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Tabaski 2018 au Togo: Célébration sous crise chez les pauvres

Togo - Societe
Au Togo, la fête de la Tabaski, communément appelée fête des moutons, de son vrai nom, Aïd-el-kébir (Grande Fête) a été célébrée le mardi 21 août 2018 par tous les musulmans ou presque. En effet, dans certains quartiers de Lomé, les fidèles du Prophète Mahomet n’ont pas célébré « le sacrifice d’Abraham » de la même manière. La fête a été vécue de façon différente par les riches et les pauvres.
La fête du mouton commémore la force de la foi d’Ibrahim (Abraham dans la tradition judéo-chrétienne) à son Dieu, symbolisée par l’épisode où il accepte de sacrifier, sur l’ordre de Dieu, son unique fils Ismaël (dans la tradition judéo-chrétienne, le fils à sacrifier est Isaac). Pour célébrer cette date, les musulmans ont pour consigne de sacrifier un animal généralement le mouton. Mais ce n’est pas à la portée de toutes les bourses.

Avec un revenu journalier de moins un dollar par jour, tous les Togolais, les musulmans y compris, ne peuvent se procurer un mouton si le besoin se fait sentir. Pour la grande majorité de ces personnes, le seul moyen d’obtenir un morceau de viande est de se poster devant les portes des maisons des plus riches, qui, selon la religion, doivent en distribuer une partie aux pauvres. Issifou, vendeur ambulant de son état et père de 4 enfants, rencontré à la veille de la fête, ne pourra pas offrir à sa famille le mouton de Tabaski. En bon musulman, il ne se plaint pas. Car, le jour de cette fête, il fera « le porte-à-porte » avec son sac en bandoulière en récoltant les aumônes de viande recommandée par l’islam : le tiers du mouton aux pauvre. Il n’est pas le seul à faire le porte-à-porte pour recevoir ces aumônes. D’ailleurs, d’autres, plus stratégiques encore que lui, pour avoir une bonne part de ces aumônes, aident leurs voisins dans tout le processus de la préparation du mouton, du dépècement jusqu’au rôtissage. En fait, les pauvres trouvent avec la Tabaski une bouée de sauvetage.

Les pauvres ont fêté à leur façon

Hier dans le quartier de Bè, Hédranawoé et Kégué, tout est calme. Les habitants musulmans ont juste pour la plupart été à l’Aïd, la prière collective de la matinée du jour de la fête. La plupart des familles se contentent des petits poulets difficilement obtenus la veille pour faire la sauce. Pas de carcasses de mouton donc, encore moins de flambées parsemant les rues. D’ailleurs, vers 13h, les maisons se sont vidées. Hommes, femmes et enfants regagnent les quartiers des ‘’nantis’’, Agoè, Adétikopé dans la périphérie de Lomé où résident leurs proches. Pour d’autres, c’est pour chercher l’aumône. Aux environs de 15H une partie d’entre eux rentrent avec des sachets remplis d’entrailles de moutons, de victuailles, de peaux et têtes des bêtes égorgées. A ce moment seulement, la fête peut alors commencer pour ces pauvres.

A Amoutivé, un quartier à fort taux musulman, l’atmosphère est juste légèrement différente. Les concessions de ce quartier-refuge pour beaucoup de pauvres, mendiants ou handicapés, jouxtent quelques maisons bien loties. Outre les sacrifices observés dans ces dernières, plusieurs des familles pauvres se regroupent autour d’un mouton offert par un bienfaiteur. Certains aussi ont la chance d’avoir un mouton « uniquement pour eux » grâce à la générosité de quelque riche ou grande personnalité. C’est le cas de Moussa, père de deux enfants, par exemple qui a égorgé un mouton qu’un riche commerçant du grand marché lui a gracieusement offert.

Jongleries chez les salariés

Chez les fonctionnaires moyens, c’est toute une autre histoire. Très triste en vérité. Il n’y a qu’à voir leur désarroi devant les prix des moutons cette année. Les autorités n’ayant pris aucune mesure pour sécuriser le pouvoir d’achat des plus pauvres, les prix ont culminé jusqu’au seuil des 100 000 f CFA, excluant du coup les salariés moyens de la course. Jusqu’au dernier moment, beaucoup d’entre eux ont espéré un effondrement des prix à la veille de la fête. Mal leur en a pris… C’est donc avec le dépit, et non le mouton gras, qu’ils ont fêté. Pour un nombre, très limité de fonctionnaires, éparpillés dans certains quartiers plus ou moins cossus, la fête s’est relativement bien passée. Ils ont pu supporter le pic de la somme annoncée plus haut. A 14h déjà, les moutons, tués et dépecés rôtissaient déjà autour des feux. A vue d’œil, on peut déduire que le nombre de carcasses reflète assez raisonnablement la densité de la population. Les plus bourgeois sont confortablement assis dans des fauteuils en attendant les premiers morceaux cuits et observent les bouchers qui manient avec charme le travail de la viande.

Vers 16h, la plage de Lomé et certains lieux publics réservés pour les réjouissances populaires ont été pris d’assaut. Là, difficile de distinguer le pauvre du riche. Mais toujours est-il, certains sans le vouloir sont trahis par leurs habillements.

Koffi Miboussomékpo