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Les migrant-e-s togolais-e-s : premier bailleur de fonds du Togo

Togo - Opinions
Cet article revient sur les conclusions d’une étude que nous avons menée au dernier semestre 2011 avec le sociologue Allemand Gregor Feytag sur les transferts de fonds des migrant-e-s togolais-e-s et particulièrement ceux vivant en Allemagne.

Sur ces dix dernières années la migration est le sujet social qui a le plus gagné en importance au niveau mondial. Sujet transversal, elle a des implications à la fois économiques, politiques, sociales et humanitaires et des conséquences importantes sur la vie de millions de personnes sur la planète. En 2006, dans son discours inaugural au premier Dialogue de Haut Niveau sur la Migration Internationale et le Développement, Mr Koffi Annan, Secrétaire Général des Nations Unies, affirmait : « Nous commençons seulement à apprendre comment faire en sorte que les migrations facilitent plus systématiquement le développement. ». La migration a significativement changé le climat politique et l’équilibre de la balance des paiements dans beaucoup de pays du Sud. Mais pourtant ces pays manquent encore d’expérience sur la façon d’intégrer leur diaspora pour une meilleure dynamique de développement endogène. C’est le cas du Togo.
La prise en compte du phénomène migratoire dans les questions de développement au Togo est récente. Autrefois considéré comme un pays à faible culture migratoire, le Togo, depuis vingt ans, voit croître rapidement le nombre de ses ressortissants vivant à l’extérieur. Le recensement de 2010 a estimé la population résidant au Togo à 5 753 324. Selon diverses sources, entre 1 500 000 et 2 millions de Togolais-e-s résideraient aujourd’hui à l’étranger. Ce chiffre, s’il est confirmé par le prochain recensement des Togolais-e-s de l’extérieur que compte effectuer l’Etat togolais, ferait de la diaspora la première « région » du Togo, car elle représenterait plus de 25% de la population résidente au Togo. La migration togolaise s’est faite en trois vagues successives.

La première vague fut composée de nouveaux bacheliers envoyés étudier, grâce à des bourses, dans les universités des sous régions ouest-africaine, européenne et américaine. En effet, à l’indépendance, le pays manquait de cadres et n’avait pas d’universités pour leur formation. Malheureusement, au début des années 80, face à la crise de la dette et suite à l’ajustement structurel, la plupart de ces étudiant-e-s togolais-e-s furent contraints de rester à l’étranger pour échapper au chômage qui les attendait chez eux puisqu’ils ne pouvaient plus y prétendre à un poste dans la fonction publique.

La seconde vague fut d’ordre politique. Le processus de démocratisation au début des années 90 entraîna une crise politique qui permit à de nombreux Togolais de bénéficier de l’asile politique dans les pays limitrophes et dans les pays européens. (il ne faut pas oublier les USA et le Canada)
La troisième vague de migration, plus récente, est liée à la quête d’un bien-être économique. Le bas niveau des salaires, donc du pouvoir d’achat, de la population togolaise en comparaison avec la situation dans les autres pays de la sous-région, et la crise économique due à la rupture de la coopération togolaise avec l’Union Européenne, les USA et les institutions financières internationales, ont poussé les Togolais-e-s à migrer vers d’autres pays afin de faire valoir leur savoir-faire.

La diaspora togolaise se retrouve ainsi majoritairement en Afrique (Gabon, Côte d’ivoire, Burkina, Bénin), en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et enfin en Europe (France, Espagne, Allemagne, Belgique).
Selon la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) – Togo, près de 855 milliards de Francs CFA (1 milliard 710 millions de dollars US) ont été transférés au Togo sur la période 2000-2009 par la diaspora togolaise. L’étude a révélé l’importance de ces transferts de fonds dans l’économie togolaise. Elle a notamment montré que le Togo se place en deuxième position au niveau africain en ce qui concerne la part des transferts de fonds des migrant-e-s dans le PIB. Cette part est, en effet, passée de 6,1 % en 2005 à 8,1 % en 2010. Le montant des fonds transférés est quant à lui en constante hausse depuis les années 2000. Le volume net des transferts de fonds des migrant-e-s est passé de 143 millions de dollars US en 2005 à 231 millions de dollars US en 2010. Une comparaison entre les montants envoyés par les migrant-e-s togolais-e-s et les appuis budgétaires accordés au Togo par les pays développés en fonction des années montre que, depuis cinq ans, le total des sommes envoyées par les migrant-e-s togolais-e-s est de 3 à 6 fois supérieur à celui des appuis budgétaires accordés au Togo à titre d’aide par les pays développés.
Cette étude souligne également la place importante occupée par les transferts de fonds de la diaspora togolaise installée dans les pays africains comparativement à ceux de la diaspora togolaise résidant en Europe, comme le démontre le tableau suivant :

1. Diaspora togolaise aux États-Unis : 47,12 millions US$
2.Gabon : 44,67millions US$
3.Espagne : 29,96 millions US$
4.France : 22,54 millions US$
5.Côte d’Ivoire : 18,59 millions US$
6.Burkina Faso : 12,91 millions US$
7.Congo : 8,45 millions US$
8.Allemagne : 7,32 millions US$

Au vu de ces données, on peut facilement comprendre pourquoi le Togo a tout intérêt à mieux prendre en compte sa diaspora. Le gouvernement togolais a ainsi lancé ces dernières années divers programmes envers ses migrant-e-s pour optimiser leur implication dans le développement du pays. Ces programmes ont été consolidés par la création au ministère des affaires étrangères d’une Direction des Togolais de l’extérieur qui coordonne les questions liées à la diaspora et règle les problèmes que rencontrent les migrant-e-s.

En effet et fort malheureusement, tandis qu’augmente la reconnaissance de la contribution des migrant-e-s au développement mondial, les migrant-e-s sont plus que jamais l’objet des politiques répressives et discriminatoires à des fins électoralistes dans les pays d’accueil. Le plus regrettable est la politique des pays du Sud envers leur propre diaspora. Faisant le jeu des pays d’accueil, ils signent des accords de gestion des flux migratoires avec des clauses de réadmission de leur migrant-e-s manu-militari et sans aucun respect des droits humains. Le Togo est l’un de ces pays à avoir signé des accords de gestion des flux migratoires avec la France au détriment de ces migrant-e-s, pourtant d’un apport économique considérable. Mais l’avenir de la diaspora togolaise reste encore à écrire. Qui vivra verra.

CET ARTICLE EST PARTAGE PAR :
Mr. Attiogbe Kokou Hermann
Ingénieur Réseau Informatique et Programmeur
Minnesota, USA. ( En cours :Togo ; Pays de « MAWULAWOE »).


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