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Kaporal Wisdom : « Je ne marche jamais sans mon drapeau »

Togo - Show biz
Dans la salle Fazao du somptueux Radisson Blu de Lomé, un jeune, coiffé du drapeau togolais se dresse au milieu de plus d’une centaine de personnalités politiques et religieuses et impose un discours de paix. « Veuillez-vous lever, main dans la main au nom de l’unité nationale », va-t-il lancé ce 15 juillet 2016, invité à prester à la cérémonie de clôture de l’Atelier de Réflexion sur les Réformes. Adversaires politiques, personnalités publiques et hommes religieux exécutent alors un geste fort qui a sûrement manqué depuis le début d’une rencontre motivée par la recherche de la paix et la cohésion sociale. Loin des ragots et calculs politiques, loin des contorsions macabres ayant toujours tenu en haleine l’actualité, Icilome.com est allé à la rencontre d’un jeune patriote togolais qui a embrassé le Slam et s’est fait serment de travailler pour une société meilleure avec des mots doux et évocateurs, un langage poli et sincère qui se fait désirer dans toutes les rencontres, mais encore indispensable pour éradiquer la perversion vilipendée à tort dans tous les clips vidéos, et les réseaux sociaux. L’homme, c’est le jeune Ekoué Kunké alias Kaporal Wisdom.
Kaporal Wisdom Bonjour

Bonjour iciLome.com

Comment Kaporal Wisdom est-il arrivé au Slam ?

J’ai commencé en 2004 avec la danse. J’ai fait la break-dance avec plusieurs groupes. Mon dernier groupe était celui de l’Air force One (les danseurs d’Omar B). Mais j’ai arrêté la danse en 2007 pour des raisons scolaires. Je suis donc parti de Lomé pour Kpémé où j’ai décroché mon probatoire et mon Baccalauréat. A mon retour en 2010, le temps n’était plus à la danse et aux entraînements, vu que j’avais plus d’obligation pour mes cours à l’Université.

A force d’étudier mes leçons dans un style poétique je suis tombé sans le savoir dans le Slam. En Décembre 2010, je me suis inscrit pour un concours de Slam au cours d’une soirée. L’engouement du public au cours de ladite prestation m’a révélé mon talent pour cet art. Depuis lors, je me suis mis à travailler dur pour me faire une identité dans le domaine. Voici comment je suis devenu Kaporal Wisdom.

Vous semblez avoir l’esprit patriotique ; est-ce une particularité au domaine du slam ou c’est plutôt une particularité du Kaporal Wisdom ?

Moi je dirai que c’est une particularité pour moi. J’ai compris à un certain moment le devoir d’aimer mon pays. Il s’est fait même que j’ai épousé une femme née un 27 avril, ce qui, selon moi, traduit indirectement une redevabilité de ma part envers ma patrie.

J’ai fait la remarque que les gens ont peur de l’amour, l’amour pour son prochain, l’amour pour sa patrie. Cela m’a encouragé à travailler davantage dans ce sens et les ramener à la raison, car on peut tout changer sauf son identité. C’est là qu’on est né, c’est la terre de nos aïeux.

Je me suis donc donné cette mission de sensibiliser mes concitoyens sur le fait qu’on a qu’un seul pays. Pour ce faire, j’aborde des thèmes relatifs au patriotisme. Et on me le rend déjà bien. En 2015, j’ai été primé « messager de l’année » au All Music Award avec mon titre « miabé paradiso », j’ai aussi eu le prix « Patriote de l’année au Togo Music Awards ». Ce n’est qu’un début, mais je pense que l’esprit patriotique en soi vaut la peine.

Je ne crois pas m’en arrêter là. Je travaille avec d’autres artistes sur le même thème. J’ai fait « ECM » (Education Civique et Morale) avec Oli Big, « la solidarité obligée » avec la Tribu des Elus, « citoyens du monde » avec un collectif appelé Connexion Lomé-Toulouse où nous essayons de briser les frontières administratives. On n’a plus besoin de Visa pour passer de Lomé à Paris, puisque dans notre conception, les Visas, ce ne sont que des papiers qui nous empêchent de circuler librement dans le monde. On veut être citoyens du monde, traverser toutes les frontières sans aucun problème.

J’ai fait « réveillez-vous » avec « plume nègre » et « demain il fera beau » et pleins d’autres titres encore qui sont toujours dans la sensibilisation et l’esprit patriotique. Je peux donc dire que c’est une particularité pour moi d’être patriotique, je ne marche jamais sans mon drapeau, je suis toujours sur scène avec mon drapeau.

Demain, un Togo meilleur, vous y croyez ?

J’y ai tellement cru que le concept est parti de lui-même. J’ai révélé à d’autres personnes que demain, il fera beau. Le concept n’est plus togolais. Maintenant il y a la version panafricaine de « demain il fera beau » que j’ai faite avec le slameur béninois et celui burkinabé. Il y a aussi une version camerounaise lancée le 20 juillet dernier, et le titre est également en cours de reprise au Gabon. Nous, nous croyons à ce rêve-là. Le Togo d’il y a 10 ans n’est pas le Togo d’aujourd’hui.

Il y a certaines choses qui sont visibles, il reste que certains blocages constitutionnels et institutionnels à franchir pour qu’à l’unanimité le Togolais puissent dire oui les choses changent.

Moi je dis qu’on a aussi et d’abord besoin de changement de mentalité. Lorsqu’on ne change pas cela et qu’on change seulement les personnes, cela ne va pas réussir puisqu’eux aussi viendront dans le même environnement avec les mêmes mentalités et cela n’engendrera pas l’évolution tant attendue. Donc oui, demain il fera beau.

