Ainsi en a décidé le propriétaire de la villa qui fait face au lieu de commerce de cette pauvre dame.

La raison, c’est tout simplement parce que la dame fait trop de bruit avec sa clochette lorsqu’elle appelle de potentiels clients pour sa friperie. Et ce matin-là, elle a reçu la visite des « gros bras » qui, sans autre forme de procès, ont commencé par démolir le hangar et sommer la pauvre de dégager les lieux.

La femme a néanmoins reconnu que le propriétaire de la villa lui avait fait des reproches, mais elle était convaincue qu’elle a réussi à le calmer par des excuses.

Et non contents d’enlever le hangar, les « gros bras » ont encore ramassé la marchandise qu’ils ont déposé un peu plus loin des lieux, au milieu de la rue. Une scène qui a indigné plus d’uns, mais qui peut-être, ce courageux qui va prendre la parole pour dénoncer. Les témoins se contentent seulement de remuer la tête et continuer leur chemin.

Chacun a d’ailleurs intérêt à ne pas offenser ces masses humaines qui pourraient déverser leur colère sur n’importe qui tentera de protester.

Ces genres de scènes sont aujourd’hui fréquentes à Lomé. On les rencontre surtout dans le cadre des litiges fonciers ou une partie fait recours aux "gros bras" pour se faire justice. C’est à croire que la Police et la Gendarmerie n’existent plus.

Le phénomène avait fait l’objet d’un communiqué rendu public par le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Yark Damehame, qui a dénoncé cet état de chose et appelé ces personnes à plus de responsabilité. Il n’a pas manqué d’inviter les populations à recourir aux forces de l’ordre dans de pareilles circonstances. Mais tout porte à croire que le ministre n’a fait que prêcher dans le désert. Le phénomène s’amplifie et continue de plus belle.

Les journalistes sportifs qui ont fait le déplacement sur le stade de Kégué le vendredi 10 septembre dernier lors du match Togo-Ghana, comptant pour la deuxième journée des éliminatoires CAN Maroc 2015, l’ont appris à leurs dépens. Les "gros bras" les ont fait souffrir le martyr. "C’est regrettable que les organisateurs puissent faire subir cela aux journalistes. Il y a la Police, mais ce sont ces gens qui ne respectent aucune règle qu’ils ont posté aux portails. Et ils nous embêtent et nous empêchent de faire correctement notre travail", a déploré un journaliste sportif sur une chaîne de la place.

Comme quoi, les "gros bras" sont une force qui tend aujourd’hui à se substituer à l’autorité. Certains observateurs n’hésitent pas à les comparer aux milices qu’on a connues, entre-temps, dans ce pays et qui ont fait voir plein la vue à de paisibles populations.