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EPU : les recommandations de la société civile

Togo - Societe
En prélude au second Examen Périodique Universel (EPU) dont le Togo fera l’objet devant le Conseil des Droit de l’Homme des Nations Unies, la société civile fait une dense évaluation par rapport aux engagements du Togo en 2011 dans le cadres des Droits Economiques et Socio-culturels. Trois principaux axes à savoir : l’éducation, la santé et les programmes de réduction de la pauvreté ont été la majeure préoccupation de la société civile qui a soumis des recommandations au gouvernement.
1. Lors de l’Evaluation Périodique Universelle de 2011, le Togo a accepté plusieurs recommandations relatives aux Droits économiques sociaux et culturels (DESC), en particulier dans les domaines de l’éducation scolaire, de la santé et des programmes de réduction de la pauvreté. Les trois recommandations suivantes ont retenu notre attention pour l’établissement du présent rapport:

2. « Introduire un enseignement des droits de l’homme dans les programmes scolaires et harmoniser la législation nationale avec les instruments internationaux ».
3. «Envisager d’étendre l’assurance maladie obligatoire dont bénéficie les agents de la fonction publique, selon qu’il convient, aux employés du secteur privé. »

4. « Veiller à ce que les droits de l’homme soient pris en considération dans les programmes de réduction de la pauvreté ».

5. Le gouvernement togolais a fourni des efforts dans la mise en œuvre de certaines de ces recommandations. L’éducation primaire est devenue obligatoire et gratuite : L'article 35 de la Constitution pose le principe de la gratuité de l'enseignement primaire et son caractère obligatoire jusqu'à 15 ans.

6. La première phase de la gratuité de l’enseignement a commencé en 2008 avec la suppression des frais scolaires au niveau des enseignements préscolaire et primaire publics par décret n° 2008-129/PR du 2 octobre 2008

7. Des mesures ont été également prises dans le cadre de la santé maternelle dont la réduction maximale des frais de la césarienne en rapport avec le dispositif de la Campagne pour l’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle en Afrique (CARMMA).

8. Cependant, l’assurance maladie obligatoire ne touche que les agents de la fonction publique. La recommandation 101. 2 (Royaume du Maroc) de l’EPU 2012 qui préconisait son extension aux agents du secteur privé n’est toujours pas encore suivie d’effet.

9. Pour ce qui est de la prise en considération des droits de l’homme dans les programmes de réduction de la pauvreté des dispositions spécifiques sont prises dans la Stratégie de croissance accélérée pour la promotion de l’emploi (SCAPE), et des différents programmes de lutte contre la pauvreté, notamment ceux du ministère du développement à la base.

10. Malgré ces avancées, bien des défis restent à relever. L’éducation aux droits humains, notamment, n’est pas intégrée de manière appropriée dans les programmes d’enseignement.

11. La dernière évaluation Universelle du Togo n’avait pas enregistré de recommandations liées au domaine du droit foncier et de la sécurité alimentaire. Mais compte tenu de l’ampleur que présentent ces deux domaines, nous tenons à les évoquer afin d’inviter le Groupe de travail de l’EPU à formuler des recommandations pour notre État car si la situation reste telle, elle risquera d’annihiler tous les efforts dans les autres domaines.


2. LE CADRE NATIONAL DE PROTECTION DES DROITS HUMAINS

12. Pour ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels (DESC) et des recommandations afférentes, le cadre légal de référence est :
13. La constitution togolaise de 1992 notamment ses articles :

• Article 33 : l’Etat prend ou fait prendre en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées, des mesures susceptibles de les mettre à l’abri de l’injustice ;

• Article 34 : l’Etat reconnait aux citoyens le droit à la santé. Il œuvre à le promouvoir.

• Article 38 : Il est reconnu aux citoyens et aux collectivités territoriales le droit à une redistribution des richesses nationales par l’Etat,

• Le Pacte International relatif aux Droits Economiques Sociaux Culturels (PIDESC) signé et ratifié le 24 mai 1984 par l’Etat du Togo.

• La loi N°2011003 du18 février 2011instituant un régime d’assurance maladie obligatoire pour les agents publics et assimilés au Togo.

• Le décret N°2008-129/PR du 02 Octobre 2008 portant suppression des frais de scolarité dans l’enseignement préscolaire et primaire public au Togo.

• Le décret N° 2007-089/PR du 26 Juillet 2007 portant création, composition et attribution du comité national et des comités préfectoraux de la transhumance ;

• L’arrêté interministériel N°011/MAEP/MAER/MATDCL/MEF/MCDAT/MSPC du 22 mai 2008 portant organisation du mouvement de la transhumance.

14. Ce cadre législatif devrait prochainement être complété par le Protocole facultatif se rapportant au PIDESC que le Togo a signé le 25 septembre 2009 mais qu’il n’a pas encore ratifié.

