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Sur la légalité ou la légitimité de Faure

Togo - Opinions
La légalité ou la légitimité de Faure Gnassingbé fait débat aujourd’hui dans les médias après le colloque de Lomé. Un débat houleux, et même orageux, qui dépasse les frontières, et qui ne saurait laisser les togolais, épris de justice, et partant, de démocratie, indifférents. Cela ne peut leur échapper ou passer inaperçu.
Et c’est pourquoi je trouve et juge extrêmement important d’apporter sur cette pomme de discorde ma très modeste contribution, parce que notre pays est à un tournant décisif où le superflu doit faire place à l’utile, l’injuste au juste, le clair-sombre à la lumière du jour, le fard à la vérité. J’avertis d’emblée que mon point de vue n’aura rien de juridique. Il sera éthico-moral. Je laisse le soin aux éminents juristes, de renom incontesté et incontestable, les professeurs Komi Wolou et Victor Tokpanou, ces clercs en la matière, de lécher les détails là-dessus, même si ce que je dirai ne sera pas si loin de ce qu’ils ont dit. Ce qu’ils ont dit concernant la légalité ou la légitimité de Faure est d’une logique implacable. Ils ont parlé avec conviction, chaleur et sans fard, n’en déplaise aux lèche-culs du pouvoir.

Est légal ce qui est conforme aux lois positives établies par la cité. Le peuple n’obéit à ces lois positives que par « pur conformisme » pour éviter que la cité ne se transforme en une anarchie. Est légitime ce qui est conforme au droit naturel, à la loi morale. Et c’est ainsi que l’on dit d’un mariage qu’il est légitime, d’une femme qu’elle est légitime, d’un père ou d’un enfant qu’il est légitime, d’une colère ou d’une revendication d’un peuple qu’elle est légitime. Ainsi la loi morale est supérieure à la loi positive. La loi morale appartient au sujet, au peuple qui donne le pouvoir. La légitimité est une loi imprescriptible et inaliénable, dont seul le peuple est l’auteur. On ne peut parler de légalité sans la légitimité. La première s’adosse à la seconde qui lui donne tout son poids et son rayonnement. La loi morale s’oppose aussi très souvent à la loi positive : « Quand l’obéissance d’un sujet aux lois relève du pur conformisme, elle n’est pas le signe de sa moralité, mais seulement de sa docilité. D’ailleurs la lettre de la loi n’est pas toujours conforme à son esprit, et peut même lui être contraire, compte tenu du fait que les lois sont générales et que des situations particulières, exceptionnelles et imprévues, peuvent exiger que l’équité vienne corriger la légalité. Enfin, le légalisme absolu risque de faire accepter, et exécuter, des ordres contraires aux impératifs absolus de la conscience morale. Celui qui a obéi à des ordres criminels parce que qu’ils étaient légaux se trouve ensuite accusé et convaincu de complicité, et justement condamné. » (Hervé Boillot) L’équité doit venir corriger la légalité. C’est le cas du Togo parce que la question qui se pose est de savoir si le légal dont on parle est légitime. Le légal appartient au fait, le légitime aux valeurs. Mais le légal doit être aussi légitime. La légitimité fait appel à l’idée d’équité, de justice, de bon droit. Elle fait appel à des valeurs qui sont absolument au-dessus de celles prescrites par la légalité, le droit positif. De ce fait, « le danger du légalisme, c’est […] le danger d’une attitude qui consiste à s’en tenir à la lettre de la loi. Or la loi peut être injuste dans son application, […]. La loi peut être injuste aussi dans son principe même, notamment si elle trahit son caractère général et devient discriminatoire. »

Ce que l’on a fait avec la constitution de 1992 était une haute trahison du peuple togolais. Et ce que l’on a fait dans la nuit du 5 février 2005, était plus qu’une trahison un gangstérisme politique, avec l’aide des crapuleux, voyous et criminels « sorciers blancs », qui vivent aux crochets de notre pays. Lorsqu’on trahit le peuple, la confiance du peuple de la sorte, il n’y plus rien de légal ou de légitime dans l’autorité dont on prétend être le détenteur : « Lorsque le gouvernement trahit la nation : en 1940, le général de Gaulle se réclama de la légitimité, fondée sur l’intérêt national, contre la légalité des ordonnances de Vichy. »

