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Prières pour la pluie

Togo - Societe
Pendant 3 semaines, toute la communauté de Katchadè avait attendu désespérément la pluie. Sur des centaines d’hectares, des jeunes plants de maïs avaient perdu leur verdure, jaunissant du jour au jour avec des feuilles rabougries. Il y avait de quoi plonger les paysans dans l’inquiétude et l’insomnie. Il avait pourtant plu des cordes par endroits, au sud du pays à l’affût d’inondation.
Mais là, à Kara (420 km au Nord du Togo) où le mois d’Août était le plus arrosé, plus personne ne comprenait cette obsession du ciel à retenir de l’eau depuis fin juillet jusqu’à la deuxième semaine du mois suivant. La campagne agricole, notamment la culture du maïs, principale culture vivrière dans le pays était donc sérieusement menacée. Depuis Avril, les paysans avaient lourdement investi pour la préparation des champs, le labour, le semis et le premier sarclage, sans compter d’autres dépenses qui couvaient déjà dans les magasins : les engrais. Pour toute une communauté, c’est des centaines de milliers de francs voir des millions qui étaient en jeu si les nuages continuaient de se former dans le ciel pour se dissiper sans lâcher une seule goutte d’eau.

Un cas parmi tant d’autres au Togo et en Afrique, qui pose la problématique de gestion de l’eau dans une agriculture complètement dépendante de la nature face aux problèmes de dérèglement des saisons et des changements climatiques.

Comme si la sécheresse ne suffisait, il était apparu une espèce d’insectes ravageurs des feuilles des plantes. Des pluies régulières nettoieraient ces parasites, véritable gangrène dans les champs. A Kara comme dans toute la partie septentrionale du Togo, la campagne agricole 2016-2017 a été un parcours de combattant. A nos jours, il n’existe aucune donnée réelle pour apprécier de façon formelle l'effet de ces aléas climatiques sur les rendements agricole au nord du Togo. Mais, les paysans se plaignent encore et témoignent de la difficulté de maitriser de la pluviométrie.

L’impuissance des paysans – prières et invocations de divinités !

Devant l’ampleur du risque d’une campagne agricole perdue, les agriculteurs animistes enchainent des sacrifies dans les couvents pendant que chrétiens et musulmans n’en finissaient pas tant avec les requêtes de prières tant en communautés que des jeûnes et prières individuels. Des équipes de pasteurs convoyées dans les champs pour implorer le Dieu tout-puissant.

«Souvent, les pluies reprennent 3 à 5 semaines plus tard, avec une grande violence. On assiste parfois à des inondations ou de grand ruissellements emportant dans les champs, les engrais et même la terre sous le pied des plants», relate le vieux Kass, paysan de la communauté Katchadé qui a vu plus de 40 campagnes agricoles se succéder dans la communauté. L’homme persiste et signe que même si l’inconstance de la pluviométrie a été un problème dans les années 1980, cela devient de plus en récurrents ces 10 dernières années.

«L’agriculture est extrêmement sensible au changement climatique. L’irrégularité des saisons, l’excès de chaleur, la modification des régimes de précipitations diminuent les rendements, augmentent la probabilité de mauvaises récoltes et entraînent une prolifération des parasites et des maladies des cultures et du bétail. Le changement climatique conduit aussi à une augmentation des événements climatiques extrêmes» confirme M. Gilbert Houngbo, directeur du Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA).

Selon la troisième communication nationale du Togo sur les changements climatiques, «Au cours des 45 dernières années, il est constaté une diminution de la pluviométrie et du nombre de jours de pluies, ainsi qu’une augmentation de la température. En outre, le ratio Pluviométrie/Évapotranspiration Potentielle (P/ETP) qui est l’indice d’aridité est également en baisse, témoignant de la tendance à l’assèchement du climat».

L’Agriculture contribue à 35% du PIB, 20% des exportations et repose strictement sur l’incertitude

L’économie du Togo repose essentiellement sur l’agriculture. Selon les différentes statistiques, 7 Togolais sur 10 dépendent de l’agriculture. 96% des ménages en zones rurales sont agricoles et les chiffres montent que le pays est auto-suffisant du point de vue alimentaire.
Or, les temps ont changé et l’on produit plus exclusivement pour la consommation familiale.

«Il faut pouvoir vendre une partie des récoltes, pour subvenir à d’autres besoins cruciaux de la famille à savoir : la scolarité des enfants, les soins sanitaires, le vestimentaires etc.» énumère Tanga, un chef de la communauté de Katchadè.

