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La torture désormais un crime imprescriptible

Togo - Politique
Les organisations de défense des droits de l’Homme et certains responsables des partis politiques de l’opposition, notamment l’ANC, qui ont défendu l’imprescriptibilité du crime de torture, pourraient se frotter les mains. C’est désormais chose faite. La torture est devenue un crime imprescriptible au Togo. Ceci, à la suite d’une longue bataille. Nous proposons à nos lecteurs, l’intervention de Me Isabelle Améganvi, présidente du groupe parlementaire ANC, hier à l’Assemblée nationale.

GROUPE PARLEMENTAIRE ANC
La Présidente

N° 18-/AN/ PG-ANC

Intervention de la Présidente du Groupe Parlementaire ANC à l’adoption du projet de loi portant modification du nouveau code pénal

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les membres du Gouvernement,
Chers Collègues Députés,
Mesdames, Messieurs,

Le 24 novembre 2015 soit une année à peine après son adoption par notre Assemblée, voici la Loi N°2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal à nous retournée pour être modifiée.

Certes cette modification se justifie par le souci de rassembler dans un seul et même code les dispositions pénales éparses dans les lois spéciales notamment le code de la marine marchande et la loi portant réglementation de la pêche et de l’aquaculture au Togo qui ont été examinés et votés après l’adoption du nouveau code pénal.

« L’incorporation de toutes ces dispositions dans le code pénal a induit la réécriture de certains de ses articles ou l’introduction de nouvelles dispositions ou encore la suppression des dispositions devenues redondantes ou sans objet », nous rappelle l’exposé des motifs du gouvernement qui souligne par ailleurs :

« Qu’il s’avère nécessaire d’apporter davantage de précision dans la définition du « terrorisme », les motifs d’ordre politique ou religieux ne pouvant constituer une excuse absolutoire ou un fait justificatif du crime de terrorisme »

Que bien plus, « l’évolution de la notion dans les contextes national et international suggère l’adoption de la définition du crime de torture tel que figurant dans la convention de l’ONU sur la matière et la prise en compte du caractère imprescriptible dudit crime ».

Et c’est en cela que le présent exercice devient très intéressant et mérite, pour l’histoire, que l’on s’y attarde !

Monsieur le Président, chers collègues, il vous souvient que lors de l’étude et de l’adoption dans cette même salle du nouveau code pénal, les députés de notre groupe parlementaire se sont battus de toute leur force parlementaire pour faire entendre raison au gouvernement et à la majorité parlementaire sur la nécessité d’amender l’article 198 du projet en redonnant au crime de torture non seulement sa réelle définition telle qu’admise par les instances internationales mais aussi et surtout son caractère imprescriptible.

Ces députés se sont aussi insurgés contre la pénalisation à outrance, par des peines privatives de liberté, du délit de publication, de diffusion ou de reproduction de fausses nouvelles, contenues dans l’article 497 dudit code, lesquelles peines rendent à n’en point douter le code pénal liberticide s’agissant de délits de presse, et, foulent au pied les recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) ce qui constitue un recul inacceptable par rapport au code de la presse et de la communication, mis en vigueur dans le respect de l’engagement 3.1 contenu dans les 22 engagements souscrit par le gouvernement auprès de la Commission de l’UE à Bruxelles en 2004.

Cette bataille, menée en vain sur les deux fronts principaux susmentionnés, a contraint le Groupe Parlementaire ANC à s’abstenir de voter le nouveau code pénal.

Après l’adoption le 02 novembre 2015 par l’Assemblée Nationale de ce nouveau code pénal, le Groupe Parlementaire ANC ne s’était pourtant point avoué vaincu s’agissant de la défense et de la protection des droits de l’homme dans notre pays.

Voilà pourquoi :

en ma qualité de présidente du Groupe Parlementaire ANC, j’avais par courrier du 12 novembre 2015 saisi le Chef de l’Etat à l’effet de « surseoir à la promulgation de la Loi portant nouveau code pénal et de la retourner à la représentation nationale aux fins d’une nouvelle délibération permettant de la mettre en adéquation avec les engagements pris par le Togo, notamment en ce qui concerne la dépénalisation des délits de presse d’une part, et la redéfinition appropriée ainsi que l’imprescriptibilité du crime de torture d’autre part ».

Par courrier de la même date, j’ai en outre saisi Madame la Présidente du Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) dans sa mission de suivi et de mise en œuvre des recommandations de la CVJR, à l’effet d’inciter la Chef de l’Etat à surseoir à ladite promulgation.

Le 18 Novembre 2015, le Groupe parlementaire ANC a organisé à cet effet une conférence de presse sanctionnée par une déclaration portant « Le Groupe Parlementaire ANC pour une relecture de la Loi portant code pénal » en vue d’informer l’opinion nationale et internationale sur la pertinence de son combat à cet effet.

Face au silence des autorités, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) n’eut d’autre choix que de saisir le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme à Genève en Suisse aux fins de solliciter son implication personnelle afin d’user de son influence pour amener le Chef de l’Etat Togolais à surseoir à cette promulgation dans le seul et unique but de mettre en adéquation le nouveau code pénal avec les engagements pris par le Togo, notamment en ce qui concerne les droits et libertés fondamentaux défendus et protégés par le HCDH.

Monsieur le Président, chers collègues nous étions tenus d’effectuer avec responsabilité ces différentes démarches, dès lors et surtout que nous avions fait le choix délibéré, ici, à cette même assemblée, de loger le Mécanisme National de Prévention de la Torture à la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH)…

Et aujourd’hui nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir tenu bon et maintenu le cap vers cette autre victoire pour la prévention et la protection effectives des droits de l’Homme dans notre pays.

Nous restons cependant persuadés que tant la bataille pour la dépénalisation des délits de presse de l’article 497 du nouveau code pénal que celle encore plus déterminante des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales doivent se poursuivre sans relâche jusqu’à l’objectif final de l’encrage d’un véritable Etat de Droit dans notre pays.

Mais pour l’heure et dans l’attente des lendemains meilleurs pour notre pays en matière de prévention et de protection des Droits de l’Homme, et, sans polémiquer outre mesure sur les véritables raisons qui ont déterminé le gouvernement à revenir sur sa position d’antan, le Groupe Parlementaire ANC ne peut que savourer cette victoire qui rend la torture, l’un des crimes les plus abominables existant dans la panoplie des infractions, imprescriptible sur la terre de nos aïeux !

Ainsi donc, Monsieur le Président, Chers Collègues, le Groupe Parlementaire ANC votera favorablement le texte soumis à notre appréciation et ne manquera point d’œuvrer à son application effective, efficace et efficiente.
La lutte se doit dès lors de continuer !

Je vous remercie de votre attention.

Fait à Lomé, le 29 septembre 2016

La Présidente
Signé
Maître AMEGANVI Manavi Isabelle