Ainsi Faure est un président à la fois illégal et illégitime pour des raisons évoquées. Il est parvenu au pouvoir « par scélératesse » en tordant le cou à la constitution, la loi fondamentale du pays, en une seule nuit, et en tuant ces concitoyens pour s’y maintenir. Et depuis son accession au pouvoir, il fait du Togo, comme son père hier, un bagne, pire un cimetière. Où se trouvent la légitimité ou la légalité d’une telle personne qui fait tuer ses concitoyens, et même les enfants de 8 ans, qui fait matraquer et gazer tout le monde, même les personnes âgées de plus de 80 ans. Où se trouve la légitimité de ce président qui fait assiéger les villes et les villages, qui fait organiser et envoyer des expéditions punitives pour terroriser les citoyens qui expriment tout simplement et pacifiquement leur colère d’être la dernière roue du carrosse, et qui réclament la juste distribution des biens communs ? Comment peut-on encore parler de la légalité ou de la légitimité d’un président qui reconnaît lui-même, mais sans agir, qu’une minorité pille le pays et le met à genou ? Faure semble dire sans le dire aux Togolais : « Débrouillez-vous, ici c’est le far west. » Il y a incontestablement « une crise de l’autorité ». Et je mets au défi Kossivi Hounaké de me dire le contraire sans verser dans le ridicule. Où est l’État dans toutes ces contestations populaires qui sont à leur comble, dans les grèves du zèle à répétition des enseignants, des fonctionnaires, des médecins, des étudiants ? Où est l’État dans ce pays où les infrastructures sont en piteux état, les bâtiments scolaires à toits de chaume et sans bancs ni tableaux, des hôpitaux avec des équipements vétustes, où même Hippocrate n’aurait pas aimé servir ? Qui dirige le Togo aujourd’hui ? Et avec quelle légalité ou avec quelle légitimité ? C’est une démission de l’État qui ne veut pas dire son nom.

J’enfonce le clou. Faure est à la fois illégal et illégitime. Illégal parce que la place qu’il occupe ne lui revient pas de droit. On a tordu le cou à la constitution pour le mettre là où il est aujourd’hui. Et la conclusion qui s’impose, c’est qu’il n’est pas le président des Togolais. On l’a imposé de force. Et la force n’a rien à voir avec la légalité. La force ne fait pas le droit. Et vous le savez, Kossivi Hounaké, mieux que tous les Togolais. Bien plus, votre Faure est aussi illégitime parce qu’il n’a pas été élu par le peuple Togolais. Les Togolais le rejettent de façon catégorique, donc non négociable. Le souverain c’est le peuple. C’est le peuple qui donne le pouvoir. C’est encore lui qui le retire lorsqu’on n’incarne pas son aspiration, lorsqu’on bafoue ses droits, sa dignité. Dans le cas qui nous occupe, le peuple togolais n’a jamais donné le pouvoir à Faure. Et chercher à le défendre avec un tel zèle ardent, c’est défendre l’indéfendable. Et celui qui prend cette option devient la risée des intellectuels togolais et du monde entier. Il fait la honte des professeurs d’Université. Et le prestige universitaire dont il se réclame à cor et à cri n’est qu’« un prestige de foire ». Comment un professeur agrégé de droit constitutionnel peut défendre un régime despotique et ignoble contre l’aspiration profonde et légitime de son peuple ? « Le ridicule déshonore plus que le déshonneur », dit-on. Le ridicule tue. On aura tout vu au Togo où il y a à boire et manger. Le peuple est souverain. Et la demande du peuple est toujours au-dessus du légal. Je l’ai déjà dit.

