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MOI, FILS DE KLATCHAA…

Togo - Opinions
MOI, FILS DE KLATCHAA…

Vous dites que j’ai transformé le Palais de la Présidence en une cuisine où se prépare l’horreur
Et alors ? Vous connaissez bien mon père, oui ou non ?
Qu’était-il, que faisait-il ?
Moi, Bodémakutu II, digne fils de mon père
Que voulez-vous que je fasse ?
Cuisine d’horreur !
Je ne peux même pas cuisiner à mon gout, selon les saveurs que je veux ?
Cuisine d’horreur ! Quand ce n’est pas horreur, c’est terreur
Et si je décide, moi, que ma cuisine dégage une bonne odeur ?
Allez, ouste !
Entouré d’une ribambelle de marmitons, en treillis ou chemise, pagne ou boubou, bigarrés, de tous galons, toutes catégories
Zélés par-dessus tout, kliya ! kliya !
Moi, fils de Klatchaa,
Cuisinier en chef
Être Klatchaa c’est ma nature, ma vocation
Notre métier de père en fils
J’ai dit lui, c’est lui, pour donner le change
Mais maintenant klatchaa, sans ambages
Je me présente tel que je suis : Klatchaa !
Cuisinez !
Cuisinez dans les institutions mises en place par mon père et par moi-même
Mon père n’a pas pu tout mettre en place
Par exemple le civet dans le CVJR, c’est moi
Les crudités du HCRRUN, c’est moi
Cuisinez ensemble à l’Assemblée Nationale
Vous ne me direz pas qu’une petite poignée de députés dits de l’opposition, déjà cuits au trois-quarts, donc domestiqués, vous empêcherait de me concocter les lois ou plutôt les plats savoureux dont j’ai besoin pour vivre
Cuisinez ! Cuisinez avec moi mes plats préférés
Les pieds, les cuisses ! Cuisinez les cuisses,
Les fronts, les poitrails au gaz, au fer rouge
Le visage au beurre des bâtons
J’aime bien les parties de corps couverts d’hématomes
Enflés, boursouflés, gonflés, gorgée d’eau salée ou douce, verdâtres, marbrés,
Comme mon père les aimait aussi
Cuisinez les cheveux, mélangés à de la viande de cheval,
Roti, cuit à point ou saignant, mieux encore sanglant
C’est le plat du jour
Comme c’était le bélier il y a quelques années
Ou le coq mangé vite fait
En fait, mon père avait entamé le bélier et le coq
Il m’en a laissé dans le plat et tout naturellement…
J’ai cuit toutes ces viandes dans de l’huile de palme
Évidemment, quelqu’un, un de mes anciens adversaires, le plus coriace à l’époque, m’a gentiment offert, comme sur un plateau le palmier
Pour en extraire l’huile
Quant aux bestioles, je n’en fais pas vraiment cas,
Toutes mangées
À la sauce de mon goût,
Quelle que soit l’huile ou l’eau dans laquelle elles sont cuites : rouge, jaune, orange, verte, violette…
Mais le cheval, le cheval tout entier, je mets un point d’honneur à le cuisiner moi-même
Je le boufferai avec appétit
Même la crotte ne me répugne pas
Cuisinez ceux qui sont dans la rue autour du cheval, dix mille, cent mille
Qu’est-ce qu’ils représentent par rapport à mon grand appétit ?
Cuisinez les portables, les écrits, les réseaux sociaux…
Trouvez les moyens pour les cuisiner
Que je les bouffe !
Cuisinez les pantoufles avec ceux qui les portaient et qui, à votre approche klatchaa !klatchaa…
Sautent par-dessus les murs de leurs propres maisons et s’enfuient
Cuisinez savamment les pantoufles et les savates, les pam-pam, les djimakpla, même les pantalons et les pagnes quand ils les abandonnent
Cuisinez-les avec leur chair, leurs os, leur peau, leur sang, leurs boyaux
Qu’ils soient dix, vingt, cent, des cents…dans le sang
C’est de cela que je vis, grâce à cette cuisine que je survis
Qui parle de victimes ?
Je dis bien victuailles !
J’aime bien leur jus
Ce que vous appelez pus
Je m’abreuve même des larmes versées
Cuisinez-les !
A grand feu, un incendie s’il le faut
Le feu peut embraser tout le pays
Une pluie de feu
Feu de bois, de tout bois de toutes grosseurs toutes largeurs, de tout poids
Feu de plomb, de tous les métaux
Bois et boue !
Boue comme ingrédient
Boue bois bottes balles
Pour me rassasier
Cuisinez-les dans la cendre, la fumée
Le sel
Cuisinez-les Hommes, femmes, enfants
Cuisinez-les dans les mares, les marigots, les fleuves, la mer
Ébouillantez-les
Bien cuits
Assaisonnez-les avec du piment
Des herbes amères, des ronces
Ce qu’il y a de plus piquant
De la nourriture abondante et délicieuse
Pour quinze ans ?
Non, cela ne me suffit pas
Il m’en faut encore pour plusieurs dizaines d’années
Moi, fils de Klatachaa, Bodémakutu II,
Comme mon père, je ne me rassasie guère.
Quoi, c’est difficile d’avaler un cheval ?
Même de le cuisiner avec un feu fait de billets de banque ?
Des dizaines de milliards de francs ? Ou plus ?
Je suis prêt à brûler autant de liasses de billets qu’il en faut
A déclencher tous les feux
A employer toutes les ruses…
A massacrer, verser le sang, une mare, un marigot, un fleuve de sang
Comme mon père
Dont les fruits de mer constituent aussi une des spécialités
J’ai appris auprès de lui et je pratique aussi cet art
Moi, fils de Klatchaa, Bodémakutu II.

Sénouvo Agbota ZINSOU