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ATTAQUE DE LA PRIMATURE, 3 DECEMBRE 1991 – 3 DECEMBRE 2016 : LE MO5 RENOUVELLE SES HOMMAGES AU SOLDAT AMAO

Togo - Politique


À la mémoire de tous les Martyrs militaires.

«On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu.
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.» L. S. Senghor.

«Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
Toute gloire près d'eux passe et tombe éphémère;
Et, comme ferait une mère,
La voix d'un peuple entier les berce en leur tombeau!»
V. Hugo.

En ce jour anniversaire du coup de force du 3 décembre 1991 contre la Primature, le Mouvement Patriotique du 5 octobre (MO5) tient à rendre hommage à tous les martyrs militaires, particulièrement au soldat AMAO, grand patriote mort à la Primature ce jour-là, alors qu’il n’était même pas de garde. Que sa détermination inspire ses frères d’arme pour la démocratie au Togo.

Sur une stèle d’or et de diamant sera gravé ton nom AMAO
Oublié, tu ne le seras jamais Ô soldat patriote!
Liberté, tu l’as voulue pour ton peuple au prix du sacrifice suprême
Dans la douleur qui est la nôtre, nous te saluons
Amao, Amao, Amaaaaaaaooooooo, tu es grand et digne!
Toi la preuve que la démocratie n’est pas une question ethnique

Altruiste et vaillant combattant de la liberté
Myosotis dans le jardin du Togo de demain
Amoureux défenseur de ton peuple martyrisé
Oxygène de courage dans l’aorte des patriotes, Salut!


Bruxelles, 3 décembre 2016.
Eloi Koussawo, Coordinateur Général du MO5.

Sur la journée dramatique du 3 décembre 1991, voici un extrait du livre de notre compatriote Gaëtan Tètè Tété, Démocratisation à la togolaise, Ed. L’Harmattan, 1998:
«3 décembre 1991. 5 h30; les programmes de la Radio alternent variétés françaises et communiqués militaires. Un groupe de soldats se présente au portail de la Primature aux environs de 6 heures. Les hommes demandent à parler au Premier ministre qui est aussi le ministre de la Défense. Ce dernier dit à ces militaires de s’adresser à l’Etat-major.
Quelques jours auparavant, les hommes du Général ont voulu profiter du retour du Premier ministre pour le «cueillir» à l’aéroport. Mais la sécurité de la Primature ayant eu vent du complot, a demandé au Premier ministre de différer son retour, le temps de trouver remède à la situation. En fin de compte, le capitaine Epou qui a en charge la sécurité de la Primature, s’est mis d’accord avec Joseph Koffigoh, pour que ce dernier rentre le 28 novembre.

En ce mois de novembre, le Premier ministre Koffigoh avait assisté en France au Sommet franco-africain de Chaillot.
Au retour de Koffigoh de Paris, les éléments de l’armée, fidèles à Eyadéma, n’ont pas pu intervenir, à cause du renforcement de la sécurité du Premier ministre et grâce à la sollicitude des Ekpémog.
Après des précédentes tentatives, pressés d’en finir avec la transition démocratique, les troupes de Gnassingbé Eyadéma encerclent la Primature au matin du 3 décembre. Un sous-officier en service à la Primature au moment des faits, témoigne. En parlant des forces rebelles dans l'hebdomadaire Le Regard, il raconte: «La troupe était composée de trois corps: la FIR (Force d’Intervention Rapide), le RCGP (Régiment Commando de la Garde Présidentielle) et le 2e BM (Bataillon motorisé). Les officiers qui sont identifiés sur le terrain étaient: Biténéwé (Capitaine), Télou (Capitaine), Sakibou (Lieutenant).» [Le Regard, n° 19, 3-9 décembre 1996, p. 3.]

