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GÉNÉRATION KLATCHAA : la France nous a fait cadeau d’un cadavre spirituel qui pèse et qui pue

Togo - Opinions
Le système Gnassingbé que j’appelle Klatchaa ( cadavre de crocodile, cadavre spirituel ) est fondamentalement caractérisé par la fausseté, la lourde fausseté d’une terreur d’´État qui écrase non seulement le peuple togolais, mais aussi écrase, veut anéantir toute valeur au Togo. La grande tragédie part de ceci : l’administration coloniale française avait peur d’un homme, Sylvanus Olympio, pas du tout prêt à la laisser faire ses quatre volontés au Togo et en Afrique, un homme aux idées claires, à la vision perspicace sur la nation togolaise et le devenir de l’Afrique. Sylvanus Olympio voulait faire d’un territoire à qui la France, contrainte par la volonté du peuple togolais, venait d’octroyer une indépendance nominale, tout en tenant à le garder dans son giron, un espace de liberté effective sur les plans politique, économique, financier et culturel, selon la volonté du peuple togolais exprimée par le vote du 27 avril 1958. Il fallait éliminer Olympio. L’administration française cherchait un homme de paille pour accomplir la sale besogne. Elle n’en trouva pas vraiment un de sûr parmi les soldats démobilisés de l’armée coloniale qui allaient perpétrer le coup d’État du 13 janvier 1963. Un gendarme français fut chargé du meurtre et l’exécuta. Mais ce crime crapuleux que l’on devait considérer comme horrible, barbare et peu digne d’une nation comme la France, puissance qui voudrait se donner les apparences d’une patrie dite des valeurs humaines, ne ternirait-il pas, sur le plan politique et du point de vue de l’histoire, son image ? On avait cherché, trouvé, parmi les tirailleurs sénégalais, ceux dont une supposée révolte pour réclamer leur intégration dans l’armée togolaise, un de ces hommes que les galons d’un officier français impressionnaient, un de ces zouaves comme leurs maîtres les appelleraient, pour prendre la responsabilité de ce crime, avec force promesse d’argent et le prénommé Etienne se présenta, bon garçon dont les autorités françaises n’avaient jamais douté de la capacité à se montrer :
1) le plus fidèle et le plus apte á défendre la France et ses intérêts en Afrique pour une récompense matérielle dérisoire (on parle d’une somme de 300.000 CFA payée á Etienne Eyadema pour avoir déclaré être l’assassin du Président Sylvanus Olympio en 1963
2) le plus terrible pour ses compatriotes, le plus zélé à relayer la domination française sur les Africains, même au prix de la cruauté extrême, allant jusqu’au massacre de ses concitoyens.
Le prénommé Etienne était tout indiqué, vu son comportement au sein de l’armée coloniale, ses exploits de « bon sauvage », pour ainsi dire. Il fut donc « élu ».

Ainsi, du crime du gendarme français et d’une déclaration mensongère, monnayée, bien sûr, d’Etienne Eyadema réclamant la paternité de ce crime, est née la dynastie des Gnassingbé au Togo

Et par la suite, la France n’a eu guère à se plaindre du règne inauguré par le prénommé Etienne. Il était droit dans ses bottes de serviteur de la France, ou pour employer un euphémisme de « client » ou encore un autre euphémisme dont fera usage plus tard Chirac à la mort du prénommé Etienne, un « ami de la France » que ladite France n’abandonnerait jamais. La France ne l’abandonnera donc jamais tout au long de son règne de 38 ans. Malgré quelques petites comédies offertes çà et là pour distraire l’opinion nationale et internationale. Elle n’abandonnera pas non plus, cela va sans dire, son fils qui porte, en guise de prénom, un nom de famille bien français, (preuve de sa fascination pour tout ce vient de l’ancienne métropole ?).

