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Belmokhtar et Droukdel à la lutte pour le Sahel

Libye - Societe
Un célèbre terroriste algérien s'est implanté en Libye, tandis qu'un autre opère plus près de chez lui. Mais leur plus féroce combat se déroule entre eux, alors qu'ils s'efforcent chacun d'apparaître comme le fils préféré au Maghreb d'al-Qaida Central.
Et leur lutte vise même à s'attirer les meilleures faveurs de la presse.

Le terroriste le plus recherché au Maghreb a mis à profit l'anniversaire de la mort d'Oussama ben Laden pour prêter allégeance au successeur de ce dernier.

Mais cette déclaration d'allégeance de Mokhtar Belmokhtar à Ayman al-Zawahiri, qu'il a publiée sur des sites web islamistes, a été détrônée par un communiqué de son ancien chef et actuel rival.

Belmokhtar (alias Laaouar) et Abdelmalek Droukdel dépensent leur énergie à tenter de s'effacer mutuellement.

Le 1er mai, al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), l'organisation de Droukdel, a revendiqué l'embuscade d'Iboudrarène qui a tué onze soldats algériens le mois dernier.

Ce communiqué a été publié en ligne un jour après que son ancien protégé et principal rival ait juré fidélité au docteur égyptien al-Zawahiri. Cette déclaration de Belmokhtar affirme sa "foi dans la politique" du successeur d'Oussama ben Laden.

"La revendication d'AQMI sonne comme une réponse au communiqué de Belmokhtar", explique Ameur Ali, spécialiste des questions de sécurité.

"La branche maghrébine d'al-Qaida souhaite atteindre deux objectifs : apparaître de nouveau dans les médias pour affirmer qu'elle est encore capable de lancer des attaques, et répondre implicitement à Belmokhtar pour confirmer qu'elle est le bras officiel d'al-Qaida dans la région", ajoute-t-il.

Pour les analystes, les récentes décisions de Belmokhtar, notamment la fusion de sa brigade des Signataires par le sang avec le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), et la création des "Mourabitounes", témoignent de son désir d'obtenir la bénédiction d'al-Qaida pour diriger son bras armé au Sahel.

"Mokhtar Belmokhtar refuse d'être sous le commandement de l'émir d'AQMI", explique le spécialiste de la sécurité Mohamed Samim. Laaouar souhaite seulement suivre le patron d'al-Qaida Central et montrer que c'est lui, et non Droukdel, qui est l'homme fort dans le désert et au Sahel, ajoute-t-il.

"Tous les mouvements et toutes les opérations militaires de Belmokhtar sont menés en son nom, et il en revendique la responsabilité au nom de son propre groupe et non d'AQMI", poursuit cet analyste.

Dès le départ, Belmokhtar a refusé de traiter avec al-Qaida par l'intermédiaire de sa branche maghrébine, préférant traiter directement avec le chef d'al-Qaida, explique Samim.

"C'est ce qu'il a fait lorsqu'il a envoyé certains de ses combattants en Libye pour combattre contre le régime de Kadhafi, en réponse à un appel lancé par al-Qaida. Il en a pris la décision avant que l'émir d'AQMI n'ait lancé ses ordres, ce qui avait été perçu comme une rébellion contre la branche maghrébine d'al-Qaida", explique-t-il à Magharebia.

Selon le chercheur universitaire Amar Abderahmane, "Belmokhtar met son groupe à la disposition du leader d'al-Qaida selon une stratégie de rupture avec AQMI."

"Il veut être le numéro un, l'homme recommandé par l'organisation-mère pour lancer le projet d'un émirat islamiste depuis le sol libyen, après l'échec de cette tentative depuis le Mali", ajoute-t-il.

La Libye, nouveau tremplin du terrorisme
"Il existe un conflit entre ceux que l'on considère comme les faucons d'al-Qaida. La preuve en est le retrait de Laaouar d'al-Qaida et la création de l'Emirat du désert. Ce retrait est intervenu à la suite de fortes dissensions entre Laaouar et le leader de l'organisation, Abdelmalek Droukdel", souligne le journaliste Anfar Ould Sidi.

Après que le Mali soit devenu inhospitalier pour Belmokhtar à la suite de l'intervention militaire internationale, le terroriste borgne a considéré la Libye comme un terrain favorable. Mais sa volonté de surpasser son ancien patron avait vu le jour longtemps avant que ses combattants ne subissent de sévères revers au Mali.

Il avait considéré l'opération contre le complexe gazier d'In Amenas en Algérie, l'hiver dernier, comme un moyen de faire apparaître sa disponibilité à diriger le bras militaire d'al-Qaida. C'était également "un message fort et clair adressé à Droukdel", ajoute Ould Sidi.

"Cette lutte à laquelle nous assistons en Syrie pourrait être transférée au sein d'al-Qaida au Maghreb. Cela est vrai en particulier pour les organisations qui ne se trouvent pas sous sa protection mais ont des affinités avec lui, comme Ansar al-Sharia en Libye et en Tunisie. Lorsque ces querelles atteindront des niveaux similaires à ceux que nous voyons en Syrie, nous verrons alors peut-être la lutte se développer entre eux."

"N'oublions pas que les questions de leadership et les différences de certains points de vue alimentent la guerre entre ces groupes en Syrie. Al-Qaida au Maghreb islamique n'est pas loin de la version syrienne d'al-Qaida", ajoute-t-il.

Pour Bakary Sambe, directeur de l'Observatoire de l'extrémisme et des conflits religieux à l'Université Gaston Berger du Sénégal, les raisons qui ont poussé Belmokhtar à partir pour le sud de la Libye sont évidentes.

"Le sud de la Libye est, depuis un certain temps déjà, un territoire sans loi, qui échappe au contrôle de l'Etat. C'est la raison pour laquelle les éléments radicaux d'al-Qaida se sont regroupés dans cette région après que les forces françaises aient lancé l'Opération Serval", ajoute cet universitaire.

Laaouar constitue encore une menace très importante pour la région du Sahel, explique Sambe à Magharebia, simplement en "restant en vie".

Et alors que l'insécurité augmente en Libye, ce pays présente un environnement encore plus favorable pour les groupes terroristes, explique le journaliste mauritanien Bilal Mustafa.

"Les habitants du sud de la Libye craignent ces groupes, parce qu'ils les contraignent à garder le silence, faute de quoi ils sont massacrés", précise-t-il. "Il ne fait aucun doute que nombre de ces éléments travaillent pour le compte de Laaouar, selon ce qu'affirment secrètement les habitants."

"De plus, certains jeunes travaillent avec eux en identifiant des chemins et des routes sûrs, et en les conseillant sur les vêtements à porter pour éviter d'être repérés par les drones qui survolent le sud libyen", ajoute-t-il.

Selon Merzak Tigrine, journaliste au quotidien algérien Liberté, "en trouvant refuge en Libye, Belmokhtar suit les pas de plusieurs islamistes qui ont implanté leurs bases dans le pays après avoir été chassés du Nord-Mali."

"Avant même de rompre les liens avec AQMI fin 2012, Belmokhtar avait manifesté le vague désir de développer des réseaux libyens", souligne Dominique Thomas, l'auteur de "Les Hommes d'al-Qaida".

"Belmokhtar a été critiqué au sein de l'organisation pour préférer s'intégrer dans le paysage local, notamment en acceptant de se livrer à des trafics", ajoute cet analyste.

Cela constitue une atteinte sérieuse à la ligne officielle d'AQMI, expliqu