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l’interview de Faure Gnassingbé à Jeune Afrique, les réactions et les analyses

Togo - Politique
JEUNE AFRIQUE: Le Togo traverse une période de fortes turbulences depuis cinq mois. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

FAURE GNASSINGBÉ: Il est encore un peu tôt pour avoir une pleine compréhension de ce mouvement assez complexe. Je m’en tiendrai donc à deux constats. Le premier est l’élément politique qui a porté la revendication, notamment dans les médias internationaux : les réformes constitutionnelles. Nous les avons engagées, le texte proposé est devant l’Assemblée nationale et le processus va suivre son cours. Le second constat est plus préoccupant. Nous sommes en Afrique de l’Ouest, où sévit un arc de crise terroriste qui va du Mali au lac Tchad. Quand on voit au Togo, lors des manifestations, des gens brandir des kalachnikovs, quand on entend des imams appeler à l’émeute dans certaines mosquées, quand on exige des forces de l’ordre de réciter des versets du Coran pour avoir la vie sauve, cela interpelle. Surtout lorsque le parti à l’origine de ces manifestations est d’apparition soudaine et que ses circuits de financement sont opaques. Ces aspects inquiétants ont certes été depuis tempérés lors des manifestations communes organisées entre ce parti et l’opposition, ce dont je me félicite, mais je ne les oublie pas. Ils sont là.

L’objectif, c’est évident, était de rééditer une sorte de scénario insurrectionnel.

JEUNE AFRIQUE: Vous faites évidemment allusion à Tikpi Atchadam et à son parti, le Parti national panafricain, très implanté au sein de la communauté musulmane des Tem. Ni vous ni l’opposition « historique » n’avez vu venir ce phénomène. Pourquoi ?

FAURE GNASSINGBÉ:En réalité, avant la manifestation violente du 19 août qui a été une sorte de climax, ce parti avait organisé une quinzaine de démonstrations pacifiques et encadrées. Puis, brusquement, les revendications et le mode opératoire se sont radicalisés. L’objectif, c’est évident, était de rééditer une sorte de scénario insurrectionnel. Ce à quoi nous avons assisté ensuite n’était rien d’autre qu’une tentative de prise du pouvoir par la rue. Elle a échoué.

JEUNE AFRIQUE: L’opposition, disons, traditionnelle s’est greffée sur cette contes- tation avec un mot d’ordre classique – le retour à la Constitution de 1992 – et un autre maximaliste : votre départ immédiat du pouvoir. Est-elle également, selon vous, partie prenante de ce scénario insurrectionnel ?

FAURE GNASSINGBÉ: Je crois que ces slogans, dont les auteurs savaient pertinem- ment qu’ils ne pouvaient être appliqués, ont été brandis pour justifier la poursuite des manifestations. Leur apparition est curieusement concomitante avec le dépôt du projet de réforme de la Constitution devant l’Assemblée. Ce texte répondant aux revendications de l’opposition, cette dernière a choisi un autre terrain : la rue. En ce sens, oui, sa volonté de déstabiliser le pouvoir était très claire. Elle ne s’en est d’ailleurs jamais caché.

JEUNE AFRIQUE:Ce projet de réforme, qui doit être en principe soumis à référen- dum, que dit-il ?

FAURE GNASSINGBÉ:Limitation du nombre de mandats présidentiels à deux fois cinq ans. Limitation également du mandat des dépu- tés. Instauration d’un mode de scrutin à deux tours. Une réforme très classique, qui de plus apporte un supplément de démocratie par rapport à 1992, de l’avis de nombre de constitutionnalistes.

JEUNE AFRIQUE:Pourquoi un retour à la Constitution de 1992 est-il inenvisageable à vos yeux ?

FAURE GNASSINGBÉ:Cette question a été vidée par les rédacteurs de cette Constitution eux-mêmes, qui ont expliqué lors d’un colloque qu’il était illusoire, inopportun d’y revenir et qu’il convenait d’aller de l’avant. La Constitution de 1992 était une Constitution partisane adoptée par une Assemblée monocolore. Elle a été rectifiée en 2002 par une autre Assemblée monocolore. Il fallait donc sortir de cette dichotomie des extrêmes et convenir d’un texte consensuel.

JEUNE AFRIQUE:Pourtant, même la conférence épiscopale du Togo demande le retour à la Constitution de 1992 !