15. Divers facteurs empêchent toutefois une mise en œuvre effective des DESC au Togo :

• La méconnaissance apparente du PIDESC par les juges qui n’y font que très rarement référence dans leurs décisions.
• Les différents traités auxquels le pays est partie ne sont pas connus du public, faute de vulgarisation adéquate.
• La méconnaissance des procédures judiciaires, et notamment des mécanismes de saisine des tribunaux
• L’absence d’aide juridictionnelle.
16. Le cadre légal juridique et législatif du droit foncier date de la période coloniale et est désuet, notamment le décret n° 61-121 du 22 décembre 1961 portant règlementation des loyers des locaux d’habitation.
17. L’article 11 du PIDESC constitue une référence pour le droit à un niveau de vie suffisant, définit comme « le droit fondamental de la personne ».
18. La Commission Vérité Justice et Réconciliation dans le cadre des conclusions de ses travaux a remis son rapport au Chef de l’Etat le 3 avril 2012. La 28ème recommandation fait état de plusieurs points concernant les reformes foncières appropriées que le Togo devrait engager.
19. La sécurité alimentaire constitue un des droits fondamentaux des citoyens. En termes de la qualité des produits de consommation, la loi N 099 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence et de la consommation oblige l’Etat à prendre des dispositions pour assurer ce droit aux citoyens.
3- LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS SUR LE TERRAIN
Accès des populations à l’information relative aux droits de l’homme
20. En ratifiant le PIDESC, l’Etat togolais s’est engagé à rendre son contenu populaire et accessible à tous, même aux couches sociales les plus défavorisées. C’est aujourd’hui loin d’être le cas. Une étude réalisée en 2013 par la Plateforme DESC-Togo conclut la méconnaissance totale du PIDESC par la population. Seuls environ 1% de la population et 28% de ceux ayant atteint un niveau baccalauréat ou plus ont entendu parler des droits économiques sociaux et culturels, alors que le Togo a ratifié le Pacte depuis 1984. Même s’il ne s’agit pas ici de ‘’violation’’ à proprement parler, c’est tout de même un déficit notoire dans l’application des engagements de l’Etat.
Education
Le PIDESC précise les efforts à fournir par chaque Etat partie d’assurer une éducation scolaire et professionnelle pleine et entière, sans discrimination, à tous les citoyens. (cf. art 14.)
21. Bien que Togo fasse partie des pays de la sous région ouest-africaine où le taux d’alphabétisation des jeunes de 15 à 24 ans reste fort, il faut attirer l’attention sur l’impact de la déperdition scolaire due aux inégalités sociales économiques. Ce taux se situe à 86.9% pour les hommes et à 72.7% pour les femmes entre 2008 et 2012 .
22. Les dispositions de la gratuité de l’enseignement dont la première phase a commencé en 2008 avec la suppression des frais scolaires au niveau des enseignements préscolaire et primaire n’est jusqu’à ce jour complète. Au même moment où les élèves du préscolaire et du primaires publics sont exemptés des frais scolaires, les parents d’élèves continuent de prendre en charge l’émolument des enseignants volontaires sur la base des cotisations dites parallèles. Cette pratique ne garantit pas la vraie gratuité des frais de scolarité.

Éducation aux droits humains
23. L’introduction de l’Éducation aux Droits Humains (l’EDH) dans l’enseignement scolaire n’est pas encore effective.Il y existe certes, un programme d’éducation civique et moral (ECM) qui fait un peu allusion aux droits humains. On aurait souhaité comme recommandé que ceux-ci fassent l’objet d’un programme spécifique avec des enseignants formés qui assurent ces cours.
Infrastructures immobilières et mobilières
24. L’insuffisance de l’équipement des bâtiments scolaires, de tables-bancs, observée sur toute l’étendue du territoire, ne permet pas aux enfants de suivre les cours dans de meilleures conditions. Malgré les efforts consentis, ceci constitue toujours un manquement à l’engagement pris par le Togo en vue de « l’éducation pour tous »’ en ratifiant différents textes (OMD, PIDESC, etc.). Il n’est pas rare de voir des classes se tenir sous des arbres, ou sous des bâtiments à peine couverts c'est-à-dire des abris provisoires.
Pléthore d’élèves
25. Dans la plupart des salles de classe, on peut compter jusqu’à 100 élèves voire plus alors que la norme admise est de 45 à 50. Cette situation de pléthore d’élèves dans les classes est plus visible en milieu rural. Dans ce contexte, le travail des enseignants, qu’il soit en termes de cours à délivrer ou de copies à corriger, a une incidence négative aussi bien sur la qualité de l’enseignement que sur les résultats. Les redoublements et les abandons précoces sont légion.
Santé.
Assurance maladie
26. L’extension de l’assurance maladieau secteur privé recommandée dans l’EPU de 2011par le Royaume du Maroc, n’est pas effective. Pire, on note qu’aucun progrès n’a été accompli par l’Institut National de d’Assurance Maladie (INAM) dans les prestations qu’il est censé fournir au secteur public. Au contraire il a été constaté des restrictions aussi bien en ce qui concerne le nombre de maladies couvertes, que la liste des produits pharmaceutiques remboursés.
27. La lourdeur administrative du dispositif mis en place n’a pas non plus connu d’amélioration : quatre documents de renseignement, d’analyse et de prescription médicale doivent être remplis par les médecins pour que les assurés puissent bénéficier de la couverture de l’INAM,
28. D’interminables démarches dites « d’entente préalable » entre médecins traitants et l’INAM doivent être entreprises avant que certaines catégories de maladies (dont la liste est d’ailleurs inconnue des assurés) ne soient prises en compte. Certaines maladies qui figuraient au départ sur la liste couverte par l’INAM en ont été retirées. Il s’agit là d’une régression dans les prestations de l’INAM.

