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Aanalyse critique de la feuille de route édictée par la conférence des chefs d'État de la CEDEAO

Togo - Opinions
ANALYSE CRITIQUE DE LA FEUILLE DE ROUTE
EDICTEE PAR LA CONFERENCE DES CHEFS D’ETAT DE LA CEDEAO
LORS DU SOMMET DE LOME TENU LE 31 JUILLET 2018


Par Franck SINATRA Citoyen togolais

La présente réflexion se veut une analyse critique des recommandations contenues dans la déclaration de la Conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la situation socio-politique au Togo à l’issue de leur sommet tenu à Lomé le 31 juillet 2018.
Les points de la déclaration du sommet ayant fait l’objet de cette analyse sont ceux ci-dessous :

36. Progrès et acquis enregistrés

Ce point parle de la satisfaction avec laquelle la Conférence déclare noter des progrès et des acquis qui seraient enregistrés.

De quels progrès et acquis parle-t-on si à ce jour, une soixantaine de personnes croupissent toujours dans les goulags prétoriens du régime qui fait d’eux de véritables otages et des monnaies d’échange contre le silence et l’abdication du peuple togolais ? La levée de l’Etat de siège sur les villes de Sokodé, Bafilo et Mango et la possibilité constitutionnelle de manifester pacifiquement dans toutes les contrées du Togo sont-elles des réalités aujourd’hui ?

Les Togolais ont tous assisté la dernière semaine du mois de juillet 2018 à toutes les tracasseries imposées à la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition (C14) pour empêcher leur meeting à Atakpamé et à Kpalimé, ainsi que les interdictions opposées au Front Citoyen Togo Debout pour son meeting prévu à Lomé pour le 28 juillet 2018, la ville de Kara étant toujours inaccessible à toute activité politique de contestation du pouvoir.

On se pose encore la question de savoir où sont ces avancées et acquis tant vantés. Si acquis il y a eu, c’est bien la suspension des manifestations de rue gigantesques jadis organisées par la C14, lesquelles ont hissé le Togo à la une de la presse mondiale qui ne faisait pas de cadeau au régime.

38. Encouragement du Gouvernement à poursuivre les mesures de confiance et d’apaisement

Même si le langage diplomatique oblige, et que la Conférence ne peut pas donner des injonctions au régime RPT UNIR, il n’en demeure pas moins de mentionner que ces mesures de confiance et d’apaisement soient l’objet d’un engagement ferme et irrévocable arraché au pouvoir pour qu’elles puissent acquérir un caractère contraignant. Il n’en est absolument rien, la Conférence se contentant à des encouragements, à des invitations et à des exhortations du pouvoir. Il faut le rappeler, la C14 exigeait la libération des détenus avant de participer à toute discussion, les facilitateurs s’étaient engagés à régler ce problème. A ce jour, il n’en est rien. Pourtant, la C14 de sa part, a accepté l’injonction d’abandonner les manifestations de rue pacifiques.

39. Sur le recours à la violence

Tout d’abord, il est regrettable que la CEDEAO n’ait pas condamné les tueries perpétrées par les Forces Armées Togolaises sur les populations manifestant pacifiquement qui ne réclamaient à leurs gouvernants qu’un mieux-vivre, notamment à Sokodé, Bafilo, Mango et Lomé, et que ces dizaines de morts et de blessés soient passés par pertes et profits sans que la moindre compassion ou réparation légitime ne soit envisagée pour leurs familles.

