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Entretien exclusif/Dr Jean Emmanuel Gnagnon : « Le Togo a besoin d’un ancien Président consultable »

Togo - Politique
Dr Jean Emmanuel Gnagnon, Coordonnateur général adjoint chargé de la communication du mouvement Les Sentinelles de la République dans cet entretien exclusif à la rédaction de Le Correcteur, est revenu sur les raisons de la mise en place dudit mouvement, les approches pour faire aboutir une proposition de loi sur le statut de l’ancien président de la République. Il est également revenu sur le dialogue politique en cours et les bisbilles entre les leaders de la coalition de l’opposition.
Pourquoi Les Sentinelles de la République ?

Avant de répondre à la question, je tiens d’abord à vous remercier pour l’opportunité et surtout pour la mission citoyenne d’éclairer la lanterne de nos concitoyens. La tâche est grande et noble.

Parlant du mouvement Les Sentinelles de la République, il faut dire que tout est parti d’une prise de conscience de certains jeunes venus de divers horizons, qui ont décidé d’appuyer de manière marquante et déterminante la longue lutte du peuple togolais pour la démocratie et l’État de droit. En effet, plus de 27 ans après le processus de démocratisation de notre cher pays le Togo, un processus fait de haut et de bas, la jeunesse togolaise s’est toujours mobilisée aux différents rendez-vous et a assumé avec détermination ses responsabilités. Elle a marqué de sa présence en nombre, prenant avec courage les devants et apportant des solutions en appui aux différentes causes nobles.

Aujourd’hui encore, face aux légitimes revendications du peuple souverain, il est de bon ton que la jeunesse prenne la mesure des enjeux de l’heure et situe précisément sa responsabilité devant l’histoire. Nous avons donc décidé de prendre notre destin en main parce qu’il est devenu plus qu’un devoir de saisir l’opportunité pour faire en sorte que les jeunes assument pleinement leurs responsabilités politiques et citoyennes.

Vous devez certainement savoir que notre pays connaît à l’heure actuelle un désarroi, un trouble politique systémique, et qui trouve ses origines dans plusieurs décennies de gestion politique clanique et oligarchique. Il est évident que, pour retrouver l’équilibre, la jeunesse doit se mettre en règle avec le sort ultime de sa propre libération, en s’appuyant sur ses seules attentes et ses profondes aspirations en droit avec les principes inaliénables de la démocratie.

La jeunesse doit choisir son destin d’appartenir à la génération actuelle et apprendre vite qu’elle est obligée d’avouer sa ressemblance avec tous dans une synergie libératrice.
Le mouvement Les Sentinelles de la République, porté sur les fonts baptismaux le 06 mars 2018, est donc la concrétisation de cette profonde conviction de contribuer à trouver des solutions viables à la crise sociopolitique que connaît notre pays depuis plusieurs décennies, mais aussi et surtout à inspirer à la jeunesse des valeurs républicaines.

À cet effet, nous poursuivons trois objectifs: agir pour la réalisation et l’enracinement de l’alternance politique et de l’Etat de droit, défendre et promouvoir les valeurs républicaines ; encourager et promouvoir l’engagement et le leadership politiques des jeunes. Nous voulons par ailleurs faire remarquer que nous croyons aux valeurs démocratiques et républicaines contenues dans l’esprit de la Constitution de 92, et restons éminemment convaincus que l’alternance politique est un gage de cohésion sociale, de concorde et de progrès. Je pense en définitive qu’à cette heure de l’histoire politique de notre pays, la jeunesse actuelle est appelée à prendre ses responsabilités dans l’esprit d’une double mission : le devoir de liberté et celui de vérité. C’est dire que nous avons compris et adhérons à ces propos de Frantz Fanon : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ».

N’est-ce pas un mouvement de plus ?

Loin de là. C’est la première fois depuis les années 90 que des jeunes qui appartiennent à des chapelles politiques différentes, décident de se mettre ensemble pour mener des actions synergiques. Et pour cette fois-ci encore, ils sont même venus aussi des associations, des mouvements et à titre individuel pour constituer à la fois une plate-forme de réflexions mais surtout de concertation et d’action.

Vous pouvez vous-même vous rendre compte aisément en vous référant à nos objectifs. La particularité y est sans détour aucun. Vous conviendrez avec moi qu’il manquait dans notre pays une structure des jeunes pour les jeunes eux-mêmes en vue de favoriser l’engagement et le leadership politiques de ceux-ci. Ce travail de promotion des jeunes aurait pu se faire efficacement au sein de nos partis politiques, mais le constat est malheureusement tout autre.

