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DOMESTIQUER ‘’LA RESPONSABILITE DE PROTEGER’’: QUEL ENGAGEMENT POUR LE TOGO ?

Togo - Opinions
Pierre-Claver Akolly A. DEKPOH
Depuis la Convention de Genève à la fin du 19ème siècle, le débat sur le concept de la ‘’Responsabilité de Protéger’’ s’est accentué puis accéléré après la seconde guerre mondiale. Il a été relayé par d’autres tribunes et instances dès la fin de la guerre froide notamment par le Conseil de sécurité des Nations Unies qui proposait dès lors l’autorisation d’actions énergiques et parfois coercitive dans les Etats récalcitrants et fragiles. Dès 1999 le besoin de mettre en place une nouvelle norme acceptée par la majorité afin de faire face aux atrocités se fera sentir.
Au départ, les divisions sur les principes liés au droit international et aux intérêts politico-économiques se sont imposées pour freiner l’élan d’un débat axé sur la sécurité des populations. Durant toute la période des années 90, cette division qui opposait les partisans du droit à l’intervention humanitaire et ceux de la souveraineté de l’Etat s’est emparée de l’ONU. Or, la souveraineté ne veut pas seulement dire ‘’non ingérence’’ mais aussi le devoir de protéger les populations, victimes collatérales des conflits.
La question normale qui devait guider les divers acteurs à accorder les violons devrait plutôt être de savoir si la souveraineté de l’Etat primait sur l’importance de la vie humaine.
Sous l’impulsion du Secrétaire Général avec l’appui du gouvernement Canadien, la Commission Internationale de l’Intervention et de la Souveraineté de l’Etat (CIISE) a été mis en place en 2000 pour plancher sur la question. Le rapport de 2001 de la CIISE énonce le principe de la « Responsabilité de Protéger » axé non pas sur le droit d’intervention des tiers, mais sur la responsabilité de tous les Etat de protéger les personnes contres les insécurités.
Les différentes personnalités et le Secrétaire Général Kofi Annan se sont activés pour voir la « Responsabilité de Protéger » adoptée à l’unanimité dans le document final par l’Assemblée Général pour le soixantième anniversaire de l’ONU en 2005 en dépit des mauvaises querelles liées aux incompréhensions des uns et à la sauvegarde des intérêts des autres.
La Responsabilité de Protéger est donc une norme qui vise à faire en sorte que la communauté internationale ne manque plus jamais à son devoir d’agir face aux génocides, crimes de guerre, nettoyages ethniques et les crimes contres l’humanité ainsi que les autres formes de violations caractérisées des droits de l’homme.
Elle s’est donné dès lors trois moyens principaux à savoir ; la prévention, la réaction et la reconstruction. A travers ces trois moyens, La norme prévoit que les Etats ont l’obligation de protéger leurs citoyens des atrocités massives, que la communauté internationale doit les y aider et que si l’Etat concerné ne fait pas le nécessaire, la responsabilité en revient à l’ensemble des Etats. Il faut donc y voir non seulement une promesse solennelle mais un engagement, donc un devoir historique des dirigeants de chaque pays envers tous les hommes et femmes exposés aux atrocités massives.
Malheureusement, les atrocités se sont multipliées et intensifiées ces dernières années malgré la multiplication de la mise en place de mécanisme et instruments de prévention et d’action en matière de sécurité humaine. Les cas du Liberia, de la Côte d’ivoire, du Rwanda avec les dernières complications par les actes terroristes (Boko haram et AQMI au Nigéria, Mali et Niger) en sont l’illustration. On ne peut pas à ce jour passer sous silence l’inquiétante façon diplomatique dont la crise actuelle en UKRAINE est entrain d’être gérée, ainsi que la manière passive dont elle appréhende les récents conflits en Palestine.
La communauté internationale reste jusqu’à ce jour impuissante ou inactive face à ces atrocités. Les intérêts politico-économiques n’ayant pas jusqu’à ce jour permis aux acteurs de sortir de leurs carcans pour permettre le développement intégral des populations à travers une paix durable dans tous les quatre coins du monde. Il est aujourd’hui très urgent pour être plus pratique de rassurer les acteurs qui continuent par hésiter pour activer leurs réels engagements en précisant les différents moyens et conditions d’actions surtout en matière d’intervention.