Sans identifier clairement celui des deux camps qui fait recours à la violence, la Conférence aurait dû se demander qui est le protagoniste qui fait recours à la violence systématique et aveugle? Lorsque dans les foules, on introduit des intrus malveillants pour semer le désordre qu’on impute par la suite aux organisateurs à qui on demande d’assurer la sécurité de leurs manifestations, la force de sécurité ayant été démise volontairement de son rôle premier, lorsque des militaires formées pour la guerre et non pour la sécurité publique reçoivent l’ordre direct du ministre de la Défense en la personne du chef de l’Etat de neutraliser systématiquement toute contestation de son pouvoir, et que des groupes de miliciens baptisés groupes d’autodéfense par le Ministre de la Sécurité reçoivent l’onction du pouvoir pour pourchasser les populations comme du gibier, gazer les manifestants, endommager leurs biens privés, les contraindre à la vie sauvage et à l’exil, les matraquer au point de les blesser parfois mortellement et leur tirer dessus à bout portant pour les assassiner, qui fait recours à la violence ?

A partir du moment où le pouvoir même qualifie la rue où les populations manifestent pacifiquement d’abattoir, on reconnaît aisément qui est l’animal à abattre et qui en est l’abatteur.

Mis à part les deux supposés militaires présentés comme des victimes de manifestants nocturnes à Sokodé à la suite de l’enlèvement nocturne et illégal d’un imam de la ville, alors que la coalition des partis politiques n’a appelé à aucune manifestation ce jour-là, on se demande qui a assassiné par balles la vingtaine de personnes dont des enfants, évoquées dans tous les rapports et bilans établis le soir de chaque manifestation par le Ministre de la Sécurité ? Qui a blessé le millier de personnes dont ces rapports ont toujours fait état ? Qui a cassé les biens publics et privés?

Cette feuille de route devrait rappeler une fois de plus au pouvoir son obligation constitutionnelle de laisser les manifestations pacifiques se dérouler sur l’ensemble du territoire sans exclusive, y compris la région de la Kara inaccessible à ce jour aux opposants au régime, quitte aux forces de maintien d’ordre d’en assurer la sécurité à l’exclusion de toute autre force militaire conformément à l’article 149 de la constitution.

A propos de deux armes qui seraient dérobées, l’opposition manifeste-t-elle les mains armées ? Y a-t-il eu des affrontements armés entre manifestants et forces de l’ordre ? Sur ce point, le régime a entraîné les chefs d’Etat dans le ridicule. Que dit-on des armes de guerre dont se servent chaque jour ces braqueurs qui opèrent tous les jours dans notre pays et qui courent toujours? Le Togo, nous semble-t-il, serait doté des services de renseignements faisant partie des plus puissants en Afrique. On se demande où sont passés les enquêteurs qui sont beaucoup plus enclin à la traque des opposants.

40. Actes et propos d’apaisement des acteurs politiques et de la société civile

La Conférence invite les acteurs politiques et la société civile à s’abstenir d’actes et de propos susceptibles d’alimenter de nouvelles tensions. Les Togolais ont en mémoire qu’à la sortie de chaque grande réunion sur la crise togolaise, des suppôts du régime sont les premiers à réécrire les conclusions des travaux, en faisant leur propre interprétation et lecture, une attitude qui destinée à créer la polémique et à raviver les tensions. Nous pensons que cette invitation leur est adressée en premier lieu.

La Conférence n’avait d’ailleurs pas à exhorter les forces de sécurité à un quelconque professionnalisme. Elle devrait d’abord condamner leurs tueries et exactions ainsi que les brimades inhumaines qu’elles ont infligées aux manifestants pacifiques ainsi qu’à des communautés entières sans distinction d’âge, de sexe ni de sensibilité politique. Elle devrait exiger que le maintien de l’ordre et de la sécurité publique soient du ressort exclusif de la police comme le dispose la constitution quoique triturée et non par des militaires paracommandos.

En outre, les Chefs d’Etat devraient exiger des Forces Armées Togolaises leur obligation constitutionnelle sacrée de neutralité et de non-immixtion dans la vie politique togolaise. L’exemple du 5 février 2005 ainsi que leurs excès, zèles et prises de position politiques publiquement affichées de façon récurrente restent encore très frais dans les mémoires.

En réalité, le véritable problème politique du Togo ne se trouve-t-il pas justement dans le rôle trouble que cette armée continue de jouer dans la vie politique du pays, pour qu’enfin, on en parle sans se voiler la face afin que cette gangrène soit définitivement éradiquée ?