FAURE GNASSINGBÉ:Je crois que les évêques ont, depuis, mis un peu d’eau dans leur vin de messe. Cette revendication tardive de la conférence épiscopale a d’autant plus surpris qu’on ne l’avait jamais entendue auparavant de sa part, ni lors du dialogue de 2006 ni ailleurs. C’était une erreur d’appréciation de la complexité de la situation.

JEUNE AFRIQUE:Autre personnalité à s’être prononcée pour un retour à ce qu’on appelle ici la C-92 : Gilchrist Olympio. Redeviendrait-il votre adversaire après avoir été votre allié ?

FAURE GNASSINGBÉ:La réalité est plus simple. Le parti de Gilchrist Olympio s’est entre-temps divisé, et la majorité a rejoint l’ANC de Jean-Pierre Fabre. L’essentiel de sa propre famille biologique est également resté au sein de l’opposition. Ce sont ses proches qui ont exercé des pressions sur lui afin qu’il adopte cette position, tout en annonçant sa retraite politique.

JEUNE AFRIQUE:L’opposition exige que la réforme constitutionnelle soit rétroactive en ce qui concerne le nombre de mandats. En d’autres termes, que vous soyez empêché de vous représenter en 2020. Que répondez-vous ?

FAURE GNASSINGBÉ:Faisons les réformes, évitons de les personnaliser. Ne mélangeons pas les sphères politique et juridique. Les constitutions disposent pour l’avenir, non pour le passé.

JEUNE AFRIQUE:Autre revendication : le vote des Togolais de l’étranger. Pourquoi vous y opposez-vous ?

FAURE GNASSINGBÉ:C’est inexact. Je n’ai aucune position de principe à ce sujet, et cela fait partie des choses sur lesquelles nous pouvons nous entendre lors du dialogue. Il faut simplement bien examiner les aspects techniques.

JEUNE AFRIQUE:Les manifestations qui se sont déroulées depuis le mois d’août ont fait des victimes. Combien, selon votre décompte?

FAURE GNASSINGBÉ:Je ne cesse de penser à ces victimes innocentes, j’en suis peiné, nous n’avions nul besoin d’en arriver là. Il y a eu six morts par balles du côté des manifestants et deux membres des forces de l’ordre lynchés et décapités à Sokodé. C’est absolument éplorable. Des enquêtes sont en cours, et la justice fera son travail. On a relevé la présence de milices, qualifiées de groupes d’autodé- fense, aux côtés de la police et de l’armée. Le reconnaissez-vous? C’est une réalité que je déplore mais qu’il faut replacer dans son contexte, celui des premières manifestations violentes du PNP et des multiples provocations auxquelles se sont livrés les militants de ce parti. C’est cela qui a donné naissance à ces groupes d’autodéfense, qui sont également condamnables et que nous condamnons.

JEUNE AFRIQUE:On vous reproche d’avoir tenu des propos revanchards devant les bérets rouges du camp de Témédja, au début de novembre. Est-ce exact?

FAURE GNASSINGBÉ:Écoutez. Je suis le chef des armées. Je demande aux militaires de ne pas faire usage de leurs armes. Deux soldats qui gardaient des édifices publics ont été massacrés. La moindre des choses de ma part était de compatir et de promettre aux militaires qu’on rechercherait les coupables sans relâche et par tous les moyens pour les livrer à la justice. Je n’ai pas dit autre chose. Tout chef d’État responsable aurait tenu les mêmes propos.


JEUNE AFRIQUE: Une poignée d’imams radicaux a tenté d’enflammer les esprits en appelant au jihad contre l’armée. Êtes-vous satisfait du comportement de votre parti, l’Unir, pendant ces événements ?

FAURE GNASSINGBÉ:Tout à fait. L’Unir a organisé dans le calme de grandes manifestations, et ses dirigeants ont toujours tenu des propos responsables.

JEUNE AFRIQUE: Vous semblez discerner derrière la frange la plus dure de l’oppo- sition, en l’occurrence le PNP de Tikpi Atchadam, l’influence de réseaux islamistes radicaux. De quels éléments disposez-vous pour avancer cette hypothèse?

