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Entretien/11 questions chocs au chef de file de l’opposition Jean-Pierre Fabre : « Nous ne voyons aucun intérêt à l’implication de la CEDEAO, si… »

Togo - Politique
Peu avant son départ le samedi 03 novembre pour Conakry où se tient la 3ème réunion du Comité de Suivi de la CEDEAO, le chef de file de l’opposition togolaise a fait le tour dans un entretien à la Rédaction de Le Correcteur, sur les principaux sujets brûlants de l’actualité. Du dernier voyage reporté sur la Guinée à l’état de siège à Sokodé en passant par l’audit annoncé du fichier électoral par des experts de la CEDEAO, le blocage à la recomposition paritaire de la CENI, Jean-Pierre Fabre dans un langage direct qui lui est propre, a tout dit. Pour le Président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) « nous ne voyons aucun intérêt à l’implication de la CEDEAO, si cette implication doit se traduire par l’amplification de la crise à notre détriment ».
Monsieur Fabre, que répondez-vous à vos adversaires qui affirment que c’est vous qui faites obstruction aux réformes institutionnelles et surtout à la mise en place de la CENI paritaire préconisée par la facilitation ?

C’est le monde à l’envers. C’est plutôt le gouvernement qui se livre, avec la complicité de son allié, l’Union des Forces de Changement (UFC), à des manœuvres dilatoires d’une puérilité déconcertante. Le 23 septembre dernier, lors de la réunion du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO, il nous a été demandé de communiquer à l’Assemblée Nationale, au plus tard le 30 septembre, la liste des 8 membres de l’opposition devant siéger à la CENI, que toutes les parties veulent inclusive et paritaire. Nous avons remis cette liste en respectant le délai imparti. Et depuis plus d’un mois, la CENI nouvelle incluant les représentants de l’opposition n’est pas installée. On nous explique qu’il y a un blocage dû à la contestation de la liste des représentants de l’opposition, par l’UFC, qui a signé le 26 mai 2010, un « accord de partage du pouvoir » avec le parti RPT/UNIR, et qui, depuis 8 ans, est un fidèle allié du régime en place, votant régulièrement la confiance à tous les gouvernements, votant, les yeux fermés, toutes les lois notamment le budget, disposant de ministres au gouvernement, de préfets, menant campagne avec le RPT/UNIR pour Faure Gnassingbé, etc.

Ce parti se dit de l’opposition et revendique une place à la CENI au titre de l’opposition. Et pour couronner cette plaisanterie, l’UFC réclame que l’ANC lui cède une de ses places. Évidemment, pour nous c’est inacceptable. Et même indécent. Je peux vous assurer que nous n’accorderons jamais cette place à l’UFC. Cette situation, créée par le RPT/ UNIR et son allié, ne peut nous être imputée. Elle constitue une violation d’une décision du Comité de suivi qui a réparti les places à la CENI entre les protagonistes du dialogue, sur une base paritaire, pour une fois. Vous voyez bien que nous ne faisons aucune obstruction. Nous ne céderons à aucun subterfuge. Nous ne lâcherons rien sur ce que nous considérons comme fondamental dans l’organisation d’élections libres, équitables, transparentes et démocratiques. Et la parité dans la composition de la CENI en fait partie.

Donc d’après vous, l’UFC n’est pas un parti de l’opposition ?

Comme je viens de le dire, ce parti a signé un accord de « partage du pouvoir » avec le régime RPT/UNIR. Il ne peut partager ce pouvoir, donc l’exercer, et s’y opposer à la fois. Le RPT/UNIR et l’UFC invoquent la loi portant statut de l’opposition comme argument à l’appui de leur position selon laquelle l’UFC est un parti de l’opposition. Accepter cette plaisanterie, c’est accepter que le gouvernement togolais remette en cause par des lois farfelues, votées par sa majorité parlementaire, tous les principes républicains universellement reconnus.

C’est à la limite, accepter que demain, le parti UNIR lui-même se déclare parti de l’opposition, en vertu de cette loi insensée ! Vous voyez bien que c’est ridicule ! Le culot et le cynisme avec lesquels cette position absurde est défendue par les deux complices, le RPT/UNIR et l’UFC, témoignent du niveau de la déchéance morale dans laquelle, le régime mis en place par les Gnassingbé depuis plus de 50 ans, a plongé notre pays. Voir les complices d’une dictature implacable, acolytes zélés d’un régime monstrueux et assassin, s’exhiber comme tels, avec arrogance, au cours d’une conférence de presse et revendiquer intempestivement un statut d’opposants, relève d’un pur cynisme et fait froid dans le dos. On croirait Pétain, en son temps, se vanter d’être le plus farouche résistant à l’occupant nazi.

