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Al-Qaida au Maghreb déchirée par l'EIIL

Afrique du Nord - Politique
L'appel lancé par Abu Bakr al-Baghdadi à tous les jihadistes, leur demandant de prêter allégeance à son soi-disant califat, divise la branche maghrébine d'al-Qaida.
La sécurité au Sahel pourrait désormais dépendre du fait que les groupes terroristes dans la région tournent le dos à al-Qaida et prêtent allégeance à l'Etat islamique (EIIL) auto-proclamé.

Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) est divisée entre ceux qui considèrent al-Baghdadi comme leur nouveau leader et ceux qui préfèrent rester sous la bannière de l'organisation-mère al-Qaida dirigée par Ayman al-Zawahiri.

Ces luttes intestines ont commencé mi-juillet, lorsque le leader d'AQMI Abdelmalek Droukdel (alias Abou Moussaab Abdelouadoud) a décidé de ne pas rallier son groupe à l'organisation terroriste d'al-Baghdadi au Levant.

Il a refusé de reconnaître l'Etat islamique, préférant renouveler son allégeance à al-Zawahiri.

Ce rejet par AQMI du califat islamique a été rapporté par le Groupe de renseignement SITE, qui surveille les activités des islamistes radicaux sur l'internet.

Comme l'affirme le communiqué d'AQMI : "Nous confirmons que nous maintenons notre allégeance à notre sheikh et émir Ayman al-Zawahiri. C'est une bay'ah fondée sur la Sharia, envers laquelle nous sommes engagés, et nous n'avons rien vu qui pourrait nous inciter à la révoquer."

En revanche, des désaccords sérieux au sein d'AQMI à la suite de ce renouvellement d'allégeance pourraient conduire à la destitution de Droukdel.

Selon le quotidien algérien El Khabar, plusieurs membres du Conseil des anciens d'al-Qaida ont déjà apporté leur soutien à l'EIIL. D'autres détracteurs de Droukdel se prépareraient à prêter allégeance à al-Baghdadi et à fonder une branche de l'Etat islamique au Maghreb.

"Il est naturel que Droukdel rejette ce califat, dans la mesure où il dirige une organisation qui a sa propre manière de planifier et de déterminer ses objectifs", explique Sid Ahmed Ould Tfeil, spécialiste de l'idéologie salafiste.

"Droukdel tire sa légitimité de sa loyauté à al-Qaida Central, fondée par Oussama ben Laden, et a encore ses affiliés au Maghreb", ajoute-t-il.

Un autre motif de désaccord est le comportement du groupe terroriste d'al-Baghdadi.

"L'Etat islamique utilise des manières plus dures, plus folles, plus haineuses et plus agressives, ce qui cause un grand tort à l'image du jihad adoptée par la plupart des autres groupes, qui s'attachent à des cibles spécifiques, comme des soldats, des dirigeants militaires, des casernes, etc.", ajoute Ould Tfeil.

"Les méthodes de l'EIIL ternissent l'Islam en visant différentes sectes musulmanes et non musulmanes", ajoute-t-il.

Selon certains observateurs, le refus de Droukdel de prêter allégeance à al-Baghdadi distingue AQMI des autres groupes jihadistes au Maghreb et au Sahel. L'EIIL compte désormais Ansar al-Sharia en Tunisie et Boko Haram au Nigeria au nombre de ses alliés.

Les pays du Maghreb ont renforcé les mesures de sécurité autour des ambassades et des intérêts occidentaux pour les protéger contre d'éventuelles attaques commises par des éléments affiliés à l'EIIL.

L'EIIL ne trouvera pas facilement des sympathisants au Maghreb du fait de ses méthodes et de sa violence, suggèrent les analystes. Mais les groupes terroristes favorables à al-Baghdadi pourraient décider d'unir leurs efforts.

Plusieurs pays ont renforcé leur surveillance aérienne et par satellite du Sahel pour tenter d'identifier le lieu d'un sommet attendu des principaux groupes jihadistes dans la région, a indiqué le quotidien El Khabar.

De fait, la proclamation du califat par l'EIIL pourrait précéder la déclaration de l'Etat islamique d'Afrique, indique le journal citant une source proche de la sécurité.

Un autre facteur entre également en ligne de compte : le retour des jihadistes de l'EIIL de Syrie et d'Irak dans leurs pays d'origine au Maghreb.

Comme l'estime Jamal Laribi, observateur des médias algérien spécialisé dans les questions de sécurité au Sahel, ces combattants qui reviennent "sont nombreux et les forces de sécurité des pays du Maghreb ne disposent d'aucune base de données précises les concernant".

"Ils sont plus dangereux qu'AQMI parce qu'ils ont fait l'expérience du combat dans les rangs des leaders de l'Etat islamique d'Irak et du Levant, et parce qu'ils se sont familiarisés à l'emploi de différents types d'armes", explique-t-il.

La Libye en particulier connaît un afflux notoire d'anciens combattants de l'EIIL et d'autres fidèles à son idéologie, ajoute-t-il.

"La plupart des partisans de l'EIIL en Libye sont actifs dans les rangs d'Ansar al-Sharia. Si ces groupes se rencontrent, ils seront en mesure de former un facteur humain et géographique susceptible de menacer le Sahel, voire d'inquiéter directement l'Europe."

Ce spécialiste des médias algérien met en garde sur le fait que l'idée de voir les organisations terroristes dans la région prêter allégeance à l'EIIL n'est pas fortuite. Il en veut pour preuve la rencontre dans la ville portuaire libyenne de Derna entre Abou Iyadh, le leader d'Ansar al-Sharia en Tunisie, et les combattants jihadistes rentrés de Syrie.

L'objet de cette rencontre était de mettre en place une nouvelle organisation alliée à l'EIIL.

Elle devrait être baptisée EIMI, "Etat islamique au Maghreb islamique".

Ces organisations jihadistes "se combattent et se concurrencent entre elles", explique cet analyste algérien.

"Ces désaccords ont commencé à s'intensifier avec le retour de certains éléments de Syrie, notamment dans la mesure où certains d'entre eux ont osé critiquer la politique d'AQMI, estimant qu'elle n'est pas conforme aux enseignements du jihad adoptés par l'EIIL. Ils affirment qu'AQMI ne gagnera pas parce qu'elle ne respecte pas la Sharia", ajoute-t-il.

"Les organisations terroristes cherchant toujours une couverture censée leur conférer une certaine légitimité, il était naturel qu'elles déclarent allégeance à al-Baghdadi et à l'EIIL", indique à Magharebia l'analyste mauritanien Abdallah Ould Sidi Mohamed.

"Cela leur apporte un soutien moral, après les chocs qu'ils ont subis dernièrement, que ce soit sous la forme de frappes militaires ou par suite de l'érosion interne et des conflits de pouvoir", ajoute-t-il.

Pour autant, Jérôme Pigné, de l'Institut des relations internationales et de la diplomatie à Paris, estime improbable de voir AQMI décider un jour de proclamer un "Etat islamique au Sahel", parce qu'une telle décision ne ferait que renforcer l'attention portée à ce mouvement par les forces de sécurité nationales et internationales.