FAURE GNASSINGBÉ:Je pense que cette hypothèse est réaliste. Les éléments constitutifs qui l’accréditent existent. La région de Sokodé, berceau du PNP, est fortement islamisée. Des armes cir- culent. Une poignée d’imams radicaux tente d’enflammer les esprits en lançant des appels au jihad contre l’armée et les familles des militaires. Deux d’entre eux ont été arrêtés, puis relâchés et placés sous contrôle judiciaire dans le cadre de la procédure. Cela dit, il ne faut pas stigmatiser cette ville, ni cette région. Lors de ma récente visite à Sokodé, j’ai reçu un accueil bienveillant, voire chaleureux, qui prouve que sa population aspire à la paix et rejette la radicalisation qui mène à la violence

JEUNE AFRIQUE:Neuf mesures de confiance ont été prises début décembre par votre gouvernement afin de faciliter l’ouverture d’un nouveau dialogue avec l’opposition. Ce n’est pas le premier. Quel en sera l’ordre du jour ?

FAURE GNASSINGBÉ:Le dialogue est un élément essentiel de notre société. Avant de décliner son ordre du jour, il va falloir convenir de sa composition. Nous avons, au sein de l’opposition, des partis représentés à l’Assemblée et des partis extraparlementaires : ils devront décider s’ils y viennent séparément ou en coalition. Nous avons aussi des partis qui n’ont ni manifesté ni revendiqué et qui agissent dans le cadre des institutions. Ceux-là aussi ont le droit de participer. Cette crise est politique, le dialogue sera donc une séquence purement politique.

JEUNE AFRIQUE:Il y aura un dialogue et un référendum, mais pas de conférence nationale bis. Dialogue ou conférence nationale bis ?

FAURE GNASSINGBÉ: Dialogue. Tout le dialogue. Rien que le dialogue. Il n’y aura pas de conférence.

JEUNE AFRIQUE: Le référendum aura-t-il vraiment lieu ?

FAURE GNASSINGBÉ:Nous y sommes tenus. C’est une disposition constitution- nelle. Il aura lieu après le dialogue.

JEUNE AFRIQUE:Quand s’ouvrira celui-ci ?

FAURE GNASSINGBÉ:Très rapidement en ce qui concerne sa phase préparatoire. Avant les fêtes de fin d’année.

JEUNE AFRIQUE:Si le projet que vous avez soumis à l’Assemblée est adopté par référendum, vous pourrez vous représenter en 2020 puis en 2025 et, si vous l’emportez, rester au pouvoir jusqu’en 2030. Comprenez-vous que cette perspective soit insupportable aux yeux de vos adversaires ?

FAURE GNASSINGBÉ:Je comprends leur impatience, bien sûr. Mais les épreuves que nous avons connues dans le passé doivent nous enseigner une chose essentielle : il faut respecter l’État de droit. Il n’y a pas d’autre moyen d’accès à la magistrature suprême que les élections. Il faut faire confiance au peuple togolais et, pour cela, l’interroger plutôt que de parler à sa place.

JEUNE AFRIQUE:Serez-vous candidat en 2020 ?

FAURE GNASSINGBÉ:Je ne me situe pas encore dans cette perspective. Ma pré- occupation est immédiate : sortir de ce moment difficile afin que les Togolais retrouvent quiétude et sérénité et se remettre dans le sens de la marche, car cette crise a coûté cher à notre économie – en particulier aux femmes commerçantes, qui ont beaucoup souffert.

JEUNE AFRIQUE:Les présidents guinéen, ghanéen, ivoirien, béninois, nigérian, d’autres encore ont offert leurs services de médiateurs dans cette crise. Cela ne fait pas un peu trop ?

FAURE GNASSINGBÉ:Au contraire. Ce sont autant de preuves d’amitié et de soli- darité à l’égard du Togo. Et puis toutes ces offres de facilitation tiennent compte de notre souveraineté et du fait que c’est aux Togolais que revient in fine la responsabilité de trouver une solution. Cela est essentiel.

JEUNE AFRIQUE:Cette crise politique vous a contraint à annuler le sommet Afrique- Israël prévu en octobre à Lomé. Vos invités ont-ils eu peur de l’insécurité?

FAURE GNASSINGBÉ:Non. La décision d’annuler cette conférence a été prise par moi avant le début de la crise, même si elle a été annoncée après. J’avais le fort sentiment qu’il fallait mieux expliquer son bien-fondé auprès de mes pairs, afin que son intérêt en matière de coopération technique pour un développement durable ne soit pas occulté par le conflit israélo-palestinien.

