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Culte de la personnalité post-mortem

Togo - Politique
« Ali Bongo a inauguré le 4è CHU le plus moderne de Libreville en 7 ans de pouvoir, Faure Gnassingbé, lui, construit des statues » (Vox Africa)
Un journaliste algérien observait que si vous allez dans un pays et que vous voyez partout les portraits, sachez que vous êtes bien dans une dictature. Plus d’un an après le braquage électoral du 25 avril 2015, on assiste encore dans la rue à un matraquage publicitaire de Faure Gnassingbé, avec des affiches géantes du candidat du parti au pouvoir qui agressent quotidiennement les Togolais. Le Togo honore bien son titre de première dictature en Afrique.

En effet, que n’avait-on pas vu en matière de culte de la personnalité durant le règne au long cours de Gnassingbé Eyadema ? On était parvenu à la déification du général. Fasciné par la figure paternelle de Staline, il s’était déclaré « Timonier national », « Père de la nation », « Guide éclairé », etc. Peu de dirigeants africains peuvent prétendre avoir égalé le « dieu de la terre ». Onze (11) ans après sa mort, le culte de la personnalité continue de plus belle. Le fils qui démontre qu’il a les germes de la dictature dans les chromosomes, vient d’ériger à coût onéreux, une statue gigantesque et hideuse d’exagération à Kara, en hommage à son père défunt.

Réalisée par l’entreprise CENTRO, la statue de feu Gnassingbé Eyadema est dressée à côté du Palais de Congrès de Kara, un lieu baptisé « Place de Gnassingbé Eyadema, Père de la Nation Togolaise ». L’inauguration de ce portrait inutile dans une région considérée comme l’une des plus pauvres au Togo où les populations portent en bandoulière la misère au quotidien, devrait se dérouler samedi. Mais une averse a stoppé net Faure Gnassingbé dans son élan au moment juste où il s’était levé pour procéder à la coupure du ruban. L’apatam dressé pour la circonstance a été saccagé.

Pendant que le fils du père dilapide les maigres ressources du pays pour ériger une statue aussi dispendieuse qu’inutile, les populations de Kara peinent à s’offrir deux repas par jour. Le grand marché de Kara, le cœur des activités dans cette ville, ravagé par un incendie criminel n’a pas encore été rénové. Le CHR manque de tout. N’allons même pas parler de scanner et d’échographe. C’est un luxe au royaume des Gnassingbé.

Par ses dérives autoritaristes, Faure Gnassingbé déçoit énormément les Togolais jusque dans son propre camp. « Je suis effaré, estomaqué, abasourdi. Cette statue d’Eyadema en plein Kara est un affront à la population. Le marché de Kara a brûlé. On n’a même pas commencé les travaux de rénovation. Et pourtant c’était le cœur des activités de Kara, le cœur des affaires où tout tournait (…) L’université de Kara ouverte en grande pompe est toujours hébergée dans les locaux provisoires de l’ENI. 75 % de la population n’a pas accès à l’eau potable. Le lycée de Kara est un endroit infeste, délabré. L’hôtel de Kara est un coin mort. TP Kara est tombé en ruines. Les CEG Kara-Ville et Kara-Sud sont des endroits peu recommandables. Comme réponse aux souffrances de la population de cette ville, on leur plante une statuette d’Eyadema », s’est emporté un activiste connu du régime sur les réseaux sociaux.

Quelle fierté, quelle mérite y a-t-il a ériger un tel portrait, joyau architectural, dans une vallée de misère et de pauvreté ? « A quoi servent tous ces monuments dans un pays qui a faim ? », dirions-nous, pour paraphraser Jean-Paul Sartre.

Médard AMETEPE
Source : Liberté-Quotidien