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Qu’est-ce que le dialogue ?

Togo - Opinions
(Ceci est un extrait de mon livre : Défis technologiques, principe de précaution et démocratie technique, Montréal, Liber, 2010.)
Le mot vient du grec « dialogos » que l’on peut décomposer en deux éléments, c’est-à-dire « dia » qui veut dire « à travers » et « logos » qui veut dire « parole ». « Diolegein » signifie « discourir l’un avec l’autre ».
Le dialogue, c’est la discussion, le débat franc et sincère. Il exclut le « diktat comminatoire », la force brutale, la violence verbale, la menace, le coup de poing, le bluff, la surenchère: « L’espace interlocutif du dialogue se veut soustrait au champ des forces. Plutôt qu’un espace public ou social, c’est un espace logico-pragmatique. De là vient que son rapport à la force soit totalement différent. L’homme de dialogue est plus soucieux de confrontation que d’affrontement. S’il soutient une thèse jusqu’au bout, c’est toujours sous le contrôle accepté, et même sollicité, de l’autre. Pas de dialogue si l’on ne se détache pas de la force. […] le dialogue est le parcours discursif où se déploie une quête désintéressée et pacifique du sens et du vrai. » (Francis Jacques, L’espace logique de l’interlocution. Dialogiques II, Paris, Presses Universitaires de France, 1985, p. 124 et suiv.)

Le dialogue s’éloigne donc de l’esbroufe, permet d’éviter les prises de position tranchées, se nourrit de l’argumentation. Le dialogue n’est ni un moralisme inconvenant qui ignore cruellement « la complexité des situations, ni une éthique de conviction » qui veut imposer ses vues sans critique préalable, ni un pragmatisme qui se passe de l’étape de la « confrontation entre normes et valeurs. » (Jean-François Lévesque) Le dialogue se veut plutôt une tierce solution des positions tranchées, il se veut une position médiane ou médiante des positions diamétralement opposées : « Comme point de vue éthique, le dialogue propose une voie entre les positions dogmatiques, qui imposent un ensemble de sens provenant d’un système de croyances ou d’un système philosophique, et les relativistes, qui réduisent aux seuls individus la justification des choix. En permettant aux individus de trouver ensemble la réponse à leurs dilemmes collectifs, le dialogue, comme point de vue éthique, évite l’imposition d’une solution justifiée et la réduction aux seuls individus des décisions collectives. » (Georges-Auguste Legault, Professionnalisme et délibération éthique, Presses de l’Université de Québec, 1999. p. 280)
Le dialogue doit prendre appui sur l’argumentation qui en devient le cœur et qui permet « un décryptage des convictions et des logiques ». L’exclusion du dialogue des attitudes comme l’esbroufe, la menace, le coup de poing … traduisent bien ici les « règles dialogiques et systématiques ». Les règles dialogiques font de bonnes délibérations en ce sens qu’elles annoncent la couleur, donnent le ton et imposent une tenue éthique. Les règles dialogiques sont entre autres choses l’honnêteté, la légitimité et l’objectivité qui doivent sous-tendre la délibération. Celle-ci doit être aussi établie sur la bonne connaissance et la bonne maîtrise du dossier, le respect des avis contraires, l’exclusion de la force, de l’intimidation, de la séduction, de la trahison. Les règles systématiques concernent l’atmosphère de cordialité, la prise de conscience de la situation. Ces règles qui apparaissent comme des garde-fous pour un dialogue franc, direct et ouvert orientent bien les discussions et permettent une bonne décision éthique. Elles apaisent l’atmosphère et convivialisent les débats. Elles confèrent sans contredit au dialogue « un grand pouvoir légitimateur ».

Dès lors, le dialogue semble incontestablement avoir une valeur morale en ce sens qu’il permet de maintenir la cohésion sociale et qu’il amende les relations interhumaines et assure leur maintien. Il nous permet d’être à l’écoute de l’autre qui est aussi à notre écoute. Il est donc une dialectique dont la caractéristique se trouve dans cette réciprocité d’écoute ou d’attention. Bien plus, le dialogue est rassembleur ; du moins, il se fait sur la base de rassemblement de points de vue. Il rassemble les citoyens autour des situations qui engagent l’intérêt commun, autour des points en litige, des points restés en suspens. Et c’est encore le dialogue qui permet de les débloquer, de surmonter les désaccords, d’arrondir les angles. Le dialogue instaure ainsi un monde essentiellement humain. Dialoguer, c’est prendre le risque de se voir rejeté, de voir ses arguments refusés sans pour autant céder à la passion, tirer son épée, ou faire appel aux porte-kalachnikovs. Le dialogue nous amène à la décision qui est celle de tous, de tous les protagonistes en délibération.


Thomas Tchakie SEKPONA-M.