41. Révision intégrale du fichier électoral en vue d’élections législatives à la date du décembre 2018

La Conférence exhorte le Gouvernement à procéder à la révision intégrale du fichier électoral en vue de l’organisation des élections législatives à la date du 20 décembre 2018.

En 80 jours, est-il possible au Togo de faire un recensement électoral complet et exhaustif, afficher une liste électorale provisoire, opérer des rectifications, arrêter et publier la liste électorale définitive, confectionner des cartes d’électeurs, les distribuer et accomplir toutes les formalités conduisant à un scrutin sans accros ni ratés ? Seul le cours des évènements le dira.

Dans d’autres pays comme le Bénin, il existe une liste électorale permanente informatisée (LEPI), contrairement au Togo où, à chaque élection, on fait des révisions complaisantes à la sauvette avec tous les abus permis. Pourquoi pas l’option d’une liste électorale permanente au Togo ?

D’ailleurs, la solution à la crise togolaise qui dure depuis le 13 janvier 1963 est-elle la tenue d’élections précipitées et organisées dans les mêmes conditions comme les précédentes ?

A juste titre, les élections, illustration patente et parfaite de l’expression démocratique, ont toujours été depuis la nuit des temps le problème crucial au Togo.

Devrait-on rappeler la présidentielle de 1993, les législatives de 1994, la présidentielle de 1998, les législatives de 1999, les présidentielles de 2003, 2005, 2010 et de 2015 ? Qu’est ce qui caractérise ces différentes élections ?

- La fraude massive, le vol, le bourrage et la substitution d’urnes, le vote anticipé des militaires et paramilitaires ;

- l’achat de consciences, la remise aux votants de bulletins de vote prévotés contre des billets de banque, et des gadgets ;

- le caractère délébile de l’encre qui favorise le vote multiple, le vote par procuration multiple, le vote des mineurs ;

- le sabotage de la liste électorale par des coupures de pans entiers du fichier pour les coller ailleurs en vue de dérouter les électeurs qui peinent à retrouver leurs noms ou leurs cartes d’électeur ou encore leur centre de vote ;

- l’arrêt des dépouillements par des militaires armés, la confiscation, l’altération et le traficotage des procèsverbaux ;

- la corruption, la chasse à l’homme, les menaces et l’intimidation des représentants de l’opposition dans les bureaux de vote ;

- la centralisation de procès-verbaux non authentiques, surchargés ou altérés parvenus en doublon à la CENI, la désactivation des moyens de communication notamment le téléphone mobile et les services de téléphonie mobile, internet et le VSAT destinés à assurer la transmission sécurisée des résultats vers la CENI ;

- le ramassage des urnes, bulletins et procès-verbaux par l’armée au moyen d’hélicoptères militaires sans la présence des représentants de l’opposition ;

- la confiscation, le saccage et la destruction des moyens de preuve rassemblés par l’opposition ;

- la publication de résultats ne reflétant pas l’expression démocratique des électeurs, l’incohérence dans les résultats où le nombre de votants peut excéder le nombre d’inscrits, où le total des suffrages exprimés dans chacun des bureaux de vote est différent du total consolidé.
Alors, dans ce contexte et dans ces conditions, comment peut-on encore appeler à des législatives précipitées considérées à tort comme la solution aux multiples crises togolaises, sans que les causes de ces problèmes ne soient formellement identifiées et que des réponses adéquates leur soient trouvées au préalable ?

