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La CEDEAO : quelle solution pour le Togo ?

Togo - Opinions
Au cours de sa session extraordinaire tenue à Lomé le 14 avril 2018 et consacrée à la Guinée Bissau, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO s’est penchée sur la question togolaise. Ce qu’elle en dit apparaît dans 4 des 28 points de son communiqué final. Ce sont les points 19 à 22 que voici :

*19
La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement salue les initiatives et les efforts de S.E.M. Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président de la République du Ghana en vue de la résolution pacifique des tensions sociopolitiques auxquelles le Togo est confronté depuis août 2017.

*20
Elle invite instamment tous les partis politiques et la société civile togolaise à s’abstenir de tout acte de violence et de tout agissement susceptibles de constituer une menace à la paix et à la stabilité du Togo et de la région.

*21
La Conférence désigne leurs Excellences Monsieur Nana Addo Dankwa Akufo-Addo et Professeur Alpha Condé en qualité de facilitateurs de la CEDEAO, leur exprime sa confiance et son soutien et les encourage à intensifier leurs efforts pour aider le Gouvernement et les acteurs politiques togolais dans la réalisation des réformes constitutionnelles, dans le respect des délais légaux, des normes, et principes de la démocratie et de l’Etat de droit.

*22
Elle instruit la Commission de prendre toutes les dispositions pour apporter son appui à leurs Excellences Monsieur Nana Addo Dankwa Akufo-Addo et Professeur Alpha Condé et de proposer des recommandations qui seront soumises au prochain sommet de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.
Commentaire

Sur le point 20
Dans ce point, deux observations autour de deux expressions : (a) « invite instamment tous les partis politiques et la société civile togolaise à s’abstenir de tout acte de violence » et (b) « tout acte de violence et […] tout agissement susceptibles de constituer une menace à la paix et à la stabilité »

L’expression (a)
Les violences qui ont suivi l’arrestation de l’imam Hassan, à Sokodé, le 18 octobre 2017, n’ont jamais fait l’objet d’une enquête impartiale. L’extinction des lumières de la ville au moment de l’arrestation menée de nuit suivie des actes de destruction de commerces, de camions, d’édifices et de domiciles semblaient être parfaitement planifié à l’avance par ceux qui ont planifié l’arrestation de l’imam qu’on ne peut attribuer ces actes de violence qu’à une action coordonnée entre l'arrestation est les destructions. Les autres actes de violence notés depuis le 19 août 2017 sont au seul compte des forces armées togolaises, tous corps confondus.
Si la CEDEAO situe la violence au niveau des partis alors que la Coalition marche toujours les mains nues (asi gbalo / nʋʋzɩ yem ‘marcher à mains nues’) c’est que l’institution ouest-africaine reconnaît que la violence est du seul côté du RPT/UNIR. C’est une victoire pour la démocratie. Mieux, si l’armée et RPT/UNIR ne font qu’un autour des actes de violence, c’est que la CEDEAO a implicitement compris que c’est l’armée qui est au pouvoir au Togo. Elle est donc consciente que le peuple est spolié de sa souveraineté. C’est une victoire. Encore faut-il que nos Chefs d’Etat et de Gouvernement tiennent compte de l’illégitimité du pouvoir en place et qu’ils soutiennent le peuple qui exige les normes recommandées par la propre Charte de l’institution qu’ils animent.

L’expression (b)
Les coups de matraque et de crosse de fusil, les courses poursuites jusque dans les domiciles privés, tout cela a eu lieu sous les yeux des Chefs d'Etat et de Gouvernement en réunion. On comprend aisément ce qu'ils entendent par « tout acte de violence ». Mais quel sens donnent-ils à l'expression « tout agissement » ? Il ne faut pas que le RPT/UNIR profite du flou de cette expression pour y inclure les marches. La CEDEAO rappelle dans sa charte que les marches pacifiques sont un droit constitutionnel qu’aucune autorité ne peut classer comme un « agissement » susceptible de … Interdire désormais une marche pacifique ou continuer de tenir en état de siège des régions entières du pays sortent le régime Faure de l’Etat de droit.

Sur le point 21
Au point 21, la Conférence annonce la reconduction des deux médiateurs ghanéen et guinéen en les qualifiant cette fois de « facilitateurs ». Nana Akufo-Addo avait déjà qualifié son rôle comme étant celui d’un facilitateur. C’est à ce titre qu’il a instauré un dialogue dont seul le pouvoir a tiré avantage en poursuivant en douce la préparation unilatérale des élections et en interdisant les marches des 11, 12 et 14 avril afin de réactiver le sport favori de ses miliciens en treillis, frapper, tuer, voler, détruire.
En tant que facilitateurs, quelle formule Condé et Addo vont-ils inventer « pour aider le Gouvernement et les acteurs politiques togolais dans la réalisation des réformes constitutionnelles »?

Qu’est-ce que la CEDEAO met dans « acteurs politiques togolais » ? S’agit-il des partis de la Coalition ou de ceux-ci et du RPT/UNIR ? Dans le deuxième cas, on aurait affaire à trois entités : le Gouvernement, la Coalition et le RPT/UNIR. La réalité sur le terrain montre deux entités : le peuple représenté par la Coalition et le régime militaire en trois personnes : le gouvernement, le RPT/UNIR et leurs miliciens en treillis. Quelle que soit la façon dont on interprète les « acteurs politiques togolais », il y aura toujours une composante qui est l’armée togolaise, une composante intruse.

Conclusion
Dans une république, une armée a sa place dans les casernes ou sur le champ de bataille. Le Togo n’est pas en guerre mais depuis plus de 50 ans, l’armée est sur le terrain politique, créant son propre parti le RPT, pillant les biens du peuple, massacrant les populations, organisant des coups d’état de tous genres, truquant les élections, pour maintenir les membres d’une même famille au pouvoir. Si la CEDEAO et ses facilitateurs veulent vraiment « des réformes constitutionnelles, dans le respect des délais légaux, des normes, et principes de la démocratie et de l’Etat de droit », ils n’ont qu’une chose à faire, convaincre l’armée togolaise de quitter instamment le terrain politique et rejoindre ses casernes. L’Etat de droit qui est la seule source de paix au Togo et dans la région a besoin d’une vie politique animée par les seuls civils et, cela, autour de la Constitution de 1992.

Professeur Zakari Tchagbalè