Les derniers actes en date du régime qui rappellent les raisons pour lesquelles le bon garçon Etienne a été élu par la France, dans le cadre de la répression des manifestations lancées par l’opposition à l’appel du Parti National Panafricain ( PNP) sont bien le résultat de l’héritage laissé à la génération Klatchaa ; tirs à balles réelles faisant des morts et des blessés graves, tirs de fusils à eau, projetant un liquide bouillant et pimenté au risque d’ébouillanter et d’aveugler les manifestants, bastonnades barbares des citoyens, viols dans la rue et même jusque dans les maisons, scènes atroces de jeunes filles que l’on traîne au sol par les cheveux ou par les pieds jusqu’à des mares d’eau insalubre et à qui leurs bourreaux, les militaires intiment l’ordre de s’y rouler, sous la menace…

La France continuera donc de faire la loi dans son ancienne colonie, en utilisant l’instrument qu’elle détient par l’intermédiaire de la dynastie Gnassingbé élue par elle au Togo.

Pensez à tout ce qui a été fait en Côte d’Ivoire, toutes les manœuvres, les accords (Marcoussis et autres ) sous l’égide de la France, pendant la guerre civile, ou plutôt à la faveur de la guerre civile ( qui a armé les Forces Nouvelles de Soro et d’où ont-elles surtout puisé leurs forces ?) pour aboutir in fine à l’usage de la force par la France, au bombardement de la population et de la résidence du Président pour installer Ouattara au pouvoir et envoyer Laurent Gbagbo à la CPI. En un sens, la France a atteint ses objectifs en Côte d’Ivoire, du moins jusqu’à nouveau désordre, comme on dit souvent.

La tactique a été différente quand la France de Mitterrand avait jugé qu’une trentaine de militaires envoyée au Bénin suffisait. Ce qui importait, ce n’était pas la vie des Togolais qu’Eyadema massacrait, mais l’homme qui serait toujours capable de garantir les intérêts de la France. Et le même Eyadema s’était révélé être cet homme.

La tactique était autre, en plein génocide au Rwanda : que des centaines de milliers d’hommes meurent, cela n’importait pas autant que de maintenir le Rwanda dans le giron de la France, dans la francophonie face aux pays voisins anglophones…Cependant, les Rwandais de Paul Kagamé ont réussi à prendre leur destin en main.

En fait, si elle avait pu le faire librement, à quelques petites nuances près, ce sont des Gnassingbé, des Ouattara, des Compaoré, des Bokassa…que la France aurait installés au pouvoir, partout dans les anciennes colonies. Pas des Olympio, des Sankara, des Gbagbo. Pas de Kagamé, bien sûr ! Et ne parlez pas à cette France-là des Africains redoutables de la trempe de Lumumba, Nkrumah, Sékou Touré !

Et, les puissances occidentales, États-Unis en tête, n’ont-elles pas, pendant de longues années, joué la comédie de la condamnation du bout des lèvres de l’apartheid, tout en continuant de commercer avec l’Afrique du Sud raciste d’avant 1994 ? Heureusement que les Sud-Africains ont compris qu’ils étaient eux-mêmes, avant tout, les artisans de leur libération.

La France, cela signifie tous les gouvernements qui se sont succédé, depuis De Gaulle, jusqu’à Macron en passant par Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande…

La France, comme toutes les puissances occidentales, n’a pas seulement pour elle la CPI, l’Onu, mais aussi la Banque Mondiale, le FMI…On peut ajouter que ces nations ont les médias. Elles ont l’argent. Elles ont les armes.
Certains avaient cru qu’avec des hommes comme Mitterrand et Hollande, du fait qu’ils sont socialistes, un changement interviendrait. Cependant, que ce soit Sarkozy qui cache à peine son ignorance sur l’Afrique (à moins qu’il s’agisse simplement d’un regard foncièrement raciste sur l’ « homme africain » ) ou Hollande que l’on aurait cru imprégné de valeurs humaines, rien ne change.

Soit dit en passant, les récents propos de Macron sur la natalité des Africaines ne témoignent pas d’un grand respect pour les populations et les cultures africaines.

