Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 12:23:55 PM Samedi, 20 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


La malédiction du troisième mandat, une tragédie en 5 actes

Togo - Opinions
Le troisième mandat serait-il devenu une malédiction au Togo ? Au regard de la crise politique actuelle, la question mérite d'être posée tant les dangers liés à ce mandat sont sans égal. Pour ce mandat, il y a apparemment beaucoup d'appelés et peu (ou pas) d'élus.

La crise politique qui secoue actuellement le Togo a l'air du déjà vu pour nombre de Togolais. C'est à juste titre. C'est la contestation d'un président qui, arrivé au pouvoir dans des conditions troubles, semble avoir échoué dans toutes ses tentatives de se faire une place dans le cœur de son peuple. Un président qui après 12 ans de règne sans partage n'a pas encore étanché sa soif du pouvoir absolu. Un président qui refuse de comprendre que ses compatriotes ne veuillent pas lui accorder plus de temps pour finir ce qu'il a toujours refusé de commencer. Pour lui, une multitude de mandats présidentiels est la solution idéale à tous ses maux.
Son prédécesseur de père, arrivé tout autant dans des conditions troubles n'a pu ajouter son nom à la liste des présidents légitimés par le vote populaire, la force brute ayant été son seul suffrage. Lui aussi ne parvint pas à étancher sa soif du pouvoir absolu. Et lui aussi souffrit que les Togolais lui refusent la présidence à vie après qu'il se soit "sacrifié" pour leurs beaux yeux à travers des attentats imaginaires contre sa personne. Et devant tant d'incompréhension, il se mit en tête qu'un troisième mandat était la meilleure façon de régler les comptes avec ce peuple ingrat. Et aussi un quatrième mandat, et un cinquième. Bref une multitude de mandats lui apparut comme la solution à tous ses maux.
Au Togo comme ailleurs, l'histoire est un éternel recommencement. La saga du 3ème mandat ne fait pas exception. C'est une saga tragique qui se décline en 5 actes.

Acte 1er : MASCARADES ET MASSACRES
La tragédie commence toujours par une élection présidentielle, la mascarade. Le mode opératoire est pour le président en place d'organiser le scrutin, de le truffer de fraudes en amont et en aval, et de se faire déclarer gagnant quel que soit l'issue. Si la proclamation des résultats pose problème, il fait intervenir l'armée pour convaincre les sceptiques et augmenter le nombre de cadavres et de disparus. En 1998, le général Seyi Mémène s'était chargé de la sale besogne. En 2005, c'était une œuvre collective entre une frange de l'armée et les miliciens du parti au pouvoir, une synergie fatale qui n'avait rien à envier aux génocidaires rwandais : encerclement des bureaux de vote, vol d'urnes, vol de biens, viols, tueries. Bref le massacre vient clore la mascarade et laisse le peuple à la recherche de ses repères. L'histoire se répète.

Acte 2 : DIALOGUE ET (NOUVEAU) DEPART
Face à l'indignation de la communauté internationale (rien à foutre de l'opinion nationale), et pour imposer un semblant de légitimité, le mal élu du jour appelle à un nouveau départ. Il s'empresse d'organiser des discussions habilement placées sous le parrainage (ou la protection) d'un président sorti De la France-Afrique. Après la mascarade de 1998, c'était l'Accord Cadre de Lomé parrainé par Jacques Chirac, le pape du système france-africain. Après la mascarade de 2005, c'était le tour de Blaise Compaoré, cardinal et pilier parmi les piliers du complexe france-africain, de parrainer l'Accord politique Global de Ouaga. L'histoire se répète encore.

Acte 3 : « IMITATION DE LA LIMITATION » DES MANDATS
Face à l'euphorie suscitée par l'accord politique, voici le désormais président "légitimé" qui s'engage à respecter la limitation des mandats, à l'instar de ce qui se fait ailleurs, donc une simple imitation. C'est ce qu'avait fait en son temps papa président : il avait même donné sa « parole de militaire » qu'il ne briguerait pas un 3ème mandat. Quant au fils président, il s'engagea à effectuer des réformes institutionnelles et constitutionnelles qui ramèneront le nombre de mandats à deux. C'est-à-dire deux pour lui-même et pour tous ses successeurs. Il déclara même publiquement que pour une consolidation de la démocratie en Afrique, il fallait « limiter les mandats à deux ou à trois ». C'est dire qu'après les deux mandats (ce qu'il a déjà fait) on peut peut-être envisager un 3ème. Pas plus. L’histoire se répète toujours.

