Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 6:14:26 AM Jeudi, 18 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


Dirigeants togolais, les djihadistes parlent votre langue

Togo - Opinions
Dirigeants togolais, les djihadistes parlent votre langue

Afrique mon Afrique !
Non ce n’est pas un autre poème. "Afrique mon Afrique", c’est (ou plutôt c’était) le nom d’une collection de livres de lecture dans l’enseignement primaire du Togo dans les années 80. Tous ceux qui comme moi ont eu la chance d’avoir ces livres de lecture entre leurs mains se remémorent sans doute un ou deux extraits.
L’extrait dont je me souviens le plus est celui d’un berger qui prenait plaisir à lancer des appels de secours aux autres bergers sous prétexte qu’une panthère était en train d’attaquer son troupeau. Les autres bergers accourent, mais se rendent compte que c’était une plaisanterie. Notre berger fit cette blague à deux reprises, ce qui énerva tous les autres qui étaient à chaque fois obligés de délaisser leur troupeau pour venir à son aide. Le jour ou la panthère en chair et en os attaqua le troupeau du berger blagueur, ce fut un massacre. Il commença par appeler les autres bergers à l’aide. Personne ne vint. Il continua par appeler au secours. Personne ne vint, car tout le monde se dit que c’était encore une blague. Il continua ses cris de détresse. Pas de réponse. La panthère tua autant de moutons que possible, en dévora non pas comme un voleur mais plutôt comme un propriétaire, et emporta même certaines proies dans sa cachette. Personne ne répondit aux cris de détresse de notre berger. Voilà pour les mémoires de mes précieuses lectures.

Et voici la raison pour laquelle cette histoire m’inspire.
Le gouvernement togolais se présente comme le berger qui veille sur son troupeau contre les panthères et autres prédateurs. C’est tout à son honneur, et cela nous rassure en tant que citoyens. Pour une fois que le gouvernement se préoccupe des dangers qui nous guettent en dehors de nos hôpitaux, il faut bien qu’on l’en félicite. Surtout que le plan de protection contre lesdits dangers lui aussi fonctionne bien. Il y plus d’un an, notre armée avait effectué des manœuvres pour se préparer aux panthères de notre temps, les djihadistes.

On se croyait à l’abri. Jusqu’au 19 août 2017, l’équivalent du 11 septembre pour le régime togolais (toutes proportions gardées). En ce jour, le gouvernement a commencé par crier à la panthère. Tiens donc ! La panthère a un nom : le djihadisme. La panthère a aussi une tête qui ressemble étrangement à celle d’un politicien togolais. Elle a aussi une couleur : le rouge. Apparemment le plan de protection qu’on nous a vendu n’a pas fonctionné.

Depuis donc le 19 août 2017, le gouvernement remet toujours une sombre affaire d’un réseau djihadiste sur le tapis, le tenant pour responsable de ladite crise. Quel est le nom de ce réseau ? On n’en sait rien, puisque le réseau n’a ni compte Twitter, ni compte Facebook ; il n’existerait que dans certaines villes du Togo. Ses adeptes porteraient les habits de couleur rouge et auraient leur siège quelque part au Togo. Leurs faits d’armes ? La mort de deux militaires togolais dont les noms font encore l’objet de confusion. Ce dont nos dirigeants sont sûrs, c’est que ces djihadistes de malheur ont un chef qui, selon un ministre, "leur distribue de la drogue" avant de les lancer dans les batailles contre les tenants du régime. Le réseau djihadiste aurait même des relais dans la diaspora Togolaise et compterait d’éminents chrétiens, des animistes, des athées, sans compter les musulmans. Ce réseau est donc une dangereuse panthère !



Mais comme ladite panthère est insaisissable, le gouvernement a cru bon de mieux communiquer sur le danger qu’il représente. Bawara-le-gongonneur s’époumone à crier le nom de la panthère. Yark-le-chasseur suit les pas de la panthère jusque dans sa tanière, mais prudent, il laisse la panthère dormir, ce qui lui donne le temps d’aller faire des interviews sur les médias avec force détails sur la cachette de la panthère. Tchao et Trimua décrivent les cris de la panthère selon qu’elle ait faim ou soit rassasiée. Enfin, Agadazi-le-cinéaste, le bien inspiré colonel-ministre, illustre tous les actes de la panthère grâce à son expérience antérieure dans l’industrie du cinéma sous-marin. Il ne reste plus que Tarzan au tableau pour nous servir un bon film coproduit par le conseil des ministres du Togo.

Pourtant il n’y a rien d’amusant dans tout ceci. La panthère que notre gouvernement aime tant invoquer (et provoquer) parle le langage des hommes. Elle ne cherche pas que des proies, elle cherche des terres à conquérir, une zone d’influence. Et lorsqu’on crie son nom là où elle n’est pas, elle interprète cela comme une invitation. Tout comme faire une blague sur la panthère est le pire qu’un berger puisse faire, les accusations fantaisistes du gouvernement togolais sur la supposée présence de djihadistes au Togo est une très mauvaise blague.

Les musulmans qui sont toujours les premières victimes du djihadisme demandent au gouvernement d’arrêter cette mauvaise blague. Dans son sermon du vendredi 19 janvier 2018, l’imam de Totsi, un quartier périphérique de Lomé, a mis l’un de ses fidèles, le ministre Agadazi, au pied du mur : « l’islam nous enseigne à respecter les autorités, et à priori nous croyons en votre bonne foi lorsque vous dites qu’il y aurait des djihadistes. Mais si cela est vrai, donnez-nous des preuves dans un bref délai afin que les musulmans du Togo et le Conseil des Imams dont je suis membre vous aident à les combattre, car ces djihadistes sont aussi nos ennemis. Si par contre il s’agit d’une manœuvre politicienne, préparez-vous en tant que musulman à payer le prix sur cette terre et à y répondre devant votre créateur ». Depuis qu’il a tenu ces propos, il n’y a pas eu de délestage dans son quartier, donc on a espoir.

Messieurs et dames du gouvernement togolais, vous voulez attaquer Tikpi Atchadam et son parti politique le PNP. C’est votre droit. Mais arrêtez cette mauvaise plaisanterie qui consiste à invoquer la menace djihadiste à tout bout de champs. Tous les pays qui sont actuellement dans les affres du djihadisme n’ont même pas eu à invoquer le djihadisme dans leur jeu politique. Imaginez un peu ce qu’il en sera dans un pays où les dirigeants sont les premiers à rêver du djihadisme afin de sauver leur trône.

Chers dirigeants togolais, même si les Togolais vous détestent autant qu’ils détestent les djihadistes, cela ne fait pas des djihadistes vos alliés. Si vous êtes réellement des bergers, sachez que les djihadistes sont des panthères pour votre troupeau. Je parle de tout le troupeau, Atchadam et les siens y compris. Les djihadistes sont les ennemis de l’humanité. Si vous en faites des alliés dans votre rêve de vous éterniser au pouvoir, c’est que vous ne valez pas mieux. Et si c’est le cas, tous ceux qui de par le monde combattent le djihadisme doivent vous combattre avec autant de détermination.