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HCRRUN: Et si Awa Nana-Daboya démissionnait en même temps ?

Togo - Politique
Au lendemain des tueries de 2005, Faure Gnassingbé, à Atakpamé, a promis de réconcilier les Togolais et réparer symboliquement les cœurs meurtris. "Plus jamais ça !", c’était le serment du Chef de l’Etat. Depuis lors, les Togolais n’ont vu que du vent.
De l’Accord Politique Global au HCRRUN en passant par la CVJR, des résolutions ont été prises, des promesses ont été faites, mais c’est surtout des ateliers et séminaires qui ont saigné le contribuable et des "généreux" partenaires pendant que des citoyens, des enfants du terroir, fléchissaient sous les balles de corps habillés dans de simples manifestations, d’autres systématiquement privés de leur liberté pour de simples peccadilles.

Voilà plusieurs raisons qui poussent les citoyens à ne plus croire à la sincérité d’une prétendue mission réconciliatrice que porterait Mme Awa Nana-Daboya et son équipe. Mais la présidente du HCRRUN se nourrit encore d’un curieux bénéfice du doute à l’endroit son mandataire Faure Gnassingbé.

« Si je me rends compte que celui qui nous a mandatés (Ndlr, Faure Gnassingbé) n’a pas la volonté de nous donner les moyens de faire notre travail, je démissionne », a déclaré Mme Awa Nana-Daboya au cours d’un entretien avec les professionnels de médias hier. L’ancienne Magistrate de la Cour de justice de la CEDEAO se refuse à tout discours démobilisateur sur la mission du HCRRUN.

« Chaque matin que je me lève, je prie Dieu de me donner la capacité de faire mon travail », a-t-elle martelé, convaincue que sa tête ne peut plaire à tout le monde et fière que certains politiques ne s’en prennent qu’à sa personne et non à sa compétence.

Deux ans de fonctionnement presque, sans véritable siège, vivant des résidus du budget de la Présidence, le HCRRUN compte colmater les brèches entre les Togolais qui se côtoient depuis des décennies dans une atmosphère délétère d’un point de vue socio-politique. L’institution ad hoc, créée par décret pour la mise en œuvre des recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), a bien son plan de fonctionnement stratégique sur un budget qui ne trouve pas de preneur.

Les partenaires au développement se sont désengagés à «payer le tribut des bêtises des politiques et d’un gouvernement », alors le premier tenancier du projet est dans une allure de caméléon.

Justice Transitionnelle : Garanties de vérité, de justice, de non répétition et surtout de réparation. HCRRUN a aligné les ateliers et séminaires sans vraiment amorcer le chantier. Awa Nana-Daboya essuie les critiques acerbes et reste suspendue aux lèvres d’un Faure Gnassingbé indécis.

La CVJR a, au cours de ses auditions enregistré près de 28 000 victimes sans compter celles qui continuent de se déclarer après les audiences. Entre 35 à 40 milliards de F CFA étaient envisagés pour l’amorçage du programme de réparation symbolique desdites victimes, conformément au cahier de charges du HCRRUN.

Mme Awa Nana-Daboya entend initier un projet de décret pour la nomination d’un comité de financiers qui sauront gérer ce fonds sous sa supervision. Mais faut-il que la volonté de tenir une promesse politique au Togo existe, et que le fonds soit effectif.


Quid de la garantie de non répétition : un gouvernement qui enfarine le peuple à coups de promesses

En effet, il n’est de meilleure réparation qu’un changement radical d’habitudes, une vraie repentance. "Tout le monde connaît son oppresseur" pour reprendre les termes de Mme Awa nana-Daboya qui soutient que dans le cas du Togo, les auteurs de troubles et de violences ne sont pas des gens cagoulés. Que ce soient des politiques incitateurs à la violence, des milices de partis politiques, les corps habillés et les cadres de l’administration qui usaient de leur autorité pour anéantir les concitoyens dans les moments troubles de l’histoire du pays, ils se connaissent tous, victimes comme auteurs des crimes.

Pour clore les débats et rompre avec ce passé haineux, l’Etat a pris la responsabilité d’endosser le tort de tous et présenter les excuses avec une garantie de non répétition. Malheureusement, les vieilles habitudes ont eu raison des bonnes intentions.

Sur le plan économique, les crimes se nourrissent davantage d’impunité.

Sur le plan politique et social, les dirigeants vivent encore dans leur tour d'ivoire érigés en intouchables, éternellement accrochés à leurs postes, et le peuple manipulé à se détester et s’attaquer pour des futilités.

L’armée est à leurs ordre et n’hésitent pas à faire appuyer la gâchette au moindre geste : Dapaong, Mango… ce ne sont pas des exemples très récents qui manqueront.

La justice n'existe presque plus, encore moins la vérité. De braquage de l’aéroport aux incendies des grands marchés en passant par les arrestations politiques, c’est même au cœur du banditisme foncier que les juges se font experts en acrobaties. Les règlements de compte, les intérêts personnels ont pris le dessus sur le droit dans une société qu’on pense réconcilier. Les méthodes ont été modernisées, avec les mêmes personnes, remplies des mêmes intentions diaboliques.


De l’Atelier organisé par le HCRRUN, les réformes constitutionnelles et institutionnelles (scrutin uninominal à deux tours, limitation des mandats présidentiels à deux, organisation des élections locales et municipales, décentralisation…), les recommandations sont mises au frais.

Le pays vibre au rythme d’un président dont on sert le nom jusque dans le verre d’eau du citoyen lambda. On fait tout sur instruction du chef de l’Etat qui semble s’y plaire, et on accuse des populations de vouloir politiser tous les débats.

Le président prépondérant «capable de débloquer tous les dossiers » comme on le présente au peuple, serait-il incapable de donner des ordres pour la mise en œuvre de tous les engagements qu’il aurait pris lui-même ?

Le temps n’est plus aux discours. Si Faure Gnassingbé a vraiment la volonté d’exécuter les recommandations de la CVJR, faire les réformes, d’assainir la justice, de décourager les crimes économiques, instaurer un climat de paix et de confiance socio-politique, il peut le faire, il en a les moyens.

Ce n’est quand même pas une folie de trouver curieux que Mme Awa Nana-Daboya se nourrissent d’espoir devant l’immobilisme légendaire d’un Gnassingbé qui se plait dans son «pays à Lomé II », d’où il rallie sans cesse les autres pays sans se soucier de ce qui se passe au Togo.

Pourquoi ne pas démissionner en même temps et laisser Faure Gnassingbé jouer tout seul à ce qui ressemble à une comédie sous les tropiques ?

A. Lemou