Acte 4 : LE TEMPS EST BREF DANS LA PEAU D'UN CHEF
L'appétit venant en mangeant, et les mandats de cinq ans devenant trop courts, le président recourt aux sous-fifres pour renier publiquement la parole donnée au peuple. En 2002, le président de l'Assemblée nationale Natchaba Fombaré avait réussi à convaincre les partisans du régime qu'il fallait un toilettage de la Constitution, devenue trop sale à ses yeux. La rhétorique était que le peuple demandait à Eyadéma de ne pas abandonner la maison Togo qu'il aurait construite. La mission fut accomplie, avec brio. On connaît la récompense qui fût réservée au sieur Natchaba. En 2017, c'était le tour de Christophe Tchao, un autre produit de l'auguste Assemblée, de déclarer la caducité non seulement de la Constitution, mais aussi de l'Accord politique de Ouaga. En somme il faut remettre les « compteurs à zéro. » Mais contrairement à l'infernale machine de Natchaba, celle de Tchao se crispa un matin de samedi, 19ème jour du mois d'août. La faute à des grains de sable tous vêtus de rouge, sortis sans crier gare du subconscient togolais.

En somme si le peuple "avait forcé" le père à ajouter un mandat à ceux qu'il avait déjà effectués, le fils lui force le peuple à ne jamais diminuer le nombre de mandats qu'il a hérités de son père. Dans les deux cas, l'objectif est d'étancher la soif de pouvoir du locataire du palais présidentiel, et de faire de lui le seul maître du destin du Togo, l'Alpha et l'Oméga, pour l'éternité. Le temps est toujours bref dans la peau d'un chef.

Acte 5 : LA MALÉDICTION...BEAUCOUP D'APPELÉS ET PAS D'ÉLUS
Au Togo, les appelés au troisième mandat sont nombreux (deux c'est déjà beaucoup), mais ceux qui l'achèvent sont bien rares. En fait le 3ème mandat s'accompagne d'une inévitable malédiction : une fin de règne avant l'heure, une fin prématurée. Pour le père président, la nature se chargea de lui rappeler sa faiblesse en tant que mortel et toute résistance fut vaine. Pour le fils président, c'est une autre faiblesse qui sonnera la fin du haricot : son cynisme face à la détresse d'un peuple trop longtemps bâillonné, déshumanisé, appauvri, et à bout. Le fils président résiste tant bien que mal comme une bête blessée, mais la fin est inéluctable. Comme le père, le fils fait partie des appelés au troisième mandat, mais tout porte à croire que comme le père, le fils ne sera point du nombre des élus.

LA SOURCE DE LA MALÉDICTION
En octobre 1992, tout un peuple a fixé à deux le nombre maximum des mandats présidentiels. Cela vaut pour tous les individus quel que soit leur patronyme. Ce peuple n'a jamais changé d'avis. Les sages nous disent que la voix du peuple c'est celle de Dieu. Donc deux mandats au maximum, c'est bien la volonté de Dieu....pour le Togo. Pour ceux qui s'obstinent à dépasser ce nombre, ce qui advient au cours du troisième mandat est bien une malédiction. C'est le prix qu'ils paient pour leur refus de respecter un engagement solennel envers le peuple, envers Dieu.

Dans tous les cas, finir le troisième mandat dans une impopularité record, ou ne même pas finir ce mandat est bien plus qu'une tragédie personnelle pour le président, c'est une malédiction. Mais c'est aussi le triomphe de la volonté divine, et de ce peuple pour lequel le président, qu'il soit père ou fils, a prouvé qu'il n'a aucun respect.

Ben Yaya