Aussi compliquée que puisse paraître l’opérationnalisation de la norme RdeP, elle offre quand même un moyen facile à tenir pour son aboutissement. Les acteurs nationaux et internationaux devront s’intéresser le plus à la prévention qui est à en croire plusieurs bonnes volontés et analystes, le chemin le plus sûr et le plus durable de préserver la quiétude et la paix sur tous les plans.
Pour y parvenir, les Etats devront prendre des dispositions pour la domestication de la norme en posant des bases et des actes sur tous les plans (national, sous régional, régional et internationale).
Les mêmes défis se présentent pour l’Afrique malgré les pas posés par l’institution de certains mécanismes ou instruments.
Même si au départ, l’OUA était considérée comme un groupe de dictateurs africains. Une orientation nouvelle a été adoptée avec l’avènement de l’UA par une implication de tous les africains. L’UA portait déjà les principes de la RdeP et est considéré comme le cœur et l’âme du concept. Le Conseil pour la paix et la sécurité, par son mandat et ses fonctions tient compte de la promotion de la paix à travers l’alerte précoce, l’intervention humanitaire, le maintien de la paix, pour ne citer que ceux-là. Ceci, par la mise en place de l’Architecture pour la Paix et la Sécurité en Afrique (APSA) qui prévoit la non intervention sauf en matière de grosses violations des droits de l’homme. Son article 4 insiste sur les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l’humanité.
On peut retenir que des progrès ont été réalisés par le passage de l’OUA à UA mais les structures n’ayant pas d’effet coercitives ne permettent pas l’effectivité ou la facilité d’opérationnalisation de la norme pour atteindre des résultats probants.
Au niveau de la CEDEAO on remarque une similitude d’architecture par rapport à l’UA appuyée par le « protocole de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ». Un protocole qui tient principalement compte de la prévention. Mais la récurrence des crises dans la sous région a fait ressurgir les doutes car les foyers d’atrocités ne cessent de se multiplier et les crises sont loin d’être cernées. Des craintes subsistent aussi quant à la crise humanitaire qui peut se généraliser à n’importe quel moment si des cadres plus élaborés ne se constituent pas pour ouvrir la porte à l’opérationnalisation de la norme.
Au Togo, la constitution en vigueur prend en compte par son préambule la RdeP à l’interne comme à l’externe. Elle insiste sur la solidarité à la communauté internationale et aux peuples africains. Elle affirme la détermination de tout le peuple à coopérer dans la paix, l'amitié et la solidarité avec tous les peuples du monde épris de l'idéal démocratique, sur la base des principes d'égalité, de respect mutuel et de la souveraineté, ainsi que son engagement résolu à défendre la cause de l'Unité Nationale, de l'Unité africaine et à œuvrer à la réalisation de l'intégration sous-régionale et régionale.
L’article 13 de la même constitution vient tout couronner en disposant : « L'Etat a l'obligation de garantir l'intégrité physique et morale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national.
Même si beaucoup de défis restent à relever, des dispositions son prise pour traduire l’esprit de la constitution à cet effet notamment par:
La loi du 13 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique ou dans les lieux publics,
Le décret 2013-013/PR du 06 mars 2013 portant règlementation du maintien et du rétablissement de l’ordre publique même si ce décret ne met pas l’accent sur la sécurité humaine.
Depuis 2012 la volonté du gouvernement togolais se traduit de plus en plus par des engagements liés à la sécurité humaine notamment la lutte contre le terrorisme.
Le chef de l’Etat, a tout récemment lors de son traditionnel discours à la nation du 31 décembre 2013 et à l’occasion du 54ème anniversaire de l’indépendance du pays réitéré son engagement à accorder une place importante à la lutte contre le terrorisme pour être à la hauteur des défis que posent les réseaux criminels et terroristes mettant en mal la quiétude des populations.
Il est encore revenu sur cet aspect lors de la tenue du grand rapport des Forces Armées Togolaises (FAT) à Lomé le 05 juin 2014 en s’adressant à l’armée en ces termes : « … Je suis venu vous annoncer en premier mon ambition de renforcer la résilience de la nation face aux tumultes et incertitudes du monde, face aux vulnérabilités, anciennes et nouvelles qui continuent de peser sur la stabilité de notre sous-région, et face aux défis multiples qui se posent quotidiennement à la sécurité de nos populations… » A cette même occasion, il a parlé de la refondation de l’armée qui constitue un sujet très important car depuis plus de 20 ans un fossé s’est creusé entre la population togolaise et les FAT souvent accusées d’immixtion dans les débats politiques et indexées dans les cas d’atrocités notamment, celles de 2005 suite à l’élection présidentielle qui a fait compter 154 à 811 morts, plus de 40 000 refugiés et la dégradation de biens publics et privés. La mise en place d’une armée professionnelle et républicaine est un élément clé dans la domestication de la RdeP.