Il est certain que les Togolais n’ont pas peur d’élections. Ce dont ils ont peur, ce sont des élections au format RPT-UNIR décrites ci-dessus.
Par ailleurs, pourquoi la date du 20 décembre 2018 et non une autre ? Le parlement dont le mandat finit miaoût 2018 est-il dans l’illégalité en continuant de siéger conformément à la constitution ? Sous quel arsenal juridique se tiendront ces élections ? Sous la même constitution contestée, les mêmes CENI et CELI, le même mode de scrutin, le même découpage électoral, la même cour constitutionnelle, les mêmes méthodes conflictuelles ? Ces élections auront-elles lieu avant ou après les reformes ?
Sur un autre angle, on s’étonne à raison que la feuille de route ne se concentre que sur les élections législatives, alors que depuis plus de 30 ans, aucune élection locale ou municipale ne s’est tenue au Togo, le pouvoir se contentant de nommer ses suppôts au poste de président de délégation spéciale faisant office de Maire qui font leur loi dans les collectivités territoriales de leur ressort. Alors, si une élection urge, c’est bien les locales. Pourquoi les balaie-t-on alors d’un revers de main pour se focaliser sur des législatives ? Les Togolais doivent le savoir.

En somme, sur ce point- là, les Chefs d’Etat ont péché en ne se référant pas au passé récent du Togo, en 2005 où leur exigence d’organiser des élections à la sauvette a occasionné au moins un millier de morts et la crise actuelle. Ils exposent ainsi les populations togolaises à un nouveau génocide et à de nouveaux crimes contre l’humanité qui résulteront de ces législatives organisées dans les mêmes conditions que les précédentes.

42. Réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales à opérer

Pourquoi un scrutin à deux tours uniquement pour l’élection présidentielle ? Qu’en est-il des autres élections ?

La limitation simple à deux du mandat présidentiel sans verrou sécurisé ne met pas le Togo à l’abri de la réapparition sur la scène politique de revenants qui ont fait leur temps, à la russe ou à la poutine. C’est pourquoi dans tous les pays autour du Togo, une formule scellant définitivement cette limitation est insérée dans la loi constitutionnelle. Ainsi, trouvera-t-on dans les constitutions ouest-africaines les formules du genre « en aucun cas », « de façon continue ou discontinue », etc.

Pourquoi pense-t-on donc qu’on personnalise la constitution en verrouillant définitivement ce dispositif ? Ceci constitue un déni du droit et de la liberté du peuple togolais à retrouver sa constitution originelle votée par référendum à plus de 98% le 27 septembre 1992.

Lorsque dans son projet de loi introduit à l’assemblée nationale en septembre 2017, le Gouvernement insère une disposition exemptant le mandat en cours des effets des modifications, n’y voit-on pas de la personnalisation de la constitution ?

En tout état de cause, la Conférence a manqué de courage et n’a pas été en mesure de se mettre au-dessus de la distraction dont elle a été l’objet de la part du pouvoir, pour éluder cette importante disposition constitutionnelle émanant de l’expérience amère vécue par le peuple de 1963 à 1992.

Si diplomatiquement, il est impossible d’arracher au président sortant un engagement clair et irrévocable à ne pas rempiler en 2020, il n’en demeure pas moins vrai que la mention « en aucun cas » ne devrait poser de problème en personne. Mais du moment où le pouvoir la rejette, c’est qu’il est totalement conscient que les effets de cet alinéa le frappera le moment venu. La loi n’étant pas vraiment rétroactive, elle est néanmoins d’application immédiate et il appartiendra à la cour constitutionnelle reformée de se prononcer sur la validé d’une candidature du président sortant au regard des dispositions en vigueur au moment des candidatures.

L’amputation de cet alinéa important de la constitution expose à nouveau les Togolais à plusieurs décennies futures de dictature familiale de type militaro-clanique, ethnique, dynastique et clientéliste qui plombe la possibilité de toute alternance dans la gouvernance politique du Togo. Elle prive le pays d’une constitution sécurisée au maximum.
C’est justement parce qu’au lendemain des indépendances, il faut le rappeler, des gens se sont permis d’assassiner la démocratie pour s’établir au pouvoir et d’y régner sans partage pendant 30 ans, que le peuple togolais s’est élevé en 1990 contre les méfaits de la longévité au pouvoir pour se donner en 1992 une constitution qui les met définitivement à l’abri d’une situation similaire.

