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DE « KLATCHA A …» Á « LIDJA A… », UN DEMI-SIECLE D’HISTOIRE MORALE

Togo - Opinions
J’aime, dans nos langues, l’expressivité des onomatopées et des harmonies imitatives. J’y recours souvent. Elles sont métaphores, formes, couleurs, mouvements, poses, sonorités dans la description physique et morale, sous une forme concise, parfois plus efficace que l’alignement de plusieurs mots dans un discours. Positive ou négative, cette expressivité est aussi bien sens qu’humour, ironie, admiration ou répugnance, contemplation ou horreur. Ravissement et plaisir face au beau et au gracieux ou au contraire effroi et indignation devant le laid et l’abominable. A tout cela, il faut ajouter l’intonation, la mimique et parfois la gestuelle qui accompagnent l’émission sonore. Par exemple, vous entendrez des parents prénommer leur enfant « Abutu », décrivant ainsi son visage joufflu, une certaine rondeur des formes en général, qui sont signe de santé. Mais, il me paraît improbable qu’un enfant soit baptisé « Klatcha a» ou « Lidja a». Vous comprendrez pourquoi.

Une dame de mes connaissances m’a raconté son aventure dans l’une de nos administrations. Cela peut arriver à tout un chacun. Elle avait frappé à la porte du présumé « haut fonctionnaire » qui devait s’occuper de son cas, avait attendu poliment que le « Entrez ! » conventionnel lui parvienne. Après quelques secondes, elle frappa de nouveau. Aucune réponse. Elle se demandait alors si l’occupant du bureau était présent ou non. Elle prit son courage à deux mains et frappa une troisième fois. Alors, une voix que je ne saurais qualifier, gronda : « Tu veux que je vienne te chercher ? ». Cette fois, elle n’avait plus de doute : le bureau était bien occupé. Et, en considérant le ton sur lequel la voix l’avait apostrophée sans l’avoir vue, il ne pouvait s’agir que du maître tout puissant des lieux, animé de la farouche volonté de le faire sentir à quiconque viendrait solliciter ses services. Elle porta la main déjà moite de sueur au loquet, non sans appréhension, compte tenu de la nature de la voix qui l’avait heurtée, ouvrit la porte craintivement et entra, marchant comme sur des œufs ne sachant à quelle sauce elle allait être mangée. Elle put voir des pieds à la tête et de la tête aux pieds l’homme qui émettait cette voix, vautré dans son fauteuil en cuir capitonné, l’homme dont la voix était tout (suffisance, puissance, arrogance, agressivité et besoin stupide d’intimider et d’humilier). Elle était tout, cette voix, je veux dire toute une histoire, vieille de plus de quarante ans. Tout sauf amicale et accueillante. L’homme respirait difficilement, mais respirait cependant une certaine idée de « réussite sociale ». Ne dites pas que ce genre de comportement est caractéristique de nos parvenus. La dame n’a pas manqué de me dire l’effort qu’elle fit pour supporter les émanations de toutes sortes inhérentes au personnage : transpiration, sauce, bière, camphre et souffle… Elle n’osa pas dévisager directement son vis-à-vis, cependant elle l’observa furtivement, détailla son habillement, du col crasseux de la chemise aux chaussures craquantes, de la ceinture qui avait du mal à contenir la bedaine (visiblement notre homme avait de la peine à respirer) à la cravate tachetée jurant sur une chemise bigarrée.

-Mais alors, qu’as-tu dit à ce bon monsieur ? ai-je demandé à la dame.

-Que pourrais-je lui dire, en ce moment où ma préoccupation était de voir régler mon affaire et de sortir le plus rapidement possible de ce bureau, l’un des lieux, les plus hostiles, les plus répugnants que j’aie jamais vus. Je pensais simplement : « lidja a… tel qu’il était (voix, haleine, odeurs de nourriture et de boisson, habillement, manières, langage)… !.

-Une espèce d’ours mal léché ? Mais, il méritait peut-être une petite leçon de civilité, de courtoisie, ai-je répliqué. Tu lui aurais rendu service et à travers lui, tu aurais rendu service à la nation !

-Leçon de civilité, de courtoisie à ce « Lidja a » ?

-Tu veux dire qu’on ne jette pas des perles aux pourceaux ?
-Je ne dis pas cela, mais, à ton avis, quelle leçon peut transformer un « Lidja a », de cette espèce, en un homme civilisé et courtois ?

Et combien sont-ils de « Lidja a » que nous rencontrons quotidiennement dans nos bureaux, nos rues, nos places de marché, nos assemblées…et bien sûr, sur nos sites Internet ?