L’agriculture au Togo contribue à 35% du PIB et s’évalue à 20% dans les exportations. C’est pourtant une agriculture strictement sur l’incertitude dès lors que la pluviométrie en est maitresse dans un monde où où les dérèglements climatiques prennent de plus en plus le dessus sur les efforts agricoles des populations.

« La variabilité accrue des précipitations fait que les agriculteurs ne peuvent plus s’appuyer sur leurs connaissances traditionnelles des pluies» ajoute le président de le FIDA.

L’absence des statistiques ne permet pas de quantifier l’ampleur des pertes sur les rendements agricoles des paysans. Seulement, les prévisions donnent un avenir sombre si rien n’est fait pour adapter l’agriculture au phénomène des changements climatiques. Pendant que la population croît avec la demande alimentaire nationale et internationale, les aléas liés aux changements climatiques vont affecter plus de récoltes et par ricochet l’économie.

«L’Afrique subit déjà de plein fouet les effets du changement climatique. Par ailleurs, huit des dix pays les plus vulnérables au changement climatique sont africains selon l’indice mondial d’adaptation de l’université Notre-Dame (Indiana, États-Unis). Sur le continent africain, 95 % de l’agriculture est pluviale : elle dépend entièrement des précipitations pour son approvisionnement en eau. Elle est souvent pratiquée dans des plaines inondables, des déserts et sur les flancs de coteaux, où les perturbations météorologiques détériorent gravement les sols. L’agriculture fait vivre plus de la moitié des Africains. C’est un secteur clé de l’économie dans tous les pays d’Afrique. » Renseigne Gilbert Houngbo de le FIDA.

Quelles méthodes de résilience ?

«Parler de maitrise de l’eau revient également à réfléchir sur les excès», prévient Dr Djagni Kokou, Agroéconomiste en poste à l’Institut Togolais de Recherches Agronomiques (ITRA). Un monsieur qui maitrise bien les pratiques agricoles au Togo.

Le système d’irrigation goutte à goutte

Depuis plusieurs mois, le gouvernement a initié un projet de systèmes d’irrigation goutte à goutte dans certaines communautés. Ce projet a été d’un succès retentissant. Seulement, ce système est prospère et spécifiquement adapté au maraicher. Cela a permis de renforcer la production maraîchère puisque les producteurs peuvent produire en saison sèche indépendamment des pluies.

«A cause des exploitations dispersées, de problèmes fonciers voire le relief accidenté dans nos pays, il est difficile d’appliquer le système d’irrigation goutte à goutte à la production vivrière ». L’homme confie d’ailleurs que les techniciens agricoles réfléchissent à trouver une solution durable au problème de gestion de l’eau, un point crucial de résilience de l’agriculture traditionnelle au Togo et en Afrique face aux changements climatiques.

L’agriculture climato-intelligente

Selon le président de le FIDA, « l’agriculture climato-intelligente peut contribuer à une meilleure sécurité alimentaire. De nombreuses pratiques climato-intelligentes ont des rendements plus élevés et permettent une production plus variée, donc plus riche d’un point de vue nutritionnel.»

L’organisation onusienne apporte depuis plusieurs années son soutien aux productions familiales dans l’adaptation aux changements climatiques à travers le programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP). C’est le plus gros programme mondial en termes d’adaptation aux changements climatiques.

Il s’agit d’accompagner les paysans à développer des techniques agricoles adaptées à leurs conditions climatiques mais aussi propices aux réalités locales.

«Nous avons aussi introduit des innovations comme l’envoi de prévisions météorologiques par SMS en temps réel », indique Gilbert Houngbo, ce qui peut permettre aux paysans d’élaborer un planning agricole plus ou moins concordant avec la pluviométrie. Mais faut-il d’abord que «les services de métrologie disposent d’une bonne quantité de données en temps réel pour peaufiner les prévisions» pour les communiquer aux paysans.
«Mais l’introduction de ces nouvelles pratiques nécessitera des financements et les petits agriculteurs devront être aidés pour affronter les coûts et les risques liés à l’évolution des pratiques agricoles.» avertit le président de le FIDA.

Dans ce sens, le gouvernement togolais travaille déjà avec le FIDA et autres partenaires. Cependant, le temps presse. Les paysans n’ont que des prières pour seul espoir.

A. Lemou