Alors, ramener cette constitution aujourd’hui sous une sécurité minimaliste fait régresser le pays et ceci constitue un cuisant échec pour les chefs d’Etat au regard des dispositions du protocole additionnel de la CEDEAO sur la bonne gouvernance signée en 2001.

Lorsqu’on parle de « recomposition de la cour constitutionnelle pour revoir sa composition et limiter le nombre de mandats de ses membres », que veut-on dire ? Dans quelle proportion les sièges de juge seront-ils attribués à tel ou tel camp ? Le verbe revoir, vocable bateau, amène encore à de nouveaux tiraillements entre protagonistes sur ce sujet important qu’on a éludé avec autant de légèreté. Et on se contente de préoccupations de second rang du genre la limitation du mandat des juges de la cour. Soit !

Concernant le renforcement du processus électoral à prendre en compte, que contient cette notion bateau ? Le processus électoral pouvant se définir comme la chaîne cohérente et coordonnée d’étapes, de procédures, d’actes et d’actions destinées à l’organisation d’élections démocratiques et transparentes exemptes de toute contestation et dont les résultats sont unanimement acceptés par tous.

Le plus important des plus importants dans ce point, c’est l’absence d’un chronogramme précis pour l’adoption de ces reformes !!! Pourtant, on a pu trouver une date pour des élections porteuses de nouveaux conflits. Alors, la question qui se pose est de savoir : si le régime ne fait pas ces réformes en profitant du vide temporel créé par l’absence d’un calendrier précis, organisera-t-on encore des élections sans que ces réformes n’aient été opérées préalablement?

Il est aussi regrettable que la feuille de route n’ait pas indiqué le contenu exact des reformes en prescrivant celles déjà négociées et inscrites dans l’accord politique global (APG) du 12 juillet 2006, pour se contenter d’indications vagues sujet à de nouveaux tiraillements interminables entre protagonistes. L’APG serait-il définitivement enterré par les chefs d’Etat ?
En d’autres termes, la feuille de route n’indique pas clairement si les réformes édictées devraient se faire avant la tenue des législatives pour corriger les manquements du passé qui ont occasionné des contestations, des milliers de morts et le chaos. Ce manquement criard vide la feuille de route de tout son sens, c’est-àdire le règlement durable de la crise togolaise.

43. Mode d’adoption des réformes

Il est indéniable que d’interminables rivalités seront encore à l’ordre du jour sur le contenu des réformes à adopter. Oui pour accélérer le processus de la mise en application en usant de la voie parlementaire, mais si le blocage demeure et qu’il faut aller à un référendum, dans quel cadre électoral et sous quelles lois ira-t-on à ce référendum ? Les reformes elles-mêmes n’étant pas adoptées, dans quelles conditions se déroulera ce référendum ?

Par ailleurs, si référendum il doit y avoir, quel texte soumettra-t-on aux électeurs ? Et quelle question leur posera-t-on ? A notre avis, si le cas arrivait, seulement après réforme du cadre des élections, il va falloir soumettre aux électeurs le choix entre la loi avec la mention « en aucun cas » et le projet de loi du Gouvernement sans les mentions « en aucun cas » et « le mandat en cours n’est pas concerné ». Les électeurs choisiront librement ce qui les arrange. Mais si on impose aux électeurs une loi avec les questions « oui » ou « non » et que le « non » l’emporte, quelle en seront les conséquences sur le processus ?