Réduction de la pauvreté
29. Les dispositifs contenus dans les programmes élaborés par l’État pour réduire la pauvreté, surtout en milieu rural et au niveau des couches les plus vulnérables, ne sont pas toujours mis en œuvre sur la base de dispositions légales.
30. Au niveau des préfectures par exemple, les services sociaux de base (eau, infrastructures éducatives, pistes rurales, etc.) sont à certains endroits délivrés sur la base d’un régime de faveur.
31. Les conseils préfectoraux qui sont illégitimes (délégations spéciales nommées en lieu et place des élections locales toujours attendues) n’agissent pas entant qu’acteurs redevables aux communautés et ne sont jamais tenus de rendre des comptes sur l’utilisation de telles ou telles ressources allouées (les plans d’actions ne sont pas publics et les rapports, au cas où ils existent, ne sont pas publiés)
Droit foncier
32. La réalité en matière de propriété foncière, en milieu urbain comme en milieu rural, et en matière d’accès au logement est si préoccupante que le Chef de l’Etat lui-même, dans son message adressé à la nation le 26 avril 2011, s’en était ému.
33. Suite au rapport de la Commission Vérité Justice et Réconciliation d’avril 2012, le gouvernement a commandité une étude diagnostic sur le droit foncier qui a abouti à un avant-projet de code foncier. Depuis lors, la situation est restée telle quelle. De plus, plusieurs associations des droits de l’homme et des personnes estiment que plusieurs dispositions de l’avant-projet du code, en termes de la surface à acquérir et des institutions de gestion des questions foncières posent problème. Il s’agit essentiellement des problèmes d’accaparement des terres, de doubles ventes et des remises en cause constantes des documents administratifs.


4- RECOMMANDATIONS

34. Au regard des déficits et violations constatés en rapport avec les DESC, ceux issus de la mise en œuvre des recommandations de l’EPU 2011, notamment en matière d’éducation, de santé et de l’intégration des droits de l’homme dans les programmes de réduction de la pauvreté, nous invitons l’Etat togolais à suivre les recommandations suivantes :

a. prendre toutes les mesures nécessaires pour faire de l’enseignement des droits humains, une matière fondamentale dans les milieux scolaires (secondaire) et extra-scolaires (centres de formation professionnelle).

b. Etendre l’assurance maladie obligatoire aux agents du secteur privé en la rendant universelle.

c. Faire en sorte que les programmes de réduction de la pauvreté adoptent une approche basée de manière systématique sur les droits humains dans leur mise en œuvre en associant par exemple les organisations de défense des droits de l’homme à la conception et à la mise en œuvre desdits programmes.

d. Rendre publique et accessible aux populations l’information sur l’existence des corridors de passage et les sites de séjour des bœufs en passage dans les localités

e. Prendre une loi fixant des normes d’évaluation et les montants d’indemnisation équitables aussi bien des préjudices causés par les bœufs sur les cultures et les récoltes que ceux des agriculteurs sur les bœufs en vue de dédommagement à la hauteur des dégâts causés.

f. Doter les comités locaux de transhumance (préfectoraux, cantonaux et villageois) des moyens adéquats pour mieux faire leur travail (diligence de mission d’évaluation des dégâts, médiation des règlements de conflits et collecte et remontée des informations.),

g. Accélérer le processus d’adoption du projet de code foncier tout en réétudiant les questions de la surface à acquérir et des institutions de la gestion foncière,

h. Renforcer le dispositif de sécurisation des documents de propriété foncière,

i. Accroitre l’investissement financier et en personnel supplémentaire en faveur de l’enseignement public afin d’éviter la prise en charge des enseignants volontaires par les associations des parents d’élèves.