Que vous inspire le refus de l’Assemblée nationale, le 22 octobre dernier, d’entériner le choix du 3ème représentant de l’ANC à la CENI ?

J’ai envie de vous répondre que cet acte révoltant m’a fait plutôt sourire. Et me réconforte ! En vérité, le RPT/UNIR a révélé le 22 octobre dernier, sa nature hideuse à ceux qui, au sein de la communauté internationale, ne la connaissaient pas ou en doutaient encore. Je répète que le coup de force auquel le RPT/UNIR s’est livré, à l’Assemblée nationale le 22 octobre dernier, est une violation flagrante et grave de l’une des recommandations du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO, tenu le 23 septembre 2018.

La procédure du passage par l’Assemblée Nationale est une formalité de validation des choix des deux camps et ne saurait permettre à l’un des protagonistes de s’immiscer dans les choix de l’autre. Le fait accompli est pour nous inacceptable. La situation demeurera bloquée tant que le RPT/UNIR et son complice l’UFC, ne mettront pas fin à cette mascarade indécente. La démonstration vient d’être apportée par le RPT/UNIR, que le contrôle de la CENI fait partie, avec le recensement fantaisiste et inique, de sa stratégie de fraude électorale. Voilà pourquoi, il ne saurait être question de reculer devant ce coup de force qui a achevé de discréditer le processus électoral unilatéral mené envers et contre tout et au pas de charge par le RPT/UNIR.

Pensez-vous que vous êtes compris par la communauté internationale, notamment par les facilitateurs et la CEDEAO ?

Oui je le pense. Voyez-vous, les deux facilitateurs, les Président Akufo-Addo et Condé, qui ont passé eux-mêmes beaucoup de temps dans l’opposition dans leur pays, avant d’accéder au pouvoir, l’ignorent certainement rien de l’âpreté de la lutte politique et des obstacles à franchir pour de bonnes élections en Afrique. De plus, ils ont fini par connaître toutes les facettes du régime togolais. Ceux qui ont fait le pari, très risqué, de régler la crise togolaise par des élections législatives, ne doivent rien négliger pour que les résultats de ces élections ne souffrent d’aucune contestation. Personne ne se présente à une élection pour faire plaisir. Il faut comprendre que nous ne nous présenterons pas à ces élections pour faire plaisir à la communauté internationale.

Nous faisons preuve d’un total respect à l’égard de tous nos interlocuteurs, mais nous n’oublions pas que nous portons les aspirations des populations togolaises à la liberté, à la dignité, à l’Etat de droit et au bien-être et que nous devons également faire preuve d’une extrême vigilance et de fermeté. Nous ne voyons aucun intérêt à l’implication de la CEDEAO, si cette implication doit se traduire par l’amplification de la crise à notre détriment, c’est-à-dire à un recul de nos positions d’avant l’entrée en scène de la CEDEAO. Et surtout, si rien ne change dans l’organisation des élections.

Vous voulez dire que votre parti ne prendra pas part aux prochaines législatives prévues pour le 20 décembre?

Il faut être un doux rêveur et manquer du sérieux le plus élémentaire, pour penser que ce scrutin se tiendra le 20 décembre 2018. Avec toutes les questions qu’il reste à régler, notamment la mise en place effective de cette CENI paritaire et inclusive avec une présidence neutre, de préférence étrangère, la reprise du recensement unilatéral de la CENI RP/UNIR, le mode de scrutin, le redécoupage électoral, un chronogramme consensuel etc. Il faut méconnaître profondément l’ampleur de la crise togolaise et la détermination de l’opposition qui incarne les aspirations des populations à l’alternance, pour croire que nous braderons plusieurs années de lutte politique âpre, contre des élections-formalités, pour nous retrouver dans la même situation.

Le Ministre Bawara assure que les législatives auront bien lieu à cette date.

C’est la preuve qu’il n’est pas préoccupé par la qualité des élections qui doivent être une compétition et que seules l’intéressent, des élections formalités, au pas de charge, comme par le passé, qui maintiendraient au pouvoir le régime qu’il sert avec autant de zèle. Nous ne courons pas après des sièges de député mais nous œuvrons à l’instauration de la démocratie, de l’Etat de droit et de l’alternance dans notre pays.