44. Dispositions envisagées par le Gouvernement togolais pour des élections transparentes

Aux termes de la feuille de route, le Gouvernement envisagerait de prendre des dispositions concernant le processus électoral notamment :
- L’accélération et la finalisation du recensement électoral, comme si un quelconque recensement avait déjà été initié et était en cours pour être accéléré ;
- La possibilité (et non le droit constitutionnel !!!) des Togolais de l’étranger de voter dans leurs pays de résidence respectifs, alors que le code électoral de 2012 le prévoit expressément ; le Togo ne connaît même pas le nombre de ses ressortissants vivant à l’étranger, faute de l’absence d’un ministère des Togolais de l’étranger ;
- Le déploiement des observateurs électoraux, ceux qui viennent faire réellement leur travail comme ceux de l’Union Européenne en 1998 ou des touristes électoraux et sexuels comme nous avons l’habitude d’en recevoir dans nos hôtels ?

46. Strict respect de la Constitution
La conférence invite toutes les parties au strict respect de la constitution. Alors, de quelle constitution parlet-on ? Celle qui est contestée actuellement, qui n’est même pas appliquée par ses propres fossoyeurs qui la foulent au pied quand bon leur semble ?

Le strict respect de la constitution devrait commencer par l’inculpation des auteurs, complices et bénéficiaires du coup d’Etat du 5 février 2005, infraction qualifiée de crime imprescriptible par cette constitution en son article 148.

Où sont les institutions prévues depuis 2002 par cette constitution charcutée par la commission des lois présidée à l’époque par l’actuel chef de l’Etat, notamment le Sénat, la Cour des comptes, le Conseil Economique et Social, la haute cour de justice, etc ? Qu’en est-il de la déclaration des biens au début et en fin de mandat par les personnes citées dans la constitution en son article 145 ?

Depuis13 ans qu’il est au pouvoir, le chef de l’Etat s’est-il déjà adressé pour la moindre fois à la représentation nationale sur l’état de la Nation comme exigé par la Constitution en son article 74 ? L’armée togolaise estelle à l’écart de la vie politique en mettant de façon monarchique au pouvoir un individu en 2005, en violation de l’article 147 de la cosntitution? Qu’en est-il de ces militaires d’ailleurs promus qui affichent fièrement leur appartenance à des partis politiques et qui représentent ces partis dans des négociations politiques ?

47. Volonté d’ouverture et de dialogue du chef de l’Etat togolais

Il est étonnant qu’une certaine volonté d’ouverture et de dialogue que le chef de l’Etat afficherait soit saluée par la conférence. Pourtant, depuis qu’il est institué, le chef de file de l’opposition (CFOP) n’a été reçu qu’une ou deux fois par ce dernier. Les autres demandes d’audience adressées au chef de l’Etat par le CFOP sont restées sans réponse, expression d’un dédain. A fortiori, depuis le déclenchement de cette nouvelle crise le 19 août 2017, malgré les appels incessants des observateurs et de la population, le chef de l’Etat n’a jamais daigné recevoir son opposition pour évoquer les questions intéressant la vie de la nation, se réfugiant derrière l’argument selon lequel il serait au-dessus de tous et non président d’un parti politique.

48. Appui et expertise technique de la CEDEAO au processus électoral

En quoi vont consister l’appui et l’expertise technique de la CEDEAO dans l’organisation et le déroulement des prochaines élections ? Il serait bon que la feuille de route en détaille les grandes lignes, pour rassurer une fois de plus les parties sur la crédibilité des scrutins futurs.

On se rappelle qu’à plusieurs reprises, des observateurs et leaders d’opinion ont proposé la supervision électorale de la CEDEAO sur le schéma des élections du 27 avril 1958 où l’ONU a supervisé le scrutin pour en garantir la transparence et l’équité, le schéma ivoirien en 2010 où l’ONU a confié au coréen Choï le rôle de certificateur des élections pour permettre l’avènement de Alassane Dramane OUATTARA au pouvoir, le schéma guinéen où le Général malien Siaka SANGARE a dirigé de bout en bout le processus électoral qui a permis l’arrivée au pouvoir de Alpha CONDE.

Les Togolais seraient beaucoup plus rassurés si la feuille de route exposait les détails de cet appui et expertise techniques.

49. Maintien du mandat des facilitateurs

La Conférence ouvre une brèche, et prend conscience qu’à la suite de la publication de sa feuille de route, c’est plutôt maintenant que le plus dur commence pour les facilitateurs et les protagonistes. Les Togolais verront jusqu’où ils pourront aller dans les âpres négociations encore en vue.
50. Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route
Parmi les revendications de l’opposition, figurait la formation d’un gouvernement transitoire chargé de mettre en œuvre les réformes décidées. En lieu et place, la feuille de route confie la plus grande partie de la mise en application des recommandations au Gouvernement, c’est tant mieux pour l’opposition. Toutefois, il est institué un comité de suivi composé des représentants de toutes les parties et des facilitateurs. Les pouvoirs et les moyens d’action de ce comité n’étant pas précisés, et le fait qu’il comprenne encore des représentants des protagonistes de la crise semble l’affaiblir dans les appréciations qu’il fera de l’application effective des recommandations.

CONCLUSION
L’analyse de la feuille de route montre à suffisance qu’elle n’apporte rien de neuf à la résolution définitive du mal togolais qui couve depuis le 13 janvier 1963. Elle n’est qu’un compromis mort-né de plus et constitue le 28è dialogue inter-togolais. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, d’autres dialogues interviendront plus tard toujours sur les mêmes sujets.

Au nom d’une certaine sacro-sainte souveraineté des Etats et d’usages diplomatiques, les chefs d’Etat de la CEDEAO n’ont pu faire mieux. Ils auront raté une fois de plus le train de l’aventure togolaise vers la conquête de la liberté démocratique si cette feuille de route minimaliste ne résout pas durablement les vértitables problèmes du pays.
Par ailleurs, la feuille de route a péché par :
- L’absence d’un calendrier de mise en œuvre des recommandations,
- L’absence de recommandations claires, précises et sans équivoque enlevant toute discussion ou interprétation future des protagonistes,
- L’absence de coercition et de mesures de sanctions en cas de non-respect, même s’il est prévu des comptes-rendus des facilitateurs aux futurs sommets des chefs d’Etat ;
- Le manque d’engagement et de courage politique de la part des chefs d’Etat qui n’ont pas pu se mettre au-dessus des états d’âme.

L’ensemble de ces faiblesses est dû aux contingences qui ont entouré le sommet, notamment, sa tenue au Togo, dont le chef de l’Etat est le concerné principal de la crise et président en exercice de l’institution sous régionale, présidant les travaux chez lui, étant le doyen des chefs d’Etat des 15 pays membres (il est au pouvoir depuis 2005) et ayant amassé beaucoup plus de fortune que les autres pour lesquels il pourrait constituer une menace en soutenant, en représailles, leurs opposants dans leurs pays respectifs si ses pairs décidaient en sa défaveur.

Cette feuille de route au finish n’arrange que le pouvoir qui peut s’en prévaloir désormais à chaque fois, qui peut souffler un ouf de soulagement et qui a encore de beaux jours devant lui dans la gestion scabreuse à la tête du pays. Cela lui permettra d’affuter à nouveau ses armes, de reculer pour mieux rebondir et d’aiguiser ses stratégies habituelles de contournement et de coup de force permanent pour son maintien éternel aux affaires.

Heureusement, que le droit constitutionnel de manifestation n’est pas supprimé par la feuille de route. Le seul dividende acquis à l’opposition reste sa seule arme, celle de la contestation dans des manifestations pacifiques.

En définitive, le Togo demeure dans le cercle infernal de crises cycliques à savoir :
Contestation ====>Répression – radicalisation des positions ====> Négociation ====>
Accord politique / Compromis ====> Accalmie / Répit ====> Non- respect des accords ====>
Elections frauduleuses ====> Contestation / Crise

Une fois de plus, on a évité soigneusement de poser le véritable problème togolais pour le régler définitivement et on a préféré le saupoudrage habituel.
Ne peut-on pas regarder vers les états généraux de la Nation proposés par certains ? A chacun sa réponse.