Les intérêts de la France demeurent ses intérêts, les dossiers secrets de la France en Afrique sont ses dossiers secrets… Le regard de la France sur l’Afrique demeure le même. Et au Togo, il n’y a que les Gnassingbé pour garantir ses intérêts, pour les garder en lieu sûr.

Or cette France n’a pas fondamentalement changé d’attitude à l’égard de l’ « homme africain », bon enfant, sauvage, cruel, dépourvu de vision et de volonté réelle d’indépendance, incapable de prendre en main son propre destin. Que les pays de l’Union Européenne aujourd’hui se mettent du côté de la France, cela ne peut qu‘être compris : répressions, massacres, pillage des biens, abus de toutes sortes ne les concernent pas autant que les intérêts de leurs peuples…La France, soutenue en cela par l’Union Européenne, ne renoncera pas à son soutien au régime Gnassingbé. Au besoin, elle interviendra avec des « solutions » soi-disant pour instaurer, réinstaurer, consolider…( toute une phraséologie sentant l’hypocrisie, la diversion, le désir secret d’empêcher une véritable rupture avec la situation qui prévaut depuis 1963, date de l’assassinat du premier Président démocratiquement élu, Sylvanus Olympio. Presque tous les accords signés avec le régime que celui-ci n’a jamais respectés, tous les recours de l’opposition à la « communauté Internationale », tous les conseils de celle-ci aux opposants togolais ne vont-ils pas dans ce sens ? Il faut que l’opposition fasse preuve de discernement.

La rupture que l’on souhaite (c’est déjà bien de la souhaiter), ne peut être seulement par rapport au clan Gnassingbé qui est avant tout le bénéficiaire d’une situation créée et maintenue par la France, mais également par rapport à la France elle-même.

Ce ne sont pas les centaines, ni même les milliers de morts en Côte d’Ivoire comme au Togo qui sont susceptibles d’émouvoir les autorités françaises au point de les amener à changer d'attitude à l’égard de leurs « clients » en Afrique.

La génération Klatchaa a des ramifications trop complexes pour être balayées par la seule réclamation du départ des Gnassingbé. Bien sûr que c’est le point de départ sans lequel les autres étapes ne pourraient être franchies.

Ne nous posons pas la question de savoir si la France va cesser de soutenir un régime aux actes complètement contraires aux valeurs qu’elle prône. Il nous appartient d’agir, de mettre en place une tactique d’actions qui la contraigne à réviser sa position vis-vis du régime togolais. Je crois que certains peuples africains l’ont réussi.
L’orientation panafricaniste du PNP togolais est quelque chose de très positif. Nous assistons en ce moment á la campagne pour les législatives en Allemagne. Le slogan qui accompagne l’affiche de Martin Schulz, candidat du SPD à la chancellerie est : « Gemeinsam sind wir stärker » : (C’est ensemble que nous sommes plus forts). Si ceux que nous considérons comme déjà forts cherchent à être encore plus forts en s’unissant, nous qui sommes faibles séparés, comment pouvons-nous gagner la bataille, relever le défi du développement si nous ne prenons pas le chemin de l’union?

Un mouvement comme celui initié au Togo par Tikpi Atchadam doit chercher à entrer en contact avec ses homologues africains pour que son projet aboutisse, pour que sa vision soit atteinte. Savez-vous qu’un panafricanisme vrai et solide, un panafricanisme des peuples, seul à même de nous permettre de restaurer la dignité de nos peuples n’est pas du goût de certains dirigeants occidentaux qui veulent maintenir leur mainmise sur nos richesses ? Un autre slogan de campagne du même Martin Schulz est : « Es ist Zeit ! » ( Il est temps !). Pour nous aussi, je veux dire pour le Togo et pour l’Afrique, il est temps. Temps d’une indépendance réelle, condition sine qua non de notre développement.

Sénouvo Agbota ZINSOU