De l’autre côté, les forces de la Primature avaient à leur tête, les capitaines: Epou, Aboni; les lieutenants: Agbélé, Awoumé, Tokofaï. À noter que trois officiers français encadraient les forces de sécurité de la Primature. Au début des hostilités, ceux-ci auraient filé à l’anglaise en direction de leur ambassade. En effet, un accord de coopération militaire franco-togolais (du 23 mars 1976) stipule que les coopérants militaires ne doivent pas prendre part aux opérations de guerre, de maintien de l’ordre ou de rétablissement de la légalité.

Les deux capitaines éyadémiesques: Biténéwé et Télou, entrés en tête de cortège, tentent d’user de la ruse pour amener les résidents de la Primature à se rendre. Nonobstant la détermination des 67 personnes des lieux dont 62 combattants armés et 5 civils, un sous-officier et quelques hommes se rendront. Au total, 7 hommes, qui d’ailleurs, seront les seuls à être tués côté Primature. En se livrant, ils ont été désarmés, puis chargés par le capitaine Biténéwé d’aller convaincre d’autres groupes de la Primature de se rendre.

Les choses tragiques commencent avec l’arrivée par le côté face à la mer, du lieutenant-colonel Toyi Gnassingbé (demi-frère d’Eyadéma). Il dégaine son arme et tire sur les hommes de Koffigoh à l’extérieur de la Primature. C’est en ce moment que se produit une chose inattendue. Un essaim d’abeilles effrayé par les tirs, s’abat sur les assaillants. Ces derniers détalent dans tous les sens, servant ainsi de cible aux forces loyalistes de la Primature. Les hommes d’Eyadéma tombent alors comme des mouches, au cours d’une courte bataille qui va durer environ 30 minutes.
Une autre version de cette guerre fratricide, débute les hostilités à 6h15. Un char enfonce la porte. Le soldat qui assure la garde est la première victime. Des Jeep font irruption dans la Primature; de même que trois chars qui prennent position, pendant que des dizaines de militaires essayent d’escalader la clôture. Un occupant du char hurle aux gardes de la Primature: «Déposez vos armes, déposez vos armes!». Ils s’exécutent. Ils reçoivent l’ordre de se mettre en un groupe. Ils n’ont pas le temps de former le groupe, car aussitôt un mutin commence à les arroser de balles. Débandade et morts. Certains ont pu se cacher. Un soldat légaliste rescapé raconte: «La riposte ne se fit pas attendre. Nous entendîmes l’un des nôtres qui était dans la cour du bâtiment «rafaler» nos assaillants. C’est là que Télou et Gnassingbé furent atteints. Ainsi commença la tuerie. Les chars prirent pour cible le bâtiment, c’est à ces moments qu’ils se sont entre-tués car ils avaient oublié que tout autour du bâtiment, il y avait leurs camarades [...] Les nôtres, certains cachés dans les puisards, d’autres parmi les fleurs touffues sont passés inaperçus des assaillants.» [Le Mono, n° 19, 10 février 1992, p. 4.] Les militaires d’Eyadéma furent ainsi obligés de faire une pause pour se réorganiser. La seconde fois, ils eurent affaire à un essaim d’abeilles qui les pourchassa. Et le même témoin, de comparer la prestation de ses adversaires à «une fusillade entre paysans».

Ce défenseur de la Primature rendra hommage à la représentante du Comité International de la Croix Rouge, Mme Marguerite Contat, qui a passé la nuit, adossée aux portes du pavillon militaire du CHU de Tokoin, afin que ses camarades et lui-même ne soient pas exécutés par les militaires d’Eyadéma.

Le commandant de la Garde présidentielle, le demi-frère d’Eyadéma, Toyi Gnassingbé est abattu par un officier légaliste. Toyi Gnassingbé avait coutume de dire «Etu si nsin lé» (La puissance est au bout du fusil), se moquant de la chanson en éwé qui dit: «Fofo si nsin lé» (La puissance appartient à Dieu).