JEUNE AFRIQUE:Allez-vous pouvoir maintenir un taux de croissance à 5 % par an malgré la situation politique ?

FAURE GNASSINGBÉ:Cette crise est néfaste pour le Togo, pays de l’Afrique de l’Ouest qui a le plus investi dans les infrastructures en pourcentage de son PIB. Le secteur privé doit prendre le relais mais la situation ne s’y prête guère, notamment parce que le risque politique renchérit le coût des investissements. Il est urgent qu’on en sorte, et, pour cela, que le dialogue se tienne. « Le dialogue, disait Houphouët-Boigny, c’est l’arme des forts. »

JEUNE AFRIQUE:Le Rwanda est-il toujours, en matière de politique économique, une sorte de modèle pour vous ?

FAURE GNASSINGBÉ:Un modèle de réussite, sans aucun doute.

JEUNE AFRIQUE:Dominique Strauss-Kahn vous conseille dans vos relations avec le FMI. Est-ce utile?

FAURE GNASSINGBÉ:Absolument. Il nous a été précieux dans la phase de négo- ciation de notre programme avec le Fonds. C’est un expert dans ce domaine.

JEUNE AFRIQUE:Et Tony Blair ?

FAURE GNASSINGBÉ:Le Tony Blair Institute intervient avec efficacité dans le domaine de la good governance, comme il l’a fait dans plusieurs pays d’Afrique anglophone et francophone.

JEUNE AFRIQUE:Comment jugez-vous l’attitude de la communauté internationale à votre égard ?

FAURE GNASSINGBÉ:Les gouvernements ont été en général respectueux de notre souveraineté car ils comprennent les enjeux en matière de stabilité politique au niveau de la sous-région. Je n’en dirais pas autant des médias internationaux : il y a eu beaucoup de désinformation et de mensonges de leur part. Le nombre des manifestants et celui des victimes ont été outrageusement gonflés, sur la base de ce que véhiculaient les réseaux sociaux.

JEUNE AFRIQUE:Et le président français Emmanuel Macron ? Vous êtes-vous parlé à Abidjan, fin novembre, lors du sommet UA-UE?

FAURE GNASSINGBÉ:Nous avons eu un bref échange au cours duquel il a exprimé le vœu que les élections législatives et locales prévues en 2018 se déroulent dans le meilleur des climats possible.

JEUNE AFRIQUE:Une prochaine rencontre à l’Élysée est-elle envisageable ?

FAURE GNASSINGBÉ:Je ne suis pas demandeur pour l’instant. Je préfère me consacrer en priorité à nos problèmes internes.

JEUNE AFRIQUE:Les anciens présidents Rawlings et Obasanjo ont tous deux tenu des propos critiques à votre encontre. Leur en tenez-vous rigueur ?

FAURE GNASSINGBÉ:Ils s’en sont, l’un et l’autre, expliqués depuis auprès de moi. Ils ont à présent bien intégré les vrais enjeux de cette crise.
L’incident est clos.

JEUNE AFRIQUE: Lors du congrès de l’Unir à la fin d’octobre, vous avez eu cette phrase : « Les réseaux sociaux m’ont transformé d’un homme simple en un dictateur sanguinaire. » Qu’est-ce à dire ?

FAURE GNASSINGBÉ:C’est ce que les Américains appellent le « character assassi- nation ». On vous prête des actions, des intentions, des propos qui ne sont pas les vôtres au point que, lorsque vous lisez le résultat, vous vous dites : est-ce de moi que l’on parle ? Toujours,

JEUNE AFRIQUE:L’opposition n’a pas de leçons de démocratie et de respect des droits de l’homme à me donner.

FAURE GNASSINGBÉ:j’ai pensé que la conquête et la préservation du pouvoir ne pouvaient pas tout autoriser, qu’il y avait des lignes rouges à ne pas franchir. Pour moi, le respect de la vie humaine est sacré, absolument sacré. Or, si les mots ont un sens, un dictateur sanguinaire est quelqu’un qui tue et qui tue en série. Je veux bien admettre que ceux qui profèrent ce genre d’insanités n’en mesurent pas la portée et je n’ai pas de leçons de démocratie et de respect des droits de l’homme à donner à l’opposition. Mais cette opposition n’a pas plus de leçons à me donner en la matière.