Si les autorités togolaise portent ces ambitions, elles ne devront pas seulement faire les échos des tribunes solennelles pour finir dans les tiroirs des bureaux de l’exécutif ni du législatif. Il faut sortir de la tradition des beaux discours pour aller à la culture des actions concrètes dans un cycle nouveau permanent du « penser, émettre et concrétiser).
Ceci permettra d’emballer dans un élan de vraie réconciliation et de reconstitution du tissu social, la population qui est restée dubitative depuis ces dernières années de la bonne foi de ses dirigeants tant les stigmates des atrocités subies depuis des années sont restées dans les corps, les esprits et ont fini par envahir les âmes.
Les togolais quant à eux, dans leur expression de l’amour pour la patrie devront faire l’effort chacun à son niveau en ce qu’il est et en ce qu’il fait de contribuer à la cohésion et à la paix sociale.
Il ne devrait plus s’agir des relations d’antagonisme ni de rapport de force, ni de victorieux ni de perdant. Car la paix sociale est un bien commun, c’est ensemble qu’on la conquiert, c’est ensemble qu’on la sauvegarde et c’est ensemble qu’on en jouit.
Le Togo étant longtemps considéré comme un pays de paix, ces habitants doivent savoir dans un élan patriotique se lever en laissant de côté les intérêts individualistes et partisans afin d’œuvrer pour la pose des jalons de la prévention des atrocités à l’intérieur des frontières nationales pour enfin contaminer de paix, la sous-région et le reste du monde.
Les élections ne doivent plus être des occasions de heurts qui conduisent à l’enregistrement des blessés, des morts ou des déplacés mais plutôt doivent constituer des moments de nouveaux contrats sociaux pour une marche vers les horizons du développement.
Pour réussir, les acteurs devront saisir le moyen de la prévention des atrocités car c’est une grande chance pour le Togo de ne pas jusqu’à ce jour entrer dans la logique de conflit armée. L’histoire a démontré que c’est toujours difficile de relever un pays des séquelles de la guerre.
A cet effet, l’engagement et l’effort de chaque acteur sont requis pour la prévention des difficultés sociales.
Le gouvernement devra poursuivre ses efforts et poser les bases sûres et durables de bonne gouvernance, d’égalité et de sécurité sociale afin de donner des signaux forts de bonne volonté vers la paix et la sécurité.
Pour les honorables députés à l’Assemblée Nationales, il faudra accentuer le contrôle de l’action gouvernementale et initier des lois devant garantir la protection et la paix civile.
Quant à l’ensemble de la classe politique, il s’agira de sortir des sentiers battus de l’intérêt partisan et de se lancer véritablement par un élan patriotique dans l’éducation des partisans et dans un dialogue qui permet de replacer le Togo dans un réel contexte démocratie et d’unité nationale.
Un grand devoir incombe à la société civile et les médias qui doivent non seulement s’approprier la norme RdeP, la vulgariser au sein de la population et faire le plaidoyer auprès des autorités pour l’effectivité de la domestication de celle-ci dans un devoir de recherche permanente de la paix.
Il sera donc très important de part et d’autre pour réussir, d’évaluer les acquis qui contribuent à la prévention des atrocités donc à la prise en compte de la RdeP afin d’élaborer un plan d’action national de prévention et de solidarité nationale, sous-régionale, régionale et internationale.
Puisse la lettre de l’apôtre Paul aux Ephésiens 5, 16-17 inspirer les uns et les autre « Rachetez le temps; car les jours sont mauvais. C'est pourquoi ne soyez pas sans prudence, mais comprenez quelle est la volonté du Seigneur ».
L’échéance ne doit donc pas être demain mais aujourd’hui car à chaque jour peut naître un élément nouveau. La tenue prochaine de l’élection présidentielle est un élément qui doit donner de commencer dès à présent à œuvrer pour la cohésion nationale et la paix sociale. C’est là le point d’un nouveau départ.

L’Eternel bénisse le Togo !

Pierre-Claver Akolly A. DEKPOH
Administrateur de projets
Expert en RdeP
Directeur Exécutif de CCDD