Kossivi Hounaké, c’est vrai que vous n’êtes pas le seul à faire le ridicule en défendant une cause indéfendable. L’histoire du Togo a déjà étiqueté et archivé des gens de votre trempe, qui empêchent la lumière de jaillir. Vous voulez empêcher les vais intellectuels, les hommes importants, de dire ce qui est, mais ils l’ont dit sans détour et au péril de leur vie parce qu’ils savent que ne pas le dire ce serait se couvrir de ridicule : « Au cours de l’histoire, les chercheurs et les diseurs de vérité ont toujours été conscients des risques qu’ils couraient; aussi longtemps qu’ils ne se mêlaient pas des affaires de ce monde ils étaient couverts de ridicule, mais celui qui forçait ses concitoyens à le prendre au sérieux en essayant de les délivrer de la fausseté et de l’illusion, celui-là risquait sa vie. » (Hannah Arendt, « Vérité et politique » dans La crise de la culture. Huit exercices de la pensée, Paris, Gallimard, 1972, p. 292) Ceux qui, comme les professeurs Komi Wolou, Victor Tokpanou et consorts, veulent tirer les Togolais vers le haut, de l’obscurité, de l’illusion savent qu’il y a des prix à payer, mais ils s’en moquent éperdument.

Kossivi Kounaké, vous prétendez tenir le monopole du droit constitutionnel comme si vous êtes le seul à étudier cette partie du droit. Vous vous croyez un esprit encyclopédique en droit constitutionnel au point de traiter vos collègues de « de faux intellectuels », de « gens d’esprit moyen ou d’intelligence limitée », qui disent des « imbécilités ». Vous dites qu’ils sont dans la sensation et qu’ils ne réfléchissent pas. Mais lorsque vous traitez vos collègues de faux intellectuels, de gens d’esprit moyen ou d’intelligence limitée, qui disent des imbécilités, vous réfléchissez ? C’est ça réfléchir pour un juriste en droit constitutionnel ? Je ne veux pas le croire. Réfléchir c’est accepter la confrontation d’idées, la contradiction et chercher à convaincre avec des arguments de poids. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’on veut faire passer mordicus le faux pour le vrai, l’injuste pour le juste. Ce qui était inacceptable pour des intellectuels de renom, qui étaient à ce colloque. Ceux ou celles qui étaient au colloque de Lomé n’y étaient pas pour croire ou pour faire confiance, mais bien pour savoir. Il y a donc une différence entre persuader et convaincre. Persuader c’est amener à croire et à faire. Convaincre, c’est conduire à la vérité d’un fait par des preuves : « L’orateur n’est pas l’homme qui fait connaître ‘‘ aux tribunaux et à toute autre assemblée ’’, ce qui est juste et ce qui est injuste; en revanche, c’est l’homme qui fait croire que ‘‘ le juste, c’est ceci ’’ et ‘‘ l’injuste, c’est cela’’, rien de plus. » (Platon, Gorgias, traduction de Monique Canto-Sperber, Paris, Flammarion, 2007, p. 143)

Kossivi Hounaké, vous êtes tout uniment un mauvais sophiste, un démagogue, un fieffé et invétéré menteur à la solde d’un régime sanguinaire et totalitaire. Vous êtes un grotesque lèche-botte qui veut faire passer l’injuste pour le juste, ce qui est pour l’illusion. Vous marchez à la carotte, c’est-à-dire que vous êtes poussé par l’appât du gain. Et lorsque les autres ne veulent pas se faire embobiner par votre simulacre de vérité, lorsqu’ils refusent de se faire circonvenir et de céder à la ruse de votre égoïsme, vous les traitez d’imbéciles. Où peut-on trouver dans cette attitude arrogante la règle du vivre ensemble ?
Votre article dans l’hebdomadaire togolais « Vision d’Afrique » sent l’acrimonie, la passion. Or passion et raison ne vont pas ensemble. Lorsqu’on cède à la passion, on ne raisonne plus. Comment peut-on donner à ses collègues des noms d’oiseaux et dire qu’on réfléchit ? Kossivi Hounaké, non seulement vous n’avez pas du tout réfléchi, mais aussi vous êtes tombé dans la bassesse, dans l’indignité. Vous faites le fier, vous vous donnez des grands airs, mais vous n’êtes, aux yeux des Togolais, qu’une marionnette, qu’un pantin de juriste, et sans plus. Et votre prétendu génie en droit constitutionnel n’est que confusion aux yeux du monde entier. Vous êtes l’une des hontes du Togo. La connaissance en droit constitutionnel dont vous prétendez être le seul et l’unique détenteur n’est qu’un faux clinquant. Et donc vous n’êtes qu’un piètre juriste.


Thomas Tchakie SEKPONA-M.