Je pense que la plus value qu’apporte le mouvement Les Sentinelles de la République, réside en ce fait que, en plus de veiller sur les valeurs républicaines, les jeunes puissent avoir l’opportunité de prendre la parole, s’exercer pour répondre au moment opportun aux défis futurs dans la gestion du pays.

C’est vous dire que nous apportons en fait beaucoup d’audace, d’innovations et de pragmatisme dans l’approche même des questions de gouvernance et du vivre ensemble.

Campagne 75/ 20 -20, pourquoi une telle initiative ?

Je vous faisais savoir que nous sommes là pour apporter véritablement des innovations et pourquoi pas de nouvelles pistes pour la réalisation et l’enracinement de l’alternance politique pacifique dans notre pays. Nous osons y croire de toute façon.

En effet, en tant que mouvement de veille de la République, notre rôle est certainement de tirer sur la sonnette d’alarme en faveur des valeurs républicaines et constitutionnelles et ainsi proposer des voies et moyens pour la construction et l’enracinement de l’État de droit dans notre pays.

Il est une réalité que le Togo se trouve actuellement dans une situation politique précaire sur fond de débat autour des réformes constitutionnelles et institutionnelles ainsi que de probable candidature de M. Faure Gnassingbé en 2020.

Or, depuis le 19 août 2017, le pays connaît des manifestations intermittentes soldées par de nombreuses arrestations, des blessés graves et même des pertes en vies humaines. Le dialogue ouvert le 19 février 2018 grâce au Président ghanéen, Nana Akufo Addo, à la facilitation achoppe sur la question d’une nouvelle candidature de M. Faure Gnassingbé en 2020.

Il est clair que depuis son adoption en octobre 1992, la Constitution togolaise prévoit en son article 75 une disposition pour le Statut particulier d’anciens présidents au Togo, dont la teneur est la suivante : « Une loi organique détermine le statut des anciens présidents de la République, notamment en ce qui concerne leur rémunération et leur sécurité. »

Mais, il n’existe pas à l’heure actuelle de statut des anciens présidents de la République d’autant que, en dehors de M. Abass Bonfoh qui a assumé l’intérim de Chef d’Etat en 2005, et qui est vite poussé dans les oubliettes de l’histoire, le Togo n’a véritablement pas d’anciens présidents de la République vivants.

Quelle que soit la complexité du problème togolais, nous estimons que pour une sortie de crise pacifique, le débat sur le statut des anciens présidents de la République doit être porté et nourri de façon constructive en vue de garantir au mieux une vie après l’exercice du pouvoir. Il serait approprié aujourd’hui, dans un souci d’alternance pacifique, d’œuvrer pour l’application de l’article 75 de la Constitution, en votant une loi organique qui détermine justement le statut des anciens présidents de la République.

La « Campagne 75/ 20-20 » dont le message est « Je suis pour un statut particulier d’anciens présidents de la République au Togo ! Je libère mon peuple ! » entend couvrir une période de deux semaines, du 15 au 31 mars 2018. Il s’agit en fait d’une activité de communication numérique et médiatique pour susciter le débat et mobiliser les citoyens et les acteurs autour de la problématique du statut des anciens présidents de la République.

Nous devons rappeler que dans les pays où la démocratie et l’alternance politique pacifique sont devenues une tradition, le statut des anciens présidents de la République est institué et contribue à la reconversion de ces derniers. Que ce soit en France, en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis, pour d’abord citer des exemples éloignés de nous, les anciens présidents ont des garanties post-mandats allant de leurs rénumérations à leur sécurité. Même dans des pays plus proches comme le Ghana, le Bénin, le Burkina Faso, l’après-pouvoir, loin d’être une voie sans issue, est préparé dans le souci d’apaisement et de passation sans heurt.

C’est autant dire que si le débat ne s’est jamais posé au Togo, c’est peutêtre parce que le contexte n’y a pas poussé les réflexions. Aujourd’hui, le mouvement Les Sentinelles de la République, gardera le mérite historique d’avoir suscité le débat. Notre message à travers cette campagne vise également à inviter M. Faure Gnassingbé à passer honorablement la main à une nouvelle génération au plus tard en 2020. Nous avons besoin d’avoir un ancien président vivant qui ait la liberté de résider encore dans le pays et qui soit consultable à tout moment pour guider. C’est important pour l’enracinement de la démocratie que nous voulons construire !

Comment comptez-vous faire aboutir ce projet ?

Dans le cadre de la « Campagne 75/ 20-20 », nous avons prévu une série d’activités qui ont pour finalité d’aider à l’atteinte des objectifs que nous nous sommes assignés. Il s’agit des émissions radio et télé, de la diffusion de visuels de la campagne sur les réseaux sociaux (page et compte Facebook et tweeter, profils WhatsApp, etc.) ; de la création et de l’animation des plateformes WhatsApp et Facebook pour la campagne, des fora de discussions sur des plateformes dé réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook, telegrams, tweeter, etc.) ; des réunions de quartier ; des correspondances de plaidoyers à des institutions et organisations ; des visites de plaidoyer à des leaders d’opinion et des leaders politiques, aux responsables de groupes parlementaires.