JEUNE AFRIQUE:Comment vivez-vous cette crise ?

FAURE GNASSINGBÉ:Je suis triste pour mon pays. Au-delà de l’affichage d’inten- tions démocratiques, ce que cherchent mes adversaires c’est la captation du pouvoir avant le terme de mon actuel mandat. Tout cela est vain, mais le risque de ruiner la réputation du Togo auprès de la communauté internationale et des investis- seurs est, lui, bien réel. C’est pourquoi je suis déterminé à faire respecter l’État de droit et à protéger nos acquis économiques et sociaux dans l’intérêt de tous les Togolais.

JEUNE AFRIQUE:La revendication de votre départ immédiat est une revendication maximaliste. N’est-ce pas plutôt une posture de négociation ?

FAURE GNASSINGBÉ:C’est possible, même si je suis certain que certains ont cru que mon renversement par la force était faisable. C’est là le problème de notre opposition : poser des exigences irréalistes, être par la suite incapable d’expliquer à sa base pourquoi elles ne sont pas suivies d’effet et en être réduit à blâmer le gouvernement.

JEUNE AFRIQUE:Vous avez succédé à votre père. Peut-on, pour autant, parler d’alternance ?

FAURE GNASSINGBÉ:Je le crois, oui. Le Togo d’aujourd’hui, tous les observateurs, toutes les institutions internationales le reconnaissent, n’a plus guère à voir avec celui d’hier. Ce changement, je l’ai fait avec mon parti, qui s’est transformé, et avec les Togolais de bonne volonté. Si la presse est ce qu’elle est ici, libre et pugnace, si les manifestations de l’opposition peuvent se dérouler sans encombre, c’est bien parce qu’il y a eu dépénalisation des supports essentiels de la démocratie formelle.

JEUNE AFRIQUE:Pourtant, vous êtes un Gnassingbé, fils de Gnassingbé. Impossible de vous défaire de cette étiquette dynastique, au point qu’on vous attribue, finalement, cinquante ans au pouvoir !

FAURE GNASSINGBÉ:Je suis le fils de Gnassingbé Eyadéma et j’en suis fier. Devrais-je changer de nom pour satisfaire certains ? Et lorsque j’entends mes pairs qui l’ont connu me parler de lui avec admiration, pourquoi aurais-je honte du président Eyadéma ? Ce délit de patronyme n’a aucun sens par rapport aux trans- formations politiques, économiques et sociales que connaît le Togo depuis 2005. Lorsque viendra l’heure des campagnes électorales, alors nous débattrons devant le peuple avec de vrais arguments. Pour le reste, qu’on ne pense pas que je cherche à m’accrocher à tout prix au pouvoir.

JEUNE AFRIQUE:Savez-vous vraiment ce que pensent les Togolais ?

FAURE GNASSINGBÉ:Oui. Je parle peu mais j’écoute beaucoup et j’ai mes propres canaux d’information. Si j’ai placé mon actuel mandat sous le signe du social, c’est bien parce que j’ai constaté que la pauvreté n’avait pas assez reculé.

JEUNE AFRIQUE:Une sortie de crise est-elle possible à court terme ?

FAURE GNASSINGBÉ:Absolument. Mais à une condition : que l’on comprenne bien qu’il est impossible de laisser de côté nos institutions et notre Constitution pour se livrer à des arrangements politiques de circonstance. Avec le dialogue, qui permet de dépasser les slogans, le seul chemin praticable en démocratie, ce sont les élections. Les appels au soulèvement, à l’insurrection et autres stratégies extralégales n’aboutiront qu’à nous faire perdre du temps, beaucoup de temps. Chacun le paiera cher, à commencer par l’image même de notre pays qui est considéré aujourd’hui par les instances internationales comme faisant d’énormes progrès économiques et sociétaux. Je partage pleinement la vision de leaders de nouvelle génération comme Paul Kagame, Alpha Condé ou Nana Akufo-Addo, qui revendiquent une véritable indépendance à la fois politique, économique mais aussi culturelle et mentale des nations africaines. Je ne peux pas imaginer une seconde que le Togo régresse sur cette voie.