L’envoyé spécial de RFI, Jean-Karim Fall, accouru à Lomé quelques heures plus tôt, allait vivre un des reportages en direct, les plus rocambolesques de sa carrière. Un vrai scoop! On eût dit que les putschistes avaient attendu l’heure H des informations de la matinée pour déclencher les hostilités.

Quelques minutes auparavant, le journaliste français avait expliqué dans un premier direct, comment dès l’aube, les chars avaient pris position aux abords de la Primature située au bord de l’Océan. Il avait notamment fait le point sur les exigences des militaires, à savoir: la dissolution du Haut Conseil de la République. Le journaliste avait observé que le général Eyadéma, pour une fois, s’alignait explicitement sur la revendication de ses hommes. J. K. Fall avait insisté sur les dix propositions du Premier ministre Koffigoh, propositions parmi lesquelles: la formation d’un nouveau gouvernement tenant compte de toutes les sensibilités politiques du pays; la révision à la baisse des indemnités accordées aux membres du Haut Conseil de la République. [Note de l’auteur. Le salaire d’un Haut Conseiller de la République était de 300000 F CFA /mensuel.] Puis au cours de l’édition suivante du journal, voici ce que l’on pouvait ouïr.
«- La présentatrice-RFI. – Jean Karim Fall, vous avez des nouvelles assez pessimistes à nous communiquer...
- J. K. Fall. – Oui Danielle! On est loin d’un accord, puisque depuis dix minutes, des tirs nourris d’armes automatiques sont entendus à Lomé. De l’endroit où je me trouve, je ne peux rien voir, mais les tirs viennent bien entendu de la zone de la Primature. [...] Ils ont duré un bon quart d’heure. Là, il y a une accalmie relative... Tenez! Là, à l’instant là, là... (Les auditeurs entendaient les bruits de canons).
- La présentatrice-RFI. – Oui, effectivement, oui ...
- J. K. Fall. – Ils viennent de retentir là... Vous avez entendu?
- La présentatrice-RFI. – Oui... Absolument! oui...
- J. K. Fall. – Donc je crois que l’assaut de la résidence du Premier ministre a commencé. Restons toutefois au conditionnel. Mais je ne vois pas quel genre d’objectif les militaires pouvaient attaquer à Lomé avec un tir aussi nourri. Je vous rappelle qu’à l’intérieur, il y a une cinquantaine de soldats loyalistes qui sont relativement bien équipés.» [Source: archives audio.]

Un sous-officier en exil, cinq ans après les faits raconte: «La force de défense de la Primature n’avait pas voulu déposer les armes, mais Koffigoh, en tant que civil n’ayant jamais entendu des coups de canon, a demandé le cessez-le-feu parce qu’il croyait que sa troupe était complètement anéantie. Il ne savait pas ce qui se passait réellement. Et malgré le refus du Capitaine Epou, il a insisté. Et là, j’ai vu notre drapeau sortir et remis à la troupe envahissante.» [Le Regard, n° 19, 3-9 décembre 1996, p. 3.]

Joseph Koffigoh ramené à Lomé 2 (résidence d’Eyadéma), sera reconduit dans ses fonctions. C’est une étape cruciale de la Transition. Le Premier ministre sortira métamorphosé de la résidence Lomé 2. Sa marge de manœuvre en ce qui est de la gestion de la transition, sera considérablement réduite. En somme, Me Koffigoh ne sera plus le Premier ministre de la Transition (…). Cela, la population ne le sait pas encore. Jo Ko Ko sera applaudi pour avoir résisté aux assaillants pendant de longues minutes avant reddition. Eyadéma venait de gagner son premier duel contre la Transition. Le combat à venir va consister à recouvrer l’intégralité de ses pouvoirs d’antan. Une politique de reconquête savamment élaborée par ses militaires et ses conseillers de l’extérieur, avec la bienveillante et tacite protection d’une partie de la France officielle.»

MO5-TOGO.