À l’heure actuelle, le premier objectif a été largement atteint: le débat est lancé sur les média, des émissions ont été consacrées au sujet. Des plateformes WhatsApp ont aussi parlé de la campagne et organisé des fora de discussion y afférents.

Les prochaines étapes démarreront du 26 au 31 mars et consisteront en des actions de rencontres de plaidoyer.

Nous comptons par ailleurs élaborer en collaboration avec nos partenaires un projet de proposition de loi, que nous allons soumettre aux parlementaires.

Nous restons confiants quant à l’heureux aboutissement d’une telle initiative d’autant que le débat sur le statut d’anciens présidents de la République au Togo, devrait plutôt rassembler tous les acteurs. Je voudrais rappeler que l’article 75 n’a subi de changement lors des modifications intervenues sur la constitution de 92. Autant aujourd’hui oeuvrer pour doter le pays de la loi sur le statut d’anciens présidents de la République parce que tôt ou tard on devra la voter.

Pensez-vous que c’est parce que ce texte n’est pas voté que Faure Gnassingbé refuse de quitter le pouvoir ?

Ce n’est pas ce que nous disons même si nous sommes convaincus que cela peut aider grandement dans les discussions en cours actuellement dans le cadre du dialogue intertogolais. Les raisons qui poussent des présidents à vouloir se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam peuvent être nombreuses. Et dans le cas du Togo, cette situation peut trouver ses explications liées à d’autres considérations. Je ne saurais les sonder toutes ici. Cependant, une évidence aujourd’hui, c’est que la constitution togolaise de 92 même modifiée en 2002, prévoit en son article 75 qu’une loi organique puisse déterminer le statut d’anciens présidents de la République, en ce qui concerne leurs renumérations et leur sécurité. Mais force est de constater que cette loi n’existe pas encore. Nous voulons amener à son vote.

Si cet article ne favoriserait pas l’alternance, je pense qu’on aura au moins eu le mérite d’avoir suscité le débat sur le statut des anciens présidents de la République au Togo. Or, c’est une alternative qui pourra jouer un rôle non des moindres même, au cas où on serait amené à négocier l’alternance pacifique. Dans tous les cas, il s’agit d’une disposition qui en elle-même n’a certainement pas un relent fortement politique. Le statut des anciens présidents de la République, n’est dirigé contre personne. Son application est un signe de respect de la constitution, et une loi issue de cette application ne pourra que garantir la vie dans les post-mandats présidentiels.

Que pensez-vous du dialogue en cours ? Quelle guarantie pour sa réussite ?

Ce dialogue est le 27eme du genre et il faut dire sans ambages que les attentes sont grandes. Le peuple togolais attend. Nous voulons saluer ici la disponibilité et l’engagement du facilitateur, le président du Ghana, son Excellence Nana Akoufo-Addo. Ce dernier est un démocrate convaincu qui est capable de comprendre les enjeux politiques du Togo et parvenir, malgré les positions tranchées des protagonistes de la crise, à faire concorder les positions.

Ainsi ce dialogue devrait être une opportunité pour résoudre définitivement et pacifiquement la crise politique togolaise. Mais, sans vous mentir et sans verser outre mesure dans le pessimisme, le doute plane sur la réussite de ces pourparlers, si son objectif c’est obtenir les garanties d’une alternance pacifique.

Le peuple togolais a trop souffert et il faut qu’on arrête de continuer à s’amuser avec son destin. De toute façon, l’alternance pacifique devrait être l’option privilégiée. Toutefois, il faut aussi se rappeler que lorsque qu’on a le dos au mur, on peut être dans l’obligation de procéder autrement.

L’opposition semble se dispersée en énergie par des bisbilles, n’est-ce pas un frein pour la réussite de la lutte ?

L’opposition connaît l’envergure des attentes du peuple. Elle doit à mon sens aussi connaître aujourd’hui ses priorités. Je pense que ce sont là plusieurs destins politiques qui sont aujourd’hui en jeu. Les acteurs politiques de l’opposition sont certainement conscients des exigences de résultats.

Je pense que la Coalition des 14 qui incarne aujourd’hui les aspirations pour l’alternance politique et la démocratie saura saisir efficacement et efficiemment cette nouvelle et peut-être ultime opportunité pour sortir le Togo du bourbier dans lequel il gît depuis trop longtemps. C’est notre souhait.

Entretien réalisé par Honoré ADONTUI