Ne pensez-vous pas qu’avec une telle attitude, vous allez susciter l’hostilité des chefs d’Etat de la CEDEAO et passer à leurs yeux pour des fauteurs de troubles ? Autant nous ne courons aucun risque de nous mettre à dos des Chefs d’Etat qui comprennent de mieux en mieux la profondeur de la crise politique togolaise, autant nous ne saurions craindre de passer à leurs yeux pour des fauteurs de troubles. Le comité de suivi nous a demandé de donner une liste au plus tard le 30 septembre 2018.

Nous avons tenu ce délai. Nous attendons la suite. En l’occurrence l’installation de la CENI, le démarrage effectif de ses travaux, l’adoption d’un chronogramme consensuel élaboré sur la base des normes et standards généralement admis. Et je rappelle que la CEDEAO elle-même dispose de ses propres normes en la matière. Donc voyez-vous, pour nous, les prochaines élections au Togo n’auront lieu que lorsque les conditions idoines, liées aux réformes politiques et électorales, seront réunies. Il est vrai que nous venons de perdre plus d’un mois, du fait de nos adversaires. Au demeurant, le Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO, estime qu’il faut éviter tout « fétichisme des dates ».

Certains observateurs de la vie politique, estiment que la crise actuelle procède de la haine viscérale existant entre l’ANC et l’UFC. D’autres encore, vous accusent d’avoir par votre gourmandise, permis à l’UFC de revendiquer une place dans l’opposition. Que leur répondez-vous ?

La seule question qu’il faut se poser est de savoir si un parti politique peut participer à un gouvernement et être dans le même temps dans l’opposition à ce gouvernement. Si la réponse est non, quel est l’intérêt d’invoquer une haine que vouerait l’ANC à l’UFC, si ce n’est pour tenter de nuire à l’ANC ? De même, à moins d’une volonté de salir l’image de l’ANC, il est absurde de tenter d’imputer la situation actuelle à une prétendue gourmandise de l’ANC. D’abord, il faut préciser que l’ANC a trois représentants à la CENI parce que c’est ce qu’une répartition équitable, lui attribue au sein de l’opposition parlementaire. Je rappelle que dans le temps, la même répartition attribua trois représentants au Groupe UFC qui comptait alors 27 députés.

Ensuite, à supposer aujourd’hui, que l’ANC n’ait qu’un seul siège au lieu des trois, cela ferait-il de l’UFC un parti de l’opposition qualifié pour prétendre aux sièges revenant à l’opposition parlementaire au même titre que l’ANC ou un autre parti de l’opposition ? Vous voyez bien que ce raisonnement est léger et malveillant ! Pardonnez-moi de noter au passage que de nombreux bavards cherchent toujours à parler de ce qu’ils ne maitrisent pas. Pour se donner l’illusion de l’importance qu’ils sont loin d’avoir, ils n’hésitent pas à affirmer ce qu’ils ne peuvent savoir ni démontrer. Voyez-vous, le statut actuel de l’ANC nous impose de travailler sans relâche pour contribuer à mettre un terme au système RPT/UNIR qui opprime les populations togolaises. Voilà à quoi nous consacrons toute notre énergie.

Personnellement, en tant que chef de parti et en tant que chef de file de l’opposition, je n’ai ni le temps ni la place pour cultiver une quelconque haine envers quelque parti que ce soit, fût-il l’UFC. Par contre, j’avoue que je suis peiné de voir ce parti se débattre pour démontrer qu’il n’est pas ce que tout le monde constate qu’il est devenu. Evitons de confondre la rigueur de l’engagement et de l’action politiques avec la haine.

Avez-vous une idée des raisons de l’annulation in extrémis, du rendez-vous de Conakry ?

Je m’en tiens au motif invoquée par la CEDEAO. A savoir l’indisponibilité de l’avion qui devait venir nous chercher à Lomé pour Conakry. Et le déplacement du Président Alpha Condé sur Berlin, le dimanche 28 octobre 2018. En vérité, ma nature m’incline surtout à m’interroger quotidiennement sur les stratégies que doit mettre en œuvre l’opposition pour en finir avec le régime RPT/UNIR. Voilà pourquoi, je suis passé rapidement à autre chose en me préoccupant plutôt de la meilleure manière d’exercer la pression adéquate sur le régime en place pour le ramener à la raison.

Que pensez-vous de la résurgence de la violence des forces de sécurité à Sokodé et plus généralement dans le nord du pays ?