Oui, j’y crois que si chacun fait bien ce qu’il sait faire, si chaque artiste pratique son art comme il se doit, si celui qui monte le drapeau le fait avec dévouement, si l’employé va au bureau à l’heure, si les feux tricolores sont respectés, OUI DEMAIN IL FERA BEAU.

Vivez-vous de votre art ?

(sourire…) Vivre de mon art oui et non.

Oui, dans ce sens que le slam aujourd’hui m’a glissé des ouvertures, et des relations. Mais non du fait que je ne vis pas qu’en faisant du slam. Je fais d’autres activités grâce auxquelles je finance ma carrière, vu que je suis en autoproduction.

Je ne fais pas l’ambiance, c’est du slam, la poésie mélodieuse et le constat amer est que les gens sont plus tournés vers l’ambiance plutôt que d’écouter les bonnes paroles. Certains pensent s’évader, oublier les soucis à travers l’ambiance, sauf qu’après les soucis reviennent toujours.

Ce qui fait qu’on n’est pas beaucoup sollicité sur les scènes. N’empêche, comme je le disais plus haut, j’ai embrassé la slam par amour et patriotisme. Il y a certaines oreilles intéressées par notre travail et qui nous tendent la main. Au-delà de tout cet argumentaire, je suis convaincu qu’il n’y a pas un seul artiste togolais qui vit que de son art.

Il suffit juste d’établir un rapport avec les artistes de la sous-région pour se rendre à l’évidence que ce n’est pas vraiment ce qu’il faut au Togo. Nous essayons au Togo de vivre de notre art par rapport aux conditions, mais ce n’est pas vraiment ça. Au Togo, tu es obligé de faire autre chose pour joindre à ta consécration artistique. C’est la triste réalité. Je me rappelle de l’étonnement du public quand au soir de la mort de papa wemba, j’ai sorti un titre en sa mémoire.

D’aucuns se demandaient si je l’attendais. Or, en réalité, c’est ça l’artiste : être à l’écoute perpétuelle de son environnement pour en déduire son inspiration et par ricochet répondre aux maux de la société. Donc, c’est un travail perpétuel.

Êtes-vous accompagnés et soutenus ; quelles sont les éventuelles difficultés?

La seule personne qui m’accompagne, c’est Dieu. Depuis mes débuts, je n’ai reçu aucun soutien. Je fais tout de mes propres moyens et je sors tout de ma poche. En plus, j’ai un salaire misérable et le consacrer au financement de ma carrière, je dis que c’est une question de passion pour la chose. J’espère que le retour ne tardera pas à venir. Parlant de soutien, je n’en ai aucun, sauf des encouragements. Des gens vont te dire oui on est derrière toi, courage. Ça fait chaud au cœur mais soyons réalistes, ça ne paie pas les factures.

Néanmoins, je suis reconnaissant envers mes copains toujours rigides derrière moi, avec de petits services. Ça m’aide beaucoup et ce serait grossier de ne pas les remercier. Je remercie mon graphiste, mon manager, mon directeur artistique, mon pianiste qui ont toujours offert leur disponibilité à ce qu’on donne le meilleur de nous, et d’aller au-delà de nos moyens.

La principale difficulté est notre limite en termes de finances. Il faut souvent financer la carrière avec un job de moins de 50 000F CFA par mois. Et comment avec cette modique somme, je peux nourrir ma famille, assumer mes besoins élémentaires et dégager une épargne de 500 000F CFA pour financer un seul titre en studio ? Oui, l’artiste a beau vouloir faire assez, mais cela relève de l’impossible. Pour sortir mon album, le projet était à 5 millions, mais je n’ai même pas eu ne serait-ce que 100 000F CFA de qui que ce soit.

Il n’y a pas de sponsoring, ni de partenariat. Les rares qui se présentent ne donnent que des produits en nature alors qu’on ne peut les revendre pour financer la carrière. On a besoin de financement, de sponsoring pour de vrai. C’est ce qui se passe ailleurs et les artistes sont bien. Il y a tellement de projets ici qui ne trouvent pas preneurs.

Il y a des gens dans ce pays qui ont des moyens, qu’ils sortent ces moyens-là et que nous on travaille là-dessus. Il est vrai qu’il y a eu certains de nos aînés qui ont touché des enveloppes et qui n’ont pu honorer leurs engagements, qui n’ont pas été honnêtes. Cela fait qu’aujourd’hui les gens ont peur de s’engager encore avec nous. Mais moi je mets ma carrière en défis. Que quiconque veut oser, qu’il vienne et je ne le décevrai pas. Nous avons déjà fait la grande partie nous-mêmes. Alors qu’est-ce qui nous empêchera d’en faire assez si on est soutenu ?

Je me souviens avoir monté plus de 30 dossiers d’envergure que j’ai partagés avec les institutions. Seul Aimes-Afrique nous a envoyé une réponse et quoiqu’elle fût négative, le seul fait qu’ils aient répondu a été une satisfaction.

Que conseillez-vous aux slameurs togolais ?

Je dirai à tous les frères, jeunes slameurs que nous devons beaucoup travailler. Le slam est le seul art musical qui peut répondre de façon spontanée et personnalisée à des événements. Lorsqu’on invite un slameur à la soirée de la femme africaine, à la journée mondiale de l’eau, il y va avec une belle prestation personnalisée sur l’événement. Or, il peut arriver qu’un artiste chanteur qui n’a jamais abordé le thème de la maltraitance des enfants, se retrouve dans une soirée dédiée aux enfants victimes de tortures, parfois même avec des chansons à la danse mapouka.

Nous slameurs devons travailleurs 10 mille fois que les autres pour garder notre niveau et notre fierté.

Kaporal Wisom Merci

Merci à vous aussi, iciLome.com


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