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Les coulisses du dialogue/2020: L’armée, le chantage de Faure

Togo - Politique
Les discussions entre les acteurs politiques togolais, notamment la C14 et le régime en place avec la facilitation du président du Ghana Nana Akufo-Addo commencent par porter quelques résultats. Les échanges du 19 février qui se sont prolongés tard dans la nuit, ont abouti à quelques points d’accord. Le régime s’est engagé à libérer 45 détenus, à accorder une liberté provisoire à ceux dans l’affaire des incendies, à régler la situation des autres détenus au cas par cas. La Coalition des 14 partis politiques s’est, à son tour, engagée à suspendre les marches durant la période du dialogue.
Au lendemain de la conférence de presse de la facilitation qui a annoncé les décisions prises, les portes des prisons de Lomé, d’Atakpamé, de Sokodé, de Dapaong se sont largement ouvertes. La levée d’écrou s’est poursuivie dans la journée de mercredi dernier avec la liberté provisoire accordée aux présumés auteurs des incendies arbitrairement incarcérés depuis 5 ans. Il reste encore au moins une quarantaine de détenus dont trois (03) membres du Mouvement Nubueke. Leur cas devrait être abordé dès le retour de la facilitation.

Les premières discussions entre pouvoir et opposition sur les questions des préalables ont été une épreuve de nerfs. Ce qui, en réalité, n’augure rien de bon pour la suite du processus. Loin de la salle Evala et parallèlement aux échanges entre le pouvoir et le régime, le président ghanéen a eu plusieurs entretiens avec Faure Gnassingbé sur les sujets sensibles, notamment la question de son départ au terme de son mandat en 2020 et le cas de son demi-frère Kpatcha Gnassingbé, incarcéré à la prison civile de Lomé suite à la rocambolesque affaire de tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat.

Kpatcha Gnassingbé est-il toujours une menace pour Faure ?

Pour la facilitation, les mesures d’apaisement doivent être élargies à Kpatcha Gnassingbé. L’objectif poursuivi est de tourner définitivement la page de certains évènements malheureux et enclencher une réconciliation nationale. On ne peut pas continuer à parler d’apaisement si dans un coin du Togo, des citoyens qui se reconnaissent en un homme politique continuent de nourrir des rancœurs. C’est ainsi que le cas Kpatcha Gnassingbé a été clairement mis sur la table. Selon des sources autorisées, le locataire du palais de la Marina avait promis à certains de ses pairs de la région dont le président du Ghana la libération de son frère et ses compagnons d’infortune. C’est dans ce sens que certains détenus de ce dossier ont recouvré la liberté il y a quelques mois.

Mais sur le cas de l’ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants, Faure Gnassingbé ne semble pas décidé à le relâcher, évoquant sans trop de précisions d’éventuelles « menaces au sein de sa famille ». C’est tout de même curieux que celui qui dispose de tout l’arsenal de répression dans le pays (armée, renseignements, groupe d’autodéfense) et instrumentalise la justice selon ses humeurs, puisse évoquer des menaces au sein de sa famille pour se soustraire des promesses faites à ses collègues. Pour la facilitation, il faut nécessairement régler le cas de Kpatcha Gnassingbé afin que l’apaisement soit général dans le pays. Ce dossier est donc à l’ordre du jour dans la discrétion, loin des préoccupations de la classe politique.

Départ en 2020 et le chantage de l’armée

Passé l’euphorie de la libération des détenus, les parties prenantes vont rentrer dans le vif des discussions, et il est fort à craindre un blocage sur la question du retour à la Constitution de 1992 et ses conséquences, c’est-à-dire le départ de Faure Gnassingbé. Sans d’ailleurs attendre cette étape, l’«homme simple» a clairement exprimé sa position à son homologue du Ghana. Il est disposé à faire quelques concessions sur les réformes constitutionnelles, mais pas question pour lui de quitter le pouvoir en 2020 au terme de son troisième mandat. Selon des sources bien informées l’actuel locataire du palais présidentiel estime que la question de son départ de la tête du pays après 15 ans de règne et 38 ans de son père ne dépend pas de lui, mais de l’armée. Pour lui, c’est l’armée qui s’oppose à son retrait en 2020, et elle ne serait pas prête à lui pardonner au cas il envisage un tel départ. Surréaliste, pourrait-on dire.

Si on s’en tient à ces indiscrétions, c’est donc l’armée et non lui qui s’oppose à toute idée d’alternance au sommet de l’Etat. Finalement, l’armée togolaise est-elle au service de la République ou d’un clan, d’une famille ou d’un individu ? La réponse est sans équivoque. Mais est-ce que les faits sont réellement ainsi ? Il y a lieu d’en douter et de se poser même la question, entre Faure Gnassingbé et l’armée, qui menace qui ? Depuis les tristes évènements d’avril 2009, c’est -à-dire l’arrestation de Kpatcha Gnassingbé et la mise à l’écart de plusieurs officiers supérieurs qui ont joué un rôle très important dans le coup d’Etat de février 2005, Faure Gnassingbé a réellement pris le pouvoir et se trouve être le seul maître à bord. Aucun officier de l’armée togolaise ne peut lever son petit doigt pour contester quoi que ce soit. Il est vrai qu’il existe au sein de cette armée un groupuscule d’officiers supérieurs souvent cités dans les affaires louches qui, pour leurs intérêts, instrumentalisent les troupes, les utilisent pour des actes ignobles, notamment la répression des militants de l’opposition, les actes de torture, les assassinats et autres intimidations.

En dehors de cette minorité, l’ensemble de l’armée togolaise qui végète dans la misère ambiante souhaite un véritable changement à la tête du pays. Faire croise à ses homologues que c’est l’armée togolaise qui s’oppose à son départ en 2020, apparaît non seulement comme un chantage, mais cette affirmation expose l’armée elle-même. « Les chiens ne font pas les chats », dit-on souvent. Comme son père, Faure Gnassingbé sait utiliser à des fins de chantage l’armée dès qu’il se trouve en difficultés. Le fameux grand rapport des FAT à la veille du dialogue dont il a boycotté la cérémonie d’ouverture et la motion de soutien à son endroit par la hiérarchie militaire n’étaient pas des actes hasardeux. En 2012 déjà, lors d’une visite en France, interpellé sur son départ, Faure Gnassingbé avait laissé entendre qu’il souhaitait rempiler pour une troisième et dernière fois. En 2018, en plein troisième mandat, il veut qu’on le laisse briguer un quatrième.


En 2025 lorsque tous les chefs d’Etat actuels de la région ne seront plus là, il va trouver de nouveaux alliés pour un cinquième mandat. Voilà la vraie stratégie que Faure Gnassingbé déploie, et naïvement, certains de ses collègues et diplomates lui font confiance, quitte à déchanter plus tard. Si l’armée togolaise s’oppose réellement à l’alternance au sommet de l’Etat, justifiant ainsi les accusations d’une armée clanique, il faudra alors identifier les officiers réfractaires et les sanctionner. Le Togo ne peut plus être une curiosité dans la région ouest-africaine. Si le dialogue en cours n’aboutit pas à un accord, fut-il secret, actant le départ de Faure Gnassingbé en 2020, ce sera alors un échec cuisant qui entrainera le pays vers des horizons incertains.

Selon plusieurs sources, le régime s’apprête à déployer sur l’ensemble du territoire les militaires au lendemain du dialogue. Une espèce d’état d’urgence qui ne dira pas son nom dont l’objectif est d’étouffer les éventuelles contestations.