Je condamne avec vigueur, ces violences exercées contre les populations. Ce qui se passe dans plusieurs localités de la partie septentrionale de notre pays est gravissime et intolérable. En effet, depuis le vendredi 26 Octobre 2018, l’état de siège de fait, instauré dans la préfecture de Tchaoudjo est renforcé. En particulier, les populations de la ville de Sokodé et ses environs sont à nouveau, victimes de la terreur et de la barbarie des forces de sécurité et de défense. Une violence gratuite, caractérisée à longueur de journées et de nuits, par des bastonnades et autres sévices corporels, des tirs d’armes de guerre, de grenades lacrymogènes assourdissantes. Au point que la ville se vide de sa population, contrainte à l’exil et à la clandestinité. Pour nous, ces violences planifiées et exécutées, participent de la stratégie de terreur mise en œuvre par le régime RPT/UNIR pour conserver le pouvoir. Cette stratégie réapparaît toujours à l’approche des échéances électorales.

La tentative d’assassinat du président fédéral de l’ANC dans la Kozah, dans la nuit du 15 octobre 2018, par des miliciens à la solde du pouvoir, l’interruption brutale de la réunion de la fédération ANC/Golfe Nord-D et l’arrestation musclée du président fédéral, des membres du bureau ainsi que des militants, le 20 octobre 2018, par un commando du SRI, procèdent de la mise en œuvre de cette stratégie de la terreur. La prise en otage et la détention arbitraire de responsables et militants des partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile, que le régime RPT/UNIR se refuse à libérer dans le cadre des mesures d’apaisement, préconisées par la CEDEAO et les parties au dialogue politique en cours, s’inscrivent dans la même logique. De même que les profanations des églises et des mosquées, qui sont mises à sac et incendiées. C’est le lieu de réitérer mon indignation et ma réprobation de la barbarie érigée en méthode de gouvernement. C’est également le lieu de dénoncer et de condamner fermement la recrudescence des forfaits perpétrés en toute impunité par les miliciens du régime, appuyés par les forces de défense et de sécurité. En exprimant ma compassion et ma solidarité avec les populations de Sokodé et de toutes les villes et localités assiégées et martyrisées, je demande la libération de toutes les personnes arrêtées.

J’appelle instamment le Ministre de la Sécurité à ses responsabilités dans la protection et la sécurité de tous les citoyens sans distinction. J’en appelle à la CEDEAO et aux Facilitateurs, pour aider à mettre un terme aux dérives du pouvoir RPT/UNIR, dérives annonciatrices de la réédition des massacres de populations de 2005.

Je demande aux populations togolaises, aux responsables, aux militants et aux sympathisants de l’opposition, de rester constamment mobilisés, de ne pas céder aux intimidations et de redoubler de vigilance, de détermination et d’ardeur pour mettre fin à un régime de terreur, de forfaiture et d’imposture.

Que pensez-vous de la lettre de l’ambassadeur de la CEDEAO au Togo, Garba Lompo, annonçant au Président de la CENI, le démarrage de l’audit du fichier électoral ?

Écoutez : ce courrier en date du 30 octobre 2018, du représentant permanent de la CEDEAO au Togo, nous laisse tous interrogatifs. Au point que la C14 a décidé d’en vérifier l’authenticité. C’est dire que c’est la chose la moins attendue de la facilitation par les populations togolaises, en ces moments où le dialogue politique en cours a visiblement besoin d’être relancé sur la base des fondamentaux liés aux mesures d’apaisement, aux réformes politiques et électorales, à la préparation et l’organisation consensuelles des élections, etc.

En tout état de cause, et je voudrais en rassurer l’ensemble des populations, la C14 ne saurait rien accepter ou décider, qui ne corresponde pas à leurs aspirations légitimes. En l’occurrence, ce recensement unilatéral, frauduleusement mené par une CENI non constituée, non paritaire et non inclusive est absolument inacceptable. Cette lettre étrange qui s’apparente à la validation par la CEDEAO d’un coup de force que nous condamnons fermement, nous rappelle l’attitude de cette institution en 2005, et nous amène à nous interroger sur l’objectif réel de la CEDEAO dans la crise actuelle. Je nous appelle tous à la plus grande vigilance. Nous rejetons fermement toute conclusion d’experts électoraux missionnés pour tenter de nous convaincre de la crédibilité d’une opération montée de toute pièce par une dictature qui n’hésite pas à mettre en œuvre tous les moyens déloyaux pour conserver le pouvoir.

Le régime RPT/UNIR n’est pas digne de confiance. Et nous n’avons aucune confiance dans une opération électorale menée unilatéralement par ce régime. Le processus électoral sera consensuel ou ne sera pas.

Entretien réalisé par Honoré ADONTUI