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Diversifier la lutte du peuple togolais : Et si on appliquait la non-coopération ?

Togo - Opinions
Au début de la révolution togolaise en août et septembre 2017, certains avaient lancé des appels à la coalition de l’opposition afin qu’elle diversifie ses stratégies pour ne plus répéter les erreurs du passé, erreurs qui consistaient à user – et à abuser – des marches et des grèves à répétition afin de forcer la main au régime. Ces appels furent apparemment vains, puisqu’à ce jour, les marches demeurent la principale méthode de contestation contre le régime togolais.

Alors que la crise politique s’enlise et que les engagements verbaux de la coalition sont brandis par le ministre de l’intérieur pour interdire les manifestations, il convient de diversifier la lutte non-violente que la coalition a choisie de mener contre la dictature la plus féroce et la moins brillante du continent.

La non-violence est la méthode la plus efficace pour un peuple en lutte contre un groupe ayant à sa disposition tout l’appareil de l’État et disposant d’une supériorité militaire. La non-violence a plusieurs formes, mais les plus connues sont celles qui ont été utilisées par le Mahatma Ghandi pour la libération de l’Inde, Martin Luther King dans la quête les droits civiques aux Etats-Unis, et Mandela pour la fin de l’apartheid. Les trois figures sont souvent citées comme des références pour la lutte actuelle du peuple togolais. La présente réflexion sera consacrée à l’une des méthodes de la non-violence, la non-coopération ou le refus de coopérer avec le régime dictatorial.

En Inde, le Mahatma Ghandi avait lancé ce mouvement afin de forcer les autorités coloniales à mettre fin aux tueries des civils Indiens par les forces coloniales britanniques, et l’impunité accordée aux auteurs de ces massacres. Elle consistait pour les Indiens à renoncer à leurs titres honorifiques, à retirer leurs enfants des écoles britanniques, à refuser d’obéir aux décisions de justice, à boycotter les services de l’administration coloniale ainsi que les produits alimentaires importés d’Angleterre, à boycotter toutes les élections organisées, et à refuser de payer les impôts à l’autorité coloniale. Le mouvement, appelé « Satyagraha » ou « attachement au bien » était inédit par son ampleur, et avait mis l’impitoyable administration coloniale à genoux, la forçant à faire des concessions.

Aux Etats-Unis, Martin Luther King à son tour avait lancé le mouvement de non-coopération par un boycott des bus à la suite de l’arrestation de Madame Rosa Parks, après que cette dernière ait refusé de s’asseoir dans la partie réservée aux Noirs dans un bus public. Sous la neige et la pluie, dans la chaleur et le froid, les Noirs du sud des Etats-Unis boycottèrent les transports publics pendant des mois, ce qui pratiquement mis certaines entreprises en faillite.

En Birmanie, les partisans de Aung San Su Kyi (alors en détention) avaient lancé le mouvement de non-coopération contre la junte militaire au pouvoir, une junte aussi vicieuse que celle qui régente le Togo. Dans le cadre de cette lutte, les moines bouddhistes (le clergé) avaient refusé de baptiser les enfants des militaires, et de célébrer les mariages et autres cérémonies religieuses impliquant les militaires. Dans un pays profondément bouddhiste, c’était une sanction suprême et elle a eu ses effets dans les casernes.

Concrètement dans le cas du Togo, la non-coopération signifie que tous ceux qui luttent contre le régime doivent publiquement rejeter tout titre honorifique que le régime leur a conféré, démissionner de tout poste auquel le régime les a nommés dans les secteurs politique, social, culturel, et religieux. Cela suppose par exemple que ceux à qui Faure Gnassingbé a décerné les médailles du mérite, de l’ordre du Mono, et autres distinctions renoncent à ces médailles en signe de condamnation de la politique menée par le chef de l’État. L’application de cette méthode comprend aussi l’identification et le boycott des produits et services fournis par des sociétés appartenant en partie ou en totalité aux piliers ou barons du régime, militaires comme civils ; à identifier et faire pression sur les partenaires nationaux et étrangers de ces sociétés pour qu’ils n’investissent plus dans ces sociétés (boycott, désinvestissement, sanction). Cela revient aussi, acte majeur de désobéissance civile, à refuser de payer les impôts à l’administration mise en place par le régime oppresseur.

D’autres actions sont envisageables au nom du principe de la non-coopération, mais je laisse leur définition et leur application à l’intelligence collective des Togolais. Je reviendrai sur d’autres méthodes, particulièrement celles susceptibles d’être appliquées par l’écrasante majorité des Togolais.


Ben